Tucker and Dale fightent le mal (par Cineshow)
Bien que le Tucker & Dale fightent le mal ait toutes les apparences du bon gros direct-to-DVD, il faudra passer outre votre premier ressenti pour vous aventurer dans les salles dès le 1er février prochain. Tout simplement parce qu'après de nombreux essais ratés, le film d'Eli Craig peut se vanter d'être le digne héritier du monument Shaun of the Dead d'Edgar Wright, génial pastiche des films de zombies, à la fois hilarant et rempli d'amour pour le genre. Et si l'on pensait avoir éclusé tout ce qu'il était possible de faire dans le registre du survival, c'était sans compter le talent d'Eli Craig, cinéphile dans l'âme maitrisant sur le bout des doigts ses classiques et les poncifs du genre slasher. De fait, dès les premières minutes, nous sommes en territoire connu, le bonhomme se permettant même de faire démarrer son film à la mode documentaire avant de l'arrêter bien vite, comme pour se moquer gentiment des essais foirés usant de ce procédé pour justifier à peu près n'importe quoi.
Tout le génie du film réside dans l'inversion ingénieuse des rôles, faisant des traditionnels rednecks bouseux et psychopathes les victimes d'un groupe d'étudiants nourris aux films d'horreurs et identifiants nos deux compères comme des malades mentaux dangereux. Et c'est ainsi que Tucker & Dale, copains un peu simples venus simplement retapés leur baraque un week-end et pécher au calme se retrouvent pris en chasse. Une situation ubuesque renforcée par une série d'incidents improbables dans lesquels les étudiants s'entretuent bien malgré eux, renforçant la notion de dangerosité du binôme Texas'style. Le film d'Eli Craig fonctionne donc sur la base de l'appel presque systématique à l'imaginaire collectif pour mieux détourner les actions qui devraient, apriori, se passer à la suite de tel ou tel événement. Pour se faire, les séquences hilarantes car stéréotypées se multiplient, le premier contact entre les étudiants et nos deux personnages à la superette, le plan drague raté ou Tucker s'approche de la fille une faux à la main, celle où Tucker essaye d'échapper à un essaim d'abeilles alors qu'il tronçonnait du bois, puis fuit tel Letherface devant nos jeunes, effrayés.
Les quiproquos s'enchainent, les morts sales aussi. Car sous ses apparences comiques, Tucker & Dale nous permet de respirer à plein nez l'hémoglobine étudiante, le fer rouillé et la sueur bien crade. Eli Craig n'hésite pas à filmer pleine cadre quelques morts particulièrement ignobles provoquant autant de dégout que de passion, tant cet aspect no-limit ne se voit jamais amoindri tout au long de l'heure et demi. Mais ce patchwork savoureux de slashers ne serait pas complet si au final, un vrai tueur psychopathe ne se révélait pas. Celui-ci interviendra lors du dernier tiers, virage pour le film qui perdra à cet instant très légèrement en rythme. Qu'importe, les concessions ne sont pas plus faites et cette confrontation digne de Laurel et Hardy rencontrant Jason se révèle fondamentalement jouissive.
Il est entendu que Tucker & Dale fightent le mal ne pourra s'apprécier à sa juste valeur qu'à l'unique condition d'avoir un minimum de connaissances du genre. Les clins d'œil et la succession de clichés faisant partie intégrante du processus comique du film, il est indispensable de maîtriser ses références sous peine de se retrouver parfois un peu bête devant pareille étrangeté importée du Canada. Si cela s'avère être un point indispensable, c'est aussi ce qui fait toute la force du film et qui amplifie son côté sympathique. Eli Craig réalise un slasher comique pour les fans, en se moquant des poncifs (il les maitrise tellement bien) mais en proposant une déclaration d'amour sincère à ce cinéma de genre. On pensait que Shaun of the Dead était le Grâal inatteignable, Tucker & Dale, s'il n'est pas complètement à son niveau se hisse malgré tout sans mal très proche de lui. Et forcément... ça ne peut que nous faire plaisir !
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