Même si, selon les Frères Coen, il ne s'agit pas d'un remake mais d'une adaptation du roman en premier lieu, les emprunts à ce que je nommerai malgré tout l'original sont multiples. La trame diffère sur de nombreux points, certes, mais reste assez proche. De nombreux passages, répliques sont repris, jusqu'à un bon nombre de personnages dont les visages sont assez proches dans les deux films - on remarque notamment que, dans le livre original, le héros bien que borgne ne porte pas de bandeau. Le bandeau des Coen est donc un emprunt au film de 1969 (1) - que j'ai vu, par curiosité et acquis de conscience - dans la foulée.
"100 Dollars pour un shérif", titre vf du premier "True Grit" est trop ancien et dans un genre qui date trop pour que je me permette de juger vraiment. Mais il semble très classique cinématographiquement parlant. Sa première qualité semble son scénario - et donc d'être l'adaptation du roman - ce qui, en 1969, devait j'imagine donner un peu d'épaisseur et d'originalité pour un genre qui avait donné tant et tant de films, dont un bon nombre sans aucun intérêt. Ce film offrait un oscar à John Wayne - ce qui reste pour moi assez énigmatique. Il récompense en tout cas une longue carrière au moment où l'acteur campe un personnage à l'opposé de ceux qu'il jouait habituellement.

Le film des frères Coen est en premier lieu une réactualisation formelle, et il faut dire qu'il y a toujours une bonne raison de regarder un film des Coen : la grande maîtrise de l'image et de la mise en scène, comme de la structure scénaristique et des dialogues. Mais j'avoue que ce film m'a fait l'effet habituel : c'est beau, ça fonctionne parfaitement, c'est drôle et terrible à la fois, mais, au final, je me dis : "et alors ?"
L'adaptation des Coen semble plus proche du livre que le film de 1969. Le ton biblique est plus présent, bien qu'en profondeur. L'histoire est narrée par une Mattie âgée, comme dans le roman. Ce qu'il advient de Mattie après l'accident final est également conforme à l'oeuvre écrite, alors quand dans le film de 1969, Mattie n'a jamais qu'un bras en écharpe. Seul ce qu'il advient de Tom Chaney diffère, alors que 100 Dollars respectait a peu près l'idée - mais je ne peux développer tout ces points sans tomber dans le spoiler le plus honteux.
Reste que le sujet du film me laisse indifférent et c'est mon problème dans la plupart des cas avec les frères Coen, dont les scenarii sont soit trop fins pour moi, soit trop stériles. Si c'est la deuxième hypothèse qui est la bonne - et sans doute ne le saurais-je jamais - je souhaite que les Coen aient un jour eux aussi un peu plus de "True Grit" dans le parti pris scénaristique.

Je soulignerai au passage que le final prend des connotations oniriques bienvenues et qu'apparemment le Dead Man de Jarmush et la Nuit du Chasseur - pour ce final - sont apparemment parmi les influences de cet exercice de style. Ceci dit il faut se méfier sur certains point : le Marshall qui traverse les immensités en blablatant sans cesse fait penser un peu à un personnage de Dead Man qui lui même venait peut-être de ce "travers" du personnage de John Wayne - et sans doute du livre initial. Cependant, d'autres éléments rappellent le Jarmush, comme le personnage de l'Ours ou certaines séquences dans la nature...

(1) Je pense même que le bandeau dans le film de 1969 n'est pas une fioriture. Passer d'un borgne écrit à un borgne filmé pose des questions. Et j'imagine que dans les "conventions" de 1969, pour un film à large public, imposer un visage abimé à John Wayne posait des problèmes autant en rapport à une certaine horreur - selon la façon de le maquiller - et/ou par rapport aux conventions de la figure du héros. Le Bandeau, somme toute, reste assez clairement artificiel pour être "neutre" disons, en tout cas pour rendre borgne sans défigurer. Il est aussi un artifice pratique par rapport au maquillage, convenons-en. Alors qu'aujourd'hui, non seulement ces artifices ont bien évolués, mais les conventions ont clairement changées. Au passage, on notera que la scène des doigts coupés que j'ai vu signalée comme assez typique d'une certaine violence chez les Coen est une scène présente dans le film de 1969, mais, évidemment, filmée d'une façon clairement plus "discrète" que chez son successeur.
Pascal_Souto
7
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le 2 avr. 2014

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Pascal_Souto

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