Un fameux écrivain du pays de Zubrowka séjourne au Grand Budapest Hotel, un établissement de montagne tombé en décrépitude et désert, mais malgré tout gardé par son vieux propriétaire, un certain monsieur Moustafa. Monsieur Moustafa se met à lui raconter comment il en est venu à posséder cet hôtel jadis florissant et les mésaventures vécues dans sa jeunesse (quand il n'était qu'un simple réfugié de guerre devenu groom, ou "lobby boy" dans cet univers) avec son mentor Monsieur Gustave H., le dernier maître d'hôtel de cet âge d'or, pris dans une histoire rocambolesque parce que désigné héritier d'une vieille dame très riche à qui il plaisait beaucoup, mais dont la famille éloignée ne recula devant rien pour mettre la main sur le pactole et une oeuvre d'art...

On la connaît tous cette histoire très classique du type pris au piège dans une spirale de meurtres, d'injustice, de grande évasion et de cavale autour d'un héritage très convoité. Wes Anderson a eu la très bonne idée de raconter tout cela à sa manière, avec sa fantaisie loufoque et onirique dans un écrin en toc à la fois bizarre car ancré dans une réalité parallèle à la nôtre et beau, posé, très cohérent visuellement et raffiné comme une pâtisserie (comme celles de chez Mendl justement) ou une maison de poupées, avec quelques séquences d'animation burlesques en stop-motion de silhouettes sur fond de décors peints qui sonnent faux mais ne font qu'ajouter au charme de l'oeuvre (plus agréable et comique que des effets numériques dans le cas présent), et pour toile de fond un pays au nom de vodka (?!) à mi-chemin entre la Suisse, le Liechtenstein, l'Autriche, la Hongrie, la Roumanie... avec des noms de villes bien germano-alpins, et semble-t-il, autant de changements politiques et vestimentaires en moins de trois mois que l'Europe entre 1914 et 1945, de la fin de la Belle-Epoque jusqu'à une dictature d'inspiration prussienne puis nazioïde comprise, la république populaire communiste à peine évoquée également (de toute façon c'est un autre monde).
Et une éternelle passion bien anglo-saxonne pour tout ce qui sonne comme le chic à la française, ou plutôt l'image qu'il en a (les noms de personnages, de parfums...), emphase sur les accents et manières incluse.

Anderson a rameuté à peu près tous les acteurs qui ont déjà tourné avec lui (d'Adrien Brody à Jason Schwartzmann, Willem Dafoe et Edward Norton... jusqu'au Sikh du Darjeeling Limited) avec des degrés d'importance d'apparitions très variés du second rôle consistant au simple caméo oubliable de trois secondes, des français décoratifs de circonstance ou presque (Amalric, Seydoux) et des petits nouveaux dans son univers (le débutant prometteur Tony Revolori et la toujours délicieuse Saoirse Ronan). La pièce maîtresse c'est Ralph Fiennes, en très grande forme, un anti-héros d'une verve comique pince-sans-rire décapante que je trouve assez proche de son personnage de Harry Waters dans "In Bruges" (Bons baisers de Bruges) il y a 6 ans de cela, l'avalanche de jurons, la violence et l'honneur suicidaire en moins, le comportement de dandy méticuleux, responsable... et gérontophile en plus. Ne manquent peut-être aux superbes vignettes qui composent ce film que des relations sentimentales un peu plus poussées que des beaux vers.

2014 commence de façon plutôt exquise avec cette très jolie baraque de foire, au style frais et inattendu, presque un goût de cinéma burlesque d'antan, et bien plus encore.

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le 6 mars 2014

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Jackal

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