Twixt est un film raté, ça ne fait pas l'ombre d'un doute. Scénario indigent, réalisation bas de gamme, image atroce, acteurs sous-employés, pistes narratives inutiles... Ceux qui prétendent le contraire sont des pleutres.
Twixt est un film intentionnellement raté, on pourrait même ajouter. Pourquoi ce paradoxe ? Parce qu'il porte une signature, celle d'un grand réalisateur, Francis Ford Coppola. Certains disent qu'il a voulu se faire plaisir, envoyer bouler les diktats des studios, laisser libre cours à ses fantasmes cinématographiques. Peut-être. Le résultat reste nul.

Oui mais voilà, le film a un auteur. Il s'inscrit dans un œuvre (masc.), un parcours, une filmo qui envoie du lourd. On ne peut pas l'en séparer. On le voudrait qu'on n'y arriverait pas (cf. l'intéressante critique d'Alexandre Hervaud : http://www.reviewer.fr/dossiers/cinema/11992/twixt-coppola-pieu-dans-coeur-critique-a-papa.html). On a songé un moment à comparer ce suicide artistique à la démarche d'un autre Francis, l'artiste dadaïste "bankable" Picabia, éternel rebelle qui tous les quatre matins changeait de style, jusqu'à peindre des nus académiques inspirés de revues pornographiques, pour mieux ridiculiser le public (et le marché de l'art), qui le suivait à chaque fois. Mais on doute que ça ait été l'intention de Coppola. Trop simple.

La scène centrale du film est celle d'un accident fatal de bateau, inspiré de celui qui coûta la vie au fils de FFC en 1986. C'est aussi la plus réussie, cette scène que le cinéaste a dû rejouer dans sa tête des milliers de fois, avant de la "réaliser", de la rendre réelle pour mieux la mettre à distance – un travail de deuil, une "catharsis" au sens strict ("l'épuration des passions par le moyen de la représentation dramaturgique", dit Wikipédia).

Est-ce parce que Twixt évoque cet épisode tragique qu'il est si mauvais ? Tel un vortex qui absorbe tout, il réduit à l'insignifiance les pistes scénaristiques lancées à droite à gauche, sans parler du dénouement, aussi excitant qu'un coup de sifflet à la fin d'un match nul 0-0. En parallèle à la scène de bateau, on voit Val Kilmer (alter ego de FFC) pleurer comme un enfant, répéter "J'ai honte, j'aurais dû être là...", Edgar Allan Poe (!!!) tentant (à peine) de le consoler. Moment gênant, d'une longueur insupportable, qui vire au ridicule. Dans l'auto-dérision, Coppola se regarde pleurer pour marteler : "You're so pathetic!". Twixt, une auto-flagellation ?

Le film n'aura-t-il été qu'un prétexte à enfin pouvoir re-faire LA scène traumatique ? Si Coppola y gagne sans doute, pour le spectateur, le bénéf est à peu près nul. De l'art comme thérapie, à la fois indispensable et inutile.
magalilesauvage
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le 3 mai 2012

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magalilesauvage

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