Time Out par Sissen

J'ai vu ce film après avoir mis ma cape de fan ultime de "Bienvenue à Gattaca".
Il y a toutes les étiquettes Andrew Niccol : les décors extérieurs épurés et horizontaux, les costumes sobres et sombres, la touche 60's et son brin de modernité pour les voitures surtout, l'anticipation et le revers moral qu'elle amène, même un joli caméo d'une certaine actrice virtuelle bien connue des amateurs du réalisateur. Il y a toutes les étiquettes Andrew Niccol, oui, mais pas toute la saveur...

Ce dernier a dévoilé dans une interview avoir eu l'idée du temps comme monnaie lors de l'écriture de "Gattaca" -à moitié étonnant- mais avoir pensé que cela aurait trop chargé le scénario. Il a donc gardé ça sous le coude et en a fait un autre film 15 ans après mais voilà, à part cette brillante idée de remplacer l'argent par le temps, ce scénario-là ne contient pas grand chose. C'est simple, malgré les jeux de mots et expressions sur le temps qui amusent, si on remplace le mot "temps" par le mot "argent", on obtient un film de braquage lambda... avec des gens qui courent un peu plus vite.
Il y aurait pourtant eu matière à en faire quelque chose de brillant et à fouiller dans toutes les questions qu'une telle situation pourrait engendrer. Le réalisateur en est capable : il l'a fait pour l'ère in vitro et ultra-contrôlée de "Gattaca" et aussi en peignant le portrait tout sauf manichéen d'un marchand d'armes avec "Lord Of War". Allez savoir ce qu'il lui a pris de se cantonner cette fois à un simple : "Est-ce réellement du vol de voler ce qui a déjà été volé ?", rapport au temps de vie distillé au compte goutte à la populace une fois les 25 ans passés. Cette question, on l'entend 3 fois dans le film ; non seulement c'est beaucoup mais surtout Niccol n'avait auparavant jamais eu besoin de formuler dans les dialogues les questions qu'il soulevait.

Les personnages sont aussi un peu fades. On retrouve le jeune homme battant (dont on nous dit à deux reprises qu'il mène le même combat contre l'autorité que son père sans qu'on nous apprenne jamais le fin mot de l'histoire du paternel), on retrouve aussi la charmante demoiselle formatée au monde dépeint qui finalement tombe amoureuse du héros/canard boiteux et change de bord, on retrouve le représentant du système ni très méchant, ni très gentil mais qui les traque. Seulement, ces trois-là sont loin d'être aussi touchants que les Vincent, Irene et Anton de "Gattaca". Même si Niccol nous sort quelques quasi-répliques de ses plans de nage nocturne issus de ce même film.

La musique quant à elle est très réussie, Craig Armstrong insuffle avec justesse une ambiance complémentaire collant parfaitement à l'univers du réalisateur.

En résumé, j'ai vu en "Time Out" son film le moins réussi mais sans le ramener pour autant au rang de raté. Il y a quelques bonnes trouvailles, les acteurs sont très honnêtes et la musique est bonne (bonne-bonne-bonne). J'espère juste qu'Andy aura retrouvé son sens du détail qui tue pour l'adaptation de "Les Âmes Vagabondes" de Meyer, qui, rien qu'en livre, a déjà tout d'un très bon film d'anticipation comme seul Andrew Niccol sait (savait ?) les faire.