Premières scènes du film, on se sent bien amené à comprendre l’euphorie des personnages ; des lycéens New-Yorkais joyeux de finir les cours, de laisser derrière eux l’instant de longues de vacances, le temps scolaire, l’autorité pédagogique. Ainsi pour une dernière fois, ils prennent tous le bus. Le leur, celui qui jour après jour les a fait traverser la route du savoir. C’est donc une invitation au voyage que nous offre Michel Gondy à travers son huis clos qui soulèvera çà et là les notions fondamentales de l’individu pensé à travers le nous et l’ego. Si The We and The I, montre que l’enfer c’est les autres, comme nous l’affirmait Garcin de Sartre; il nous apprend aussi que l’ego est bel et bien les limbes de l’individu.


On prend conscience au fil du temps et du trajet que fait le bus, qu’ici le caractère aléatoire des rencontres (par les montées et les descentes des passagers) déterminera en grande partie la construction de l’histoire et la mise en lumière de chaque personnage. Les petites histoires des ego, formeront l’Histoire du film : les amusements, les brimades, le rapport à la rumeur et à la solitude vis-à-vis de l’autre vont s’imbriquer dans une certaine normalité. Les personnages seront bien définis : il y aura les bourreaux et les victimes. Plus précisément, la définition de leur micro rôle social, dans cette jungle que sont les interactions dans un milieu scolaire tel que le lycée. Chacun des personnages joue ce rôle malgré lui ; la fille qui a disparu pendant un mois sans jamais que personne ne se soucie d’elle, revient aussi brusquement que son absence et se voit confrontée à toutes les rumeurs et les moqueries qui ont pu circuler à son sujet. Sans parler, de l’adolescent qui en bande, n’agit pas du tout de la même façon que seul – cela se vérifiera vers la fin du trajet du bus, c’est-à-dire à la fin du métrage. Les fameuses brimades, l’appropriation de leur environnement qu’est le bus, vont nous conduire à découvrir le caractère et les motivations des élèves d’une même classe de cours, tout en nous faisant comprendre la manière dont ils appréhendent les relations forcées – dans le sens où ces élèves n’ont pas adhéré de leur gré à ce groupe de classe, ils ont fait avec.


Aussi, la particularité du film, est le parti que prend le réalisateur en nous invitant à découvrir la petite vie sociale de ses petits personnages, en montrant comment chacun d’eux essaie tant bien que mal de jouer son rôle jusqu’au bout. Plus le trajet se rallonge, plus les blagues et les moqueries s’évaporent pour laisser place à des remises en questions profondes sur les relations amicales et sentimentales que les jeunes gens pensaient incassables, inviolables malgré tout. Malgré le fait de trahisons, d’omissions basées sur le mensonge et l’hypocrisie. Dans le bus la seule arme que détenaient ces élèves était toutes les formes d’humour ; cependant ce dernier est le masque qui leur permet de respirer dans cette atmosphère d’apparences et de défense en guise de réflexe.


Ainsi, Michel Gondry ne prend jamais le parti de mettre en avant qu’un seul personnage, ils sont chacun balayés par son œil mécanique, cet œil qui leur intime savamment l’ordre de se raconter et de se penser. Ainsi, tout le long, le ressenti du spectateur est vraiment celui du spectateur : on rit des blagues de ces élèves, on essaie de comprendre leurs codes, leur fonctionnement. Vers la fin du métrage, la tournure est toute autre, un évènement vient troubler notre partie de rigolade. La musique et la situation collent parfaitement : il y a un malaise, un « couac », cette tension qui nous déstabilise plus que les protagonistes. A la fin, on comprend tout. Mais il est déjà trop tard, les personnages sont déjà loin dans leur démarches d’avenir pour leurs vacances ; mais qu’importe, ils sont appelés à se revoir. De là, on imagine d’ores et déjà le trajet de retour pour la rentrée, dans ce même bus. Le même huis clos, avec un point nouveau, une certaine maturité des personnages en plus ? Sûrement.

DouceDib
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le 28 janv. 2016

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DouceDib

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