Quand on parle de Violent cop, la majorité des gens qui l’ont vu n’ont retenu que deux choses : c’est sanglant, et c’est le premier film de Kitano en tant que réalisateur, suite à la défection du réalisateur prévu au départ (Kinji Fukasaku).
C’est effectivement le cas, et les bases d’une partie du cinéma de Kitano, tournant autour des flics et des yakusas est effectivement dans cette veine. Mais au-delà des anecdotes, il s’agit de mon point de vue d’un excellent premier film. Le style, même si il évoluera avec le temps, est déjà fortement présent. Kitano n’est pas encore réalisateur et il a déjà un point de vue, une signature visuelle claire :

Avec ses plans fixes, l’absence de musique, la violence soudaine, le clair obscur (le quasi noir et blanc de certaines scènes), Kitano nous gratifie déjà d’une pièce de choix alors que son expérience est vierge dans le domaine. Et c’est peut être le fait de ne pas être passé par la hiérarchie stratifiée des grandes maisons de productions de films nippones qui lui a permis d’arriver vierge à la réalisation et donc de filmer sans fard et sans détour, insensible aux codes jusque là généralement appliqués, détournés, déconstruits ou travestis et parfois plus que brillamment par les maîtres du XXe siècle.
Ainsi, Kitano puise ses inspirations partout : film de yakusa, film de flics, cinéma américain, théâtre, peinture, comédie parfois également… Il bouffe à tous les râteliers mais plutôt que d’en sortir un salmigondis indigeste, fais de références mal intégrées, il propose au contraire un syncrétisme des plus réussis, nous emportant dans le sillage morbide d’Azuma, policier violent, légèrement sociopathe, qui poursuit sa marche funèbre jusqu’à son climax en guise d’apothéose glaciale.

On retiendra donc plutôt qu’il s’agit de l’arrivée d’un nouveau venu dans le cinéma japonais, à un moment ou il est abandonné par les grands anciens. Les critiques japonaises lui ont parait-il reproché de ne pas savoir filmer à l’époque, je crois au contraire que si tout n’était peut être pas encore théorisé dans son esprit, il avait les idées très claires sur ce qu’il voulait raconter (il a modifié le script en profondeur avant d’accepter de réaliser le film) et surtout sur la façon dont il voulait le mettre en scène.
Avec sa violence qui vous explose au visage sans prévenir, sans montée en scène grandiloquente comme le font beaucoup les américains, Violent Cop prend parfois à la gorge autant qu’il peut faire sourire par moment. Beat Takeshi a désormais son double sérieux et profond, et l’on peut être ravi de l’arrivée de ce personnage supplémentaire dans la tête du comédien.
CorwinD
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le 8 mai 2014

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