Si l’adaptation de Stupeur et Tremblements d’Alain Corneau il y a un peu plus de dix ans avait eu un résultat plutôt honnête au box-office, il est clair que Tokyo Fiancée n’aura pas cette chance tant le film sort de manière confidentielle. Pourtant il serait regrettable de ne pas lui donner sa chance, car si le film de Stefan Liberski est parfois très maladroit, il reste touchant dans le principe de l’adaptation et de l’incarnation d’un personnage atypique de la littérature française. Il est évident que tout le monde ne peut pas apprécier Amélie Nothomb tant l’écrivaine est à la fois bizarre et particulièrement touchante. Une femme qu’interprète avec brio Pauline Etienne, dans ce rôle de jeune femme coincé entre sa volonté d’indépendance et une naïveté parfois exaspérante quant au Japon, sa terre natale. Revenue à Tokyo pour devenir une « femme japonaise », celle-ci semble à la fois fantasmer le pays qu’elle aime tant, dans son approche très mystique et ancestrale, comme elle accepte de nombreuses coutumes ou habitudes. Pourtant, à travers la relation fusionnelle qu’elle vivra avec Rinri, jeune japonais de son âge, le rêve se transformera progressivement en cadeau empoisonné, loin de l’image gracieuse et envoûtante qu’elle pouvait se faire de cette contrée. Finalement on se plaît – malgré de grosses erreurs de calcul dans un scénario parfois vain – à voir dans cette héroïne une figure occidentale de la fan typique du Japon, complètement obnubilée par son charme exotique mais qui sur place se rend vite compte que les us et coutumes sont bien différents de la France par exemple. Idée finalement imprégnée dans le récit par ce duel entre elle et une autre française (Alice de Lencquesaing, déjà vu dans Le père de mes enfants d’Hansen-Løve) lui expliquant que la femme française ne se mélange jamais avec l’homme japonais, les deux étant trop différents dans leur culture.

Tokyo Fiancée nous montre que si l’on veut aimer le Japon, c’est pour une bonne raison. Ne pas l’aimer simplement pour ce qu’on en voit sur internet, mais pour son ensemble, car lui n’hésitera pas à vous rejeter si cela ne fonctionne pas. Il est d’ailleurs intelligent que Stefan Liberski ait replacé le récit à une époque plus tardive, proche de Fukushima, qui permet d’apporter une dimension plus dramatique au récit. Au final, ce Tokyo Fiancée est bourré de qualités, mais il lui aurait fallu une approche encore plus personnelle et plus libre pour qu’il charme entièrement. Parfois trop littéral et morcelé, le récit se perd parfois complètement, quand il ne commet pas même d’horribles fautes de goût. Mais sa mise en scène très proche du peuple Japonais lui offre une plus-value bienvenue, qui permet de rendre hommage à la capitale Japonaise dans ce qu’elle recèle de secrets et de petits havres de paix.
Florian_Bodin
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le 16 mars 2015

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Florian Bodin

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