Un très beau poème filmique sur le deuil, d'une rigueur formelle salutaire et agréable à contempler. L'influence du Mère et Fils d'Alexander Sokourov est indubitable tant ce Two Gates of Sleep en emprunte l'humeur et la structure narrative, le rythme et la solennité... voire l'identité !


Il est effectivement assez difficile de percevoir en ce film la marque du cinéma américain, aussi indépendant soit-il. L'objet d'Alistair Banks Griffin semble davantage provenir de contrées européennes, d'une Russie-sibérienne ensoleillée, d'un climat continental étranger à toute forme de tapages occidentaux. On pense parfois à l'Oeuvre de Tchekhov dans l'utilisation du silence ancré dans la direction d'acteurs, dans cette lourdeur pleine d'amertume et de désillusion ; Two Gates of Sleep, sous les frondaisons d'une imprenable forêt, parle de mort et de devoir fraternel : c'est à la fois brut et pudique.


A l'instar de Mère et Fils Two Gates of Sleep se compose de deux parties : on suit dans la première les derniers jours d'une mère dans le foyer familial ( autre caractéristique de la culture russe, courante notamment dans la littérature ) et de ses deux fils chassant au coeur de la forêt. Nous n'assisterons pas au passage de vie à trépas de cette femme finalement peu présente à l'écran et sa mort, constituant la césure du métrage, se situera hors-champ. Dans la deuxième partie nous assistons à l'étonnant et douloureux périple des deux frères partis enterrer leur mère dans un lieu connu d'eux seuls : cette seconde moitié représente le morceau de bravoure du film d'Alistair Banks Griffin, qui parvient à émouvoir avec une économie de moyens saisissante. L'ombre du cinéma de Gus Van Sant semble alors planer sur cette ballade mortifère, principalement Gerry et Last Days...


On pourrait aisément reprocher au réalisateur de manquer d'une réelle originalité cinématographique, puisque le postulat de son Two Gates of Sleep doit beaucoup au poème de Sokourov et aux atmosphères vansantiennes. Mais la forme est d'une réelle puissance et la photographie somptueuse et, sur le plan de la pure esthétique, le film parvient à sceller son identité. Le jeune cinéaste réussit là un petit coup de maître visuel, certes pas si novateur que cela mais très bien réalisé et jamais ennuyant. A découvrir.

stebbins
8
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le 31 août 2015

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stebbins

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