Le blockbuster de la grenouille de bénitier

Sur le papier, un casting aux petits oignons, un budget qu'on imagine blindé, une longue période de maturation pour un résultat qu'on espère à la hauteur, un grand nom à la réalisation, le souvenir de la Ligne rouge... Et du Nouveau monde. Ah, ça sent déjà moins bon...

Et là, le film. Ca commence pompier, avec des chants religieux, ça s'améliore légèrement au creux, et ça finit largement en emphase. De la BA, il ne reste rien, ou quasiment rien. De ce film sur l'éducation, qui paraissait déjà vu mais augurait du sympathique jaillit une envahissante allégorie de la vie, transcendée par la grâce, ou avilie par la (triste) nature. Je n'invente rien, ce sont les termes employés en adjonction des chants dégoulinants de bons sentiments voluptueux. Et cela ne s'arrête jamais, tout au long du film c'est un prosélytisme insoutenable pour un retour à la foi de ce Sean Penn que nous sommes tous, occidentaux, perdus dans notre cité de verre, attendant avec espoir un retour à la verdure pour reprendre racines familiale et spirituelle.

A priori dans la finesse, la narration use de procédés éhontés d'un lourdingue... De manière récurrente, sont répétées les mêmes allusions gonflantes au père et à la mère, qu'ils soient munis d'une majuscule à l'initiale ou non. C'est sur ce relent avarié de puritanisme américain que repose tout le twist du film, qui s'appuie sur l'évocation du « tuteur » de chaque être, de ce qui l'élève ou qui lui permet de s'élever. Toutefois, alors même qu'on croyait que cette éducation allait à vau-l'eau, qu'il y aurait un renversement de situation, et qu'on assisterait donc à l'application du procédé un peu archétypal employé dans Black Swan, mais somme toute attractif de l'ange qui se transforme en démon, il n'en est rien, et tout retombe à plat au moment même où la sauce commençait à prendre.


Avec un oeil saturé de cinéma traditionnel et formaté, on peut y voir un essai rafraichissant pétri d'images d'Épinal à la 2001, tout en se masturbant insensiblement les neurones puisque la trame ne nous stimule pas suffisamment pour nous distraire de notre monologue intérieur. Mais franchement, non, je préfère ne pas me laisser endormir par ce déballage d'images de clip tout autant propices à la contemplation qu'aliénantes, car il est impossible de me faire sortir de la tête que c'est trop de souffrances sous anesthésie locale pour pas grand-chose. En d'autres termes, il n'y a rien de neuf sous le soleil avec ce cours de catéchisme, ce sermon séduisant aux entournures, qui a pour seule caractéristique remarquable d'être aussi fourbe et perfide que le loup dans la bergerie qu'il jette aux orties dans sa bobine : la figure du père démoniaque mise en opposition de celle de la mère, angélique. S'appliquant à vouloir faire du Gus Van Sant, Malick ne fait rien d'autre que laisser un mauvais arrière-goût d'une compilation mal maîtrisée de Jurassic Park, pour le passage halluciné de la genèse où des dinosaures à la modélisation grotesque surgissent sans crier gare, d'Océans pour ses jolis plans sous-marins, et de Virigin Suicides pour l'American dream faisandé, entre autres...

Ayant l'impression d'avoir été le dindon de la farce, de s'être fait administrer une blague à l'insu de notre plein gré, on en ressort avec l'envie d'en découdre. Un comble pour un film qui se veut mystique et paisible, non ?
Adrast
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le 17 mai 2011

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