Dieu envoie des mouches...
"Dieu envoie des mouches sur les plaies qu'il devrait guérir"... Cette petite phrase lancée par un personnages secondaire dans les premiers temps du film pourrait en être l'emblème et la métaphore. Il s'agit en effet d'un film de dévot, comme les Américains savent l'être. Tel Job dans l'Ancient Testament, malgré tous les malheurs pouvant s'abattre sur votre tête, vous devez conserver la foi! Dans ce sens, "The tree of life" pourrait être un beau film s'il avait su trouver un rythme et une cohérence interne. Terrence Malick souhaite manifestement nous transmettre son amour pour Dieu, sa dévotion modeste qui a renoncé à se révolter. Mais l'effet peine à se produire. La "partie" américaine est crédible et intéressante, dans la peinture d'un couple d'Américain trop moyen (Brad Pitt & Jessica Chastain) et de leurs trois fils. L'aîné surtout se rebelle contre un père trop autoritaire et se laisse troubler jusqu'au seuil de l'Oedipe par le charme de sa mère. Le jeu est fort, il y a de superbes scènes. Pourtant, même dans ces passages, on peine souvent à adhérer à l'intrigue, par excès d'ellipses ou par manque de continuité dans les personnages: la jeune fille dont l'aîné tombe amoureux; l'enfant au crâne brûlé, le troisième frère sans consistance. Même Sean Penn semble égaré par manque de rôle dans son jeu d'aîné devenu adulte torturé par la mort de son cadet. On resterait néanmoins prêt à faire un effort, à suivre Terrence Malick dans cet univers, car on sent une beauté, un message sous-jacent. Reste le plus difficile à intégrer, qui rend le film d'une longueur souvent pénible. En d'innombrables scènes, le cinéaste convoque: rivières, arbres, nuages, nuées de cellules biologiques ou de requins marteaux, nébuleuse Hélix ou tête de cheval et même des Vélociraptors sur fond de musique lyrique ou religieuse. Etait-ce vraiment nécessaire pour montrer la grandeur de Dieu et de sa création, ou bien pour faire un hymne à la vie? A ce propos, ce n'est pas forcément le procédé de mélange de genre qui est en cause. On l'a vu avec un certain bonheur chez Stanley Kubrick (2001 l'odyssée de l'Espace en 1968). C'était déjà nettement moins réussi dans "The Fountain" de Darren Aronofsky en 2006. Dans "The tree of life", la dichotomie est totale. Les croyants fervents ou les New Age y trouveront peut-être leur compte, mais les cinéphiles regretteront le manque d'articulation et de cohérence. Bref, on comprend le but visé, mais cinématographiquement parlant ce n'est pas convainquant. La sortie de la salle de spectacle est alors un peu pénible, hantée par le sentiment qu'il y avait tous les ingrédients pour un film magique, mais qu'on a seulement assisté à un tour de prestidigitation saccadé.