Beaucoup de choses ont été dites sur ce film: ennuyeux, lent, incompréhensible et j'en passe. Si ces qualificatifs sont tous justifiés, ils ne permettaient pourtant en rien de définir la dernière oeuvre de Malick comme mauvaise. La raison est simple: le cinéma du parcimonieux cinéaste n'a pas pour vocation de divertir, de tracer une ligne claire de la naissance à la mort du récit, mais bien de jouer avec la corde du philosophe qui est en chacun de nous.

Là où le bât blesse, c'est qu'avec tous les moyens à l'œuvre dans son film, le spectateur est anesthésié, guidé à l'excès dans les pensées du réalisateur américain et cela confine presqu'irrémédiablement à l'ennui profond. Malick s'est perdu dans des travers esthétisants qui donnent au film une hybridité très (trop) mal gérée, oscillant inconstamment entre les niveaux micro et macro scopique. Si le montage très particulier de ses précédents films a pu ensorceler, seules quelques bribes parviennent ici à tenir un semblant d'équilibre dans les séquences les moins abstraites.

L'aspect très explicite du propos que tient The Tree of Life fatigue tant les monologues des protagonistes ressemblent à une suite de citations extraites du manuel du parfait petit philosophe. Malick n'a jamais semblé aussi loin des humains à force d'évoquer Dieu à tort et à travers, il contemple l'homme avec curiosité et la toute puissante nature avec respect au point qu'on ne sait où se placer en définitive. Si la force évocatrice de l'expérience humaine anecdotique, tant chez les enfants que chez les parents, est bel et bien là à certains égards, la teneur du discours est déforcée par des personnages apparaissant comme des clichés ambulants de l'Amérique moyenne des années 50-60.

A force de redondance formelle, mettant l'accent sur des symboles à n'en plus finir, l'évidence du message épuise: la vie est un cycle, un cycle incompréhensible mais beau. Qu'est-il advenu de la légèreté de La Ligne Rouge, de cette lenteur muette propice à la réflexion? Si effectivement les passages muets sont légion, les passages parlés sont pour la plupart indigestes car trop littéraires au détriment du vécu humain et direct sur lequel ils sont censés s'appuyer.

On ne finira jamais de vanter la beauté des images capturées par Lubezki (déjà à l'oeuvre sur "Le Nouveau Monde"), la dynamique des plans et la percée captivante dans la bulle d'intimité d'acteurs à la performance irréprochable, faut-il le souligner. En revanche, comment ne pas s'interroger longuement devant la répétition à outrance de scènes de bonheur qui font passer certains moments pour des pubs pour du parfum qui n'en termineraient jamais. Quid, également, des longueurs docu-fictionnelles certes splendides mais Ô combien déjà vues dans des films rendant justice à la beauté de la nature ("Home" de Yann Athus Bertrand en tête).

Enfin, et si son apport est de qualité sur la plupart des films qu'il a mis en musique, Alexandre Desplat n'est ici par parvenu à trouver la note juste. Pire, la musique qu'il dispense est inadéquate et inopportune, elle sonne comme du déjà entendu et créée malgré elle un contrepoint par dessus certaines images à la légèreté appréciable. La volonté d'une intensité transparaît dans la composition, pourtant rien ne fonctionne et l'on se prend à regretter le travail de James Horner sur "Le Nouveau Monde".

Tout n'est pour autant pas perdu, car l'histoire de la famille est balisée de moments forts où se retrouve la force du cinéma du récemment Palmé, explorant des processus mémoriels complexes à l'instar de Proust. Mais il est évident que le bilan est vraiment trop mince pour prétendre à se hisser au niveau des autres films de celui que l'on peut aisément qualifier comme l'un des meilleurs cinéastes encore vivant.

A vouloir trop clairement explorer des voies universelles et universalisantes, il est malheureusement passé très loin de son sujet. Trop grand public dans sa forme faite de bannières dirigistes et pourtant tellement ancré dans l'intimiste au niveau de sa construction, il souffre de la comparaison avec, par exemple, "The Fountain" (de Darren Aronofski), bien plus délicat et épanouissant intellectuellement.

Une erreur de parcours, en somme.
Kaman
5
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le 6 juin 2011

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Kaman

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