Sept ans après avoir été ressuscité par Christopher Nolan, Batman tire sa révérence dans cet ultime chapitre aux airs de requiem. Autant le dire tout de suite la conclusion présentée ici risque de décevoir bon nombre d’aficionados ayant élevé The Dark Knight au rang de standard du film de super héros. Et pourtant, The Dark Knight Rises (aka TDKR) est supérieur sur bien des points dans la mesure où il affiche une ambition encore plus démesurée que son prédécesseur. Logique quand on sait que la franchise est passée du stade de récit initiatique (Batman Begins) à celui de polar urbain à grand spectacle (The Dark Knight) tout en restant d’une cohérence absolue. Que pouvait donc bien nous réserver ce chapitre ? L’apocalypse tout simplement ! Cependant, d’aucuns pourront être décontenancés par la relative absence de « souffle épique ». Alors que dans The Dark Knight, Nolan enquillait les morceaux de bravoure tout en assenant un propos qui tendait à se répéter vers la fin, c’est l’exact contraire qui se produit ici.

Comprendre par là que si TDKR met le holà sur les séquences d’action c’est pour mieux dérouler un récit d’une incroyable densité. Ici, le coté épique est à chercher du coté d’une écriture ultra millimétrée et efficace. Plus que jamais, Nolan ancre son héros dans une réalité sociale et économique et témoigne par là même d’une maturité certes déjà palpable dans les précédents opus mais qui atteint ici son point culminant. Au déballage de gadgets bling bling s’oppose ici une approche plus terre à terre où Batman s’extirpe de ses oripeaux fantasmagoriques pour mieux apparaître comme le produit d’une société méritant la rédemption en dépit d’un climat de forte déliquescence.


En creusant de manière encore plus approfondie les thématiques de Batman Begins et The Dark Knight, TDKR atteint une strate supplémentaire dans la réflexion globale engagée par ses géniteurs dès 2005. Ici, l’instrumentalisation du bien commun est clairement pointé comme l’apparat servant à brouiller la frontière entre anarchie et fascisme comme en atteste une dernière partie faisant clairement référence à la Terreur, période noire de La Révolution Française. Politique TDKR ? Pas vraiment dans la mesure où il ne verse jamais dans la démonstration facile et consensuelle. S’il est question de reconstruction humaine, sociétale et matérielle elle se fait à partir de ruines et non de cendres comme si au delà du chaos émergeait encore et toujours l’espoir de bâtir de nouveau sans passer par l’annihilation de l’être. Une nuance importante car contrairement au joker à Bane elle assoit plus que jamais Batman comme héros populaire mu par une indéfectible confiance en l’être humain. Un leitmotiv dilué de manière très subtile et nourri par tous les personnages croisant le chemin de Bruce Wayne/Batman. En dépit de la multitude de personnages et de trajectoires, Nolan ne perd jamais son objectif de vue et tisse au fur et à mesure une grande fresque dont on finira par réaliser la portée qu’au terme de deux heures quarante cinq bluffantes de fluidité.

Un pari ambitieux peut être trop même pour un film de super héros mais qui demeure cohérent avec le cheminement fait jusqu’ici par le chevalier noir. De Selina Kyle à Bane en passant par John Blake (Joseph Gordon-Levitt) ou Miranda Tate (Marion Cotillard), chacun a sa place dans l’échiquier humain crée par Nolan et Goyer. Car oui, TDKR est avant tout un film de personnages comme autant de facettes aidant à décrypter la psyché d’un Bruce Wayne au bord du gouffre. On ne saurait trop vous conseiller toutefois de vous replonger dans Batman Begins avant de sombrer dans les arcanes vertigineuses de TDKR tant les ponts avec le film matriciel sont nombreux.




N’allez cependant pas croire que le film se contente de disserter tout en s’auto citant, quand il le fait ce n’est jamais inutilement mais surtout le discours se voit aussi servi par d’excellentes scènes d’action manquant un poil de piquant mais nullement d’ampleur. Les lister se révélerait vain mais aucun doute que la métronomie du prologue et surtout la terreur sourde teintée de mélancolie se dégageant du final risquent bien de susciter de sacrées émotions fortes. Car malgré une accalmie apparente, TDKR ne donne jamais de sentiment de paix comme si derrière la rigueur hivernale de Gotham se dissimulaient les souffles ardents de l’enfer. Un mélange détonnant qui donne au film sa tonalité amère, voire désenchantée. Alors non, le résultat n’est pas exempt de défauts et use de raccourcis parfois faciles, son aspect résolument verbeux refroidira les amateurs d’action non stop. Mais surtout, il risque de provoquer la colère des aficionados dans sa tenace volonté de déconstruire les fondements mêmes d’icones pourtant bien ancrées dans notre inconscient pop. Plus proche de la vision de Frank Miller période Batman : Year One que de celle de Tim Burton (ou de Bruce Timm), la Catwoman de Nolan a des airs de prolo à la peau dure totalement désexualisée malgré une tenue fort moulante et quelques clins d’œil bien appuyées à Batman : le défi.

D’ailleurs, la belle ne répond jamais par son nom de scène mais par celui de Selina Kyle. Un personnage en totale adéquation avec l’univers crée par Nolan mais auquel il manque toutefois ce regain de noirceur qui rendrait ses combats auprès de Batman moins incongrus. Mais on pinaille tant Anne Hathaway s’en sort plutôt bien dans un rôle loin d’être facile. Face à eux , cette masse de Bane, s’il n’est pas un méchant aussi intéressant que le Joker période The Dark Knight, reste un antagoniste de taille tant par sa force physique que par la terreur qu’il inspire, bien loin de son ridicule prédécesseur dans Batman & Robin. Rigueur, cohérence et surtout cœur sont les maitres mots qui caractérisent ce chapitre final et plus globalement une saga qui n’aura jamais sacrifiée l’homme sur l’autel de l’iconisation à outrance. Batman Begins s’ouvrait sur une chute, The Dark Knight Rises s’achève sur une ascension (au propre comme au figuré)… Nolan ferme la boucle de la plus belle des manières faisant oublier au passage les quelques frustrations qui ont pu être égrainées ici et là. Malgré ses imperfections TDKR témoigne d’une richesse narrative et émotionnelle qui force le respect. Et rien que pour ça on ne peut que remercier Nolan de s’être penché sur le cas du Chevalier Noir.
IlanFerry
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le 22 oct. 2012

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IlanFerry

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