Michel Gondry a le don de nous pondre une filmographie aussi hétéroclite qu’intrigante, de l’onirisme surréaliste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind à ce malaise empreint de nullité qu’est Green Hornet. Un réalisateur qui semble se faire plaisir en faisant de chaque film un grand délire à la personnalité propre. Avec The We and the I, présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2012, il bascule dans le registre du huis-clos auquel il insuffle le dynamisme du road-movie, en plaçant l’action dans un bus scolaire en mouvement.

The We and the I traite de la manière dont le comportement de l’humain se modifie lorsqu’il se trouve confronté au groupe. En choisissant une classe d’adolescents, Gondry traite d’une thématique universelle en l’illustrant d’un contexte qui parle à la grande majorité d’entre nous. Sociologiquement parlant, le phénomène de modification de l’attitude de l’individu face à la pression de ses pairs, à l’existence de clans, ou tout simplement en présence de personnes tierces dont le jugement lui importe, existe depuis toujours et se décline à l’infini quelle que soit l’époque, la situation géographique ou la classe sociale.

L’on serait tenté de le penser mais Michel Gondry précise bien qu’il n’a pas souhaité réaliser une étude sociologique sur les adolescents du Bronx (ou les adolescents tout court). Trois chapitres rythment le film au fil de trois différentes atmosphères, à mesure que les individus descendent du bus pour rentrer chez eux. Les départs successifs entraînant des modifications de rapports de force, les comportements évoluent tout au long du trajet, tandis que la lumière se tamise et que la tombée de la nuit s’amorce.

Si certaines scènes sont parfois cruelles et relatives au bizutage, au sexisme, au harcèlement, etc., jamais The We and the I n’est abordé sous un jour tragique. Gondry prend la liberté de traiter le tout avec légèreté et reste majoritairement dans le domaine de l’inoffensif. L’on se surprend donc même à rire de bon coeur à certaines taquineries qui nous auraient fait grincer des dents si nous l’avions vécu. Si l’on a été victime d’un groupe d’abrutis au lycée, on pourra observer le tout sans se sentir agressé. Un peu trop facile, peut-être, mais agréable. Michel Gondry a pris le temps de connaître ces jeunes afin de leur conférer à chacun sa personnalité propre, sans caricatures ni vulgarité gratuite. Juste une bande de gosses du Bronx, joués par des comédiens débutants qui ont l’impro facile, donnant lieu à de savoureuses joutes verbales comme à quelques moments de malaise.

The We and the I s’achève sur une longue note poétique. Alors que la nuit tombe et que le bus se vide, une certaine mélancolie s’empare de la pellicule, trouvant écho dans nos propres expériences. Cette atmosphère si particulière, poussant l’individu à abandonner enfin la carapace du socialement acceptable et à se dévoiler.
Filmosaure
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le 28 sept. 2012

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