Quand on voit trop la main de l'artiste

Il y a, à la vision de "The tree of life", le sentiment que l'auteur a tenté malhabilement de construire un film-monument, un film-somme, une oeuvre ultime.
Malhabilement, parce que ça se voit, ça se ressent, ça en devient intriguant puis sans doute fatiguant.
Que Terrence Malick possède un don pour construire une image, c'est indéniable. Mais le talent se retourne contre lui, ici. Il n'est plus seulement émerveillé par ce qu'il voit ou découvre, en tentant de nous émerveiller par la suite. Il est insidieusement émerveillé par la manière qu'il a de nous le montrer, émerveillé par sa faconde. Soudain, on devine derrière l'image, derrière l'histoire, la volonté du créateur, le travail intellectuel (et bien peu sensuel, malheureusement, pour une fois) qui a accouché d'une telle oeuvre. Comme un livre où l'on devine les coquetteries de l'écrivain connaissant trop sa virtuosité et de quels leviers user pour la montrer.

La partie "voyage vers l'aube de l'univers et de la terre" est, dans sa forme, plutôt intéressante, par moment brillante, parce qu'inattendue, parce que l'on n'a pas pris la peine de la justifier (dans des instants de doute, on se demande tout de même s'il n'y a pas derrière cela un mysticisme religieux fumeux).
Le début annonce une fresque tragique, surréaliste, très esthétique mais prenante.
Le problème, c'est le gros de l'histoire en elle-même.
Car l'ambition clamée haut et fort se résume soudain, pardon de le dire, en une histoire banale, presque anecdotique. Petite histoire sans vague, dans un quartier middle-class, un peu aisé mais pas trop, un père un peu autoritaire mais pas trop, juste un peu rude parfois, troublant de fait un adolescent, mais encore une fois pas trop (ça décolle temporairement lors de scènes plus hardies comme le jeu avec la lampe électrique, mais c'est occasionnel).
Comme si la perfection formelle et technique pouvait rattraper l'"indigence" du propos (je mets des guillemets au mot, évidemment un peu fort pour le cas présent. Mais cette histoire demeure décevante).
Alors cette langueur finit par tout engloutir, par nous couper de l'empathie aux personnages malgré une interprétation impeccable (formidables Brad Pitt et Sean Penn, imprégnés de profondeur). Jessica Chastain fait un bon travail, cependant diminuée par une partition-accessoire, un rôle de femme au foyer sans chaleur, sans grand intérêt même.

Le film suit alors un cours sans surprise, passée LA grande surprise astronomique. Il va son train, et finit hélas par se prendre les pieds dans le tapis.
Mais quelle est cette conclusion new-age bord-de-plage hors du coup ? Pourquoi soudain une vision étriquée, presque didactique, aux frontières du cucul ?
C'est à n'en pas revenir, et c'est bien dommage.
Oneiro
6
Écrit par

Créée

le 11 févr. 2013

Critique lue 347 fois

3 j'aime

2 commentaires

Oneiro

Écrit par

Critique lue 347 fois

3
2

D'autres avis sur The Tree of Life

The Tree of Life
Malgo
3

Critique de The Tree of Life par Malgo

"Terrence Malick je te hais. Tu as volé 4h33 de ma vie Je hais tes fantasmes sur les arbres. Je hais tes fantasmes sur la femme pure et stupide et rousse à grosse bouche Je hais tes phrases...

le 1 juin 2012

268 j'aime

102

The Tree of Life
Torpenn
2

L'ennui vous appartient

Après le terrifiant Nouveau Monde, j'avais juré qu'on ne m'y reprendrait plus. Encore la preuve que je devrai m'écouter plus souvent. Terrence Malick est un primitif, un simple, un naïf, c'est ce...

le 26 mai 2011

204 j'aime

110

The Tree of Life
Clairette02
10

Le plus beau film du monde

The Tree of life n'est pas un film. C'est un voyage. A faire dans une grande quiétude, une sérénité totale, et en bonne compagnie, sinon vous allez vouloir sauter de l'avion ou du train, c'est selon...

le 19 mars 2012

150 j'aime

79

Du même critique

Dead Man
Oneiro
5

Il y a tout, et pourtant...

C'est d'une ambition folle, si personnelle que tout le monde ne peut hélas accrocher. Pourtant ça démarrait bien, pour moi. Depp est dans son rôle, le montage est déroutant, la photographie et le...

le 1 févr. 2013

46 j'aime

6

Joker
Oneiro
7

La danse du meurtre

"Je ne pourrais croire qu'en un Dieu qui saurait danser", écrivait Nietzsche. Peut-être faut-il alors aussi faire danser le diable pour le rendre crédible. Le laisser échapper de courts instants au...

le 19 oct. 2019

22 j'aime

22

Chanson douce
Oneiro
6

Doute amer

Comme ils sont étranges, les deux segments ouvrant et fermant ce récit. Ils semblent échappés d'une autre réalité, sans lien avec cette histoire (ils sont accompagnés de quelques visions du futur...

le 26 avr. 2018

21 j'aime

9