D'abord, je n'ai pas de compte. Je n'en veux pas, c'est un choix, je n'argumenterai pas. Tant mieux ou tant pis. Il m'a donc fallu beaucoup de temps avant de me décider à voir The Social Network. Aujourd'hui je me rends compte qu'un malentendu était la source de ce délais. Mais TSN n'est pas un film sur le fameux réseau; s'il fallait encore le préciser. La grande qualité, l'atout, non, la force du travail de Fincher est d'avoir réussi à produire un matériau qui dépasse son sujet initial. Rare.

La première grande surprise du film, donc, c'est que je l'ai aimé.

Je l'ai aimé malgré un scène d'intro bavarde et pompeuse qui laisse entrevoir un truc du genre : « attention ce gars est super intelligent alors nous les scénaristes on va vous le faire comprendre en vous balançant du dialogue bien lourd pour vous démontrer qu'on est tellement super intelligents qu'on peut faire parler un mec intelligent ». Ouais sauf que tout ça s'effondre vite lorsque le Zuckerberg de Eisenberg ( ! ) se ramasse en plein exercice social : la communication (avec sa future ex petite copine, accessoirement). Un comble, une faille, la musique démarre. On lit deux noms : Reznor (au pupitre) et Cronenweth (directeur photo sur Fight Club).

Ok j'essaie de mettre mes a priori de côté.

Donc j'essaie d'oublier Fincher, qu'on aime ou exècre. J'essaie d'oublier qu'il vient de la pub et que ça se voit toujours un peu, qu' il use souvent d'effets putassiers, qu'il n'a pas toujours fait les bons choix, qu'il s'est souvent fourvoyé, qu'il a souvent voulu en jeter et s'est ramassé. Pas difficile ; ici Fincher lui-même a oublié tout ça.
Ici tout est carré, sobre, efficace. Ici l'écriture et le montage sont tellement bien foutus que l'intrigue et la chronologie qu'on pensait tout d'abord foutraques se mettent en place de façon aussi fluide que deux légos trempés dans la vaseline. Quand on regarde TSN on oublie presque de quoi, de qui on parle. On oublie presque Zuckerberg et son réseau tout en étant captivé par la genèse des deux entités, aujourd'hui incontournables. En fait on avait presque oublié que tout ça avait commencé dans la vraie vie.

La deuxième grande surprise du film, donc, c'est que c'est une surprise.

Paradoxalement et comme son titre l'indique le vrai sujet du film n'est pas LE réseau social, mais le réseau social. Tout part de la frustration, de l'impulsivité, de la valeur des gens, du jaugeage et de l'étiquetage des personnalités, des interactions et des connexions, du refus, de la versatilité, de l'existence au travers du statut et des situations. Choses qui, bien qu'ayant toujours été partie prenante des relations sociales des individus, sont devenues depuis la création de Zuckerberg des valeurs fondamentales de notre société actuelle. Une putain de vitrine. C'est ça que montre le film ; au travers d'un Eisenberg/Zuckerberg quasi inhumain de distance froide et de cynisme on assiste à la mutation d'un monde. Dans ce monde un nerd considéré comme un pauvre con suffisant devient populaire en créant un truc cool, le tout en gérant ses proches relations comme une merde, et fini milliardaire avec près de 10 millions d' « amis ». Ca peut paraître évident comme ça, ça a déjà été remarqué mille fois, mais bordel ça saute aux yeux. Eisenberg et sa tronche de gorille sous prozac, campe un Zuckerberg victime de lui-même et de la vie sociale à chier qui en résulte, et qui se réapproprie les codes des relations sociales pour les revendre à ceux qui lui auraient même pas payé un verre d'eau dans un bar. Si ça s'appelle pas mettre le doigt sur la superficialité des choses...

Bien fait pour vos gueules.

La troisième grande surprise du film, donc, c'est qu'il n'y a pas de héros.

Je n'irai pas plus loin. Je rappelle seulement que je ne voulais pas voir The Social Network mais que maintenant j'ai envie de le revoir. Je rappelle seulement qu'il ne s'agît pas d'un biopic élogieux à la gloire d'un site internet tendance. Je rappelle seulement que Fincher m'a bien surpris, et que ça faisait bien 12 ans que ça n'était pas arrivé. Je voudrais juste dire aussi que la bonne surprise du film c'est que la putain de reprise merdique de Creep de la bande annonce ne figure pas dans le film.

Et ça, c'est une bonne surprise.
real_folk_blues
9
Écrit par

Créée

le 17 nov. 2011

Critique lue 2.6K fois

51 j'aime

16 commentaires

real_folk_blues

Écrit par

Critique lue 2.6K fois

51
16

D'autres avis sur The Social Network

The Social Network
Sergent_Pepper
9

Around the crowd in a day.

Alors que Fincher optait dans Zodiac pour la distance et l’atonie comme remède à l’hystérie souhaitée par un psychopathe, le sujet qu’il aborde dans The Social Network va impliquer un changement de...

le 28 déc. 2014

114 j'aime

5

The Social Network
Torpenn
5

Fincher et les malheurs du trou du cul...

Le héros de ce film est un trou du cul, ce n'est pas moi qui le dit mais sa copine qui le largue au début du film dans une scène très pénible qui a pour seul intérêt la confirmation du postulat sus...

le 1 nov. 2010

100 j'aime

338

Du même critique

Gravity
real_folk_blues
5

2013 L'odysée de l'espèce di counasse...

Évidemment, un pauvre connard cynique comme moi ne pouvait pas ne pas trouver son mot à redire. Évidemment, si je devais me faire une idée de la qualité du truc au buzz qu’il suscite, deux options...

le 28 oct. 2013

283 j'aime

121

Divergente
real_folk_blues
1

Dix verges hantent ces lignes...

Ça fait un moment que j’ai pas ouvert ma gueule par ici. J’aurais pu faire un come back de poète en disant de bien belles choses sur Moonrise Kingdom, vu récemment ; mais non. Fallait que ça...

le 15 avr. 2014

271 j'aime

92

Upside Down
real_folk_blues
2

De quoi se retourner dans sa tombe...

J’ai trouvé une formule tirée de ce film à la rigueur scientifique inégalable : Bouillie numérique + histoire d’amour = Twilight. Je soustrait les poils de Taylor Lautner et je rajoute des abeilles...

le 30 avr. 2013

243 j'aime

39