Masterpiece (facile je sais)
Synopsis:
Freddie, un vétéran, revient en Californie après s’être battu dans le Pacifique. Alcoolique, il distille sa propre gnôle et contient difficilement la violence qu’il a en lui… Quand Freddie rencontre Lancaster Dodd – « le Maître », charismatique meneur d’un mouvement nommé la Cause, il tombe rapidement sous sa coupe...
Nouveau film de Paul Thomas Anderson, nouvelles perspectives pour le réalisateur aux pellicules magnétiques et aux thématiques simples au premier abord, mais de plus en plus profondes et complexes.
The Master, qui suit involontairement le parcours de Ron Hubbard fondateur de la scientologie, ou en tout cas une "secte-culte-groupe-whatever", ce n'est pas vraiment sur quoi ou plutôt qui le film parle que sur les thématiques qui épousent la pellicule qu'il faut creuser.
Freddie, homme pour le moins torturé par une vie faite d'errances, volontaires?, et homme dont la vie se décide au jour le jour complètement libre par choix ou ayant des chemins de traverse, rencontre Lancaster Dodd en atterrissant dans son bateau complètement bourré.
À part de ce jour là et pour un laps de temps indéterminé (4-7, plus?), ils seront comme l'eau et l'huile. La colère extérieure et la colère intérieure, 2 facettes d'une monnaie qui a besoin l'un de l'autre mais qui jamais ne se donneront à l'autre.Relation profondément trouble, sexuellement latente, paternaliste et en même temps punitive, Freddie et Dodd sont comme l'eau et l'huile qui cohabitent ensemble, qui semblent avoir besoin l'un de l'autre sans vraiment savoir pourquoi.
On pourrait bien entendu théoriser dessus et s'entendre dire par de simples réflexions que c'est de par l'absence de famille que Freddie rejoint "La Cause" ou plutôt son maître, mais il serait impossible tant leur relation évolue au fil du récit dont les moments de calme sont à la fois réalistes de par leur existence même, concrète mais qui n'empêchent pas une sourde violence de maître / dominé et vice-versa de coexister.
Car c'est sur cet angle que The Master a des chances d'être mieux perçu et abordé, c'est la question du avons-nous un maître ou non? Qu'il soit spirituel, physique, invisible, familial, sociétal, avons-nous une vraie liberté d'agir, de penser, de comprendre, de connaître?
Après tout, est-ce que Dodd est-il dans le faux? Ou est-ce que la réalité perçue est-elle vraiment la bonne et la juste que l'on mérite?Car c'est dans ce carcan de doutes face aux théories fantaisistes? Mystiques? Brutales? Vraies?, que le discours de Dodd existe.Gourou et charlatan? Séducteur et homme comme il aime le dire lors de la première confrontation avec Freddie l'indomptable, le dompté?
Car si la liberté existe, et elle n'est jamais remise en cause par Dodd dans le fond, elle semble avoir un prix non dit, une obligation de servir spirituellement, de ne pas remettre en cause la réalité de Dodd sous peine de se faire rejeter et de venir faire pénitence.Et c'est sur cette thématique du contrôle / controlé / choix de se faire contrôler que le film excelle.Le fils de Dodd est-il réellement contrôlé par son père ou fait-il le choix du confort quitte à y perdre un peu en autonomie, en convictions?
Si le film est rempli de foi, et pas seulement de foi religieuse, il est question de foi d'âme, de coeur de convitions sur les bons choix au quotidien, à l'instant précis: défendre son père et ami nouveau ou laisser...Il renvoie en tout cas de profonds questionnements internes sur soi, sur ce que l'on croit ou non, sur la possibilité que nous avons à remettre en question et en doute ce qui nous entoure, que ce soit les gens, ce que l'on sait ou nos options quant à la vie en société.Vaut-il mieux faire partie des élites intellectuelles, qui comme on peut le voir dans le film peuvent être séduites par un homme charismatique ou au contraire une vie simple faite de sexe et de vagabondage est-elle meilleure?
Qui a raison dans quoi?La fuite telle que choisit Freddie ou le contrôle par la domination sereine qu'exerce Dodd, qu'est-ce qui est le mieux?
La relation du père/fils est-elle fausse de par sa naissance? Peut-on créer des souvenirs ou interprète-t-on les faits, les embelissons-nous? Est-ce que les sensations sont-elles les piliers concrets de la réalité?Qui tire vraiment les fils dans les coulisses? Qui est le maître de qui?
Un film sous forme de questionnements, au cadrage magnifique et serré au plus près de ses personnages avec des acteurs vivant totalement leurs rôles; Joaquin Phenix, Philipp Seymour Hoffman, Amy Adams magnifique aussi et qui ouvre un nombre de portes incalculable pour ne jamais vraiment proposer des réponses toutes faites et c'est sans doute dans cela que The Master perturbe le plus: le récit n'étant qu'un assemblage suivi de séquences (rêves?) dont on ne sait jamais vraiment si c'est sur cette plage que Freddie est mort ou si c'est sur la moto, point de départ pour un autre chemin fait d'autres choix et d'autres conséquences que le prix de sa vie a été créé.
Servi par une bande-son monumentale de Johnny Greenwood, dont la collaboration avec Paul Thomas Anderson semble faire des merveilles, The Master est un bijou de film complexe et simple à la fois mais qui renvoie au rôle le plus primitif des personnalités humaines:
Dominer ou être dominé.
Note: 9/10
Trailer: http://youtu.be/fJ1O1vb9AUU