Aujourd'hui, j'ai décidé de m'attaquer à du lourd, The Deer Hunter les enfants, l'un de mes films préférés, et assurément l'une des plus grandes œuvres de cinéma des années 1970. Le lyrisme qui se dégage de l’œuvre s’élève vers les plus hautes sphères du cinéma.

L’enfer, Michael et ses potes l’ont expérimenté depuis longtemps déjà, dans cette usine de fonderie dans laquelle ils travaillent tous depuis plusieurs années. Travail industriel typique et inhumain à l’usine locale, ambition maximum pour les gars du coin, parcours professionnel intégré malgré eux dans leur ADN… pas vraiment des carriéristes. Mais le discours de Cimino est moins social que politique, le film ne sera pas un Blue Collar avant la lettre. Ce boulot ingrat, ils le connaissent donc par cœur. Alors, il ne reste plus qu’à compenser allègrement dans l’insouciance, grâce à une amitié bienveillante et une activité de groupe ludique et festive : parties de billard, de bowling, de chasse, cuites bien costaudes, à poil dans la nuit humide. Le pari stupide de dépasser un camion en Cadillac annonce avec une certaine prescience le jeu autrement plus dangereux et funeste à venir : « ça passe ou ça casse ». Chevaliers dévoués aveuglément à la cause d’un pays ingrat, loin d’imaginer ce qu’il adviendra d’eux, loin d’imaginer que les signes de leurs desseins sont déjà inscrits dans leur quotidien provincial.

Première partie du film, la vie locale. Les gars sont ensemble, joyeux. Et pourtant, quelques signes perceptibles du pire qui est à venir, de ci, de là, et pour dire quoi ? Que l’avenir est tout tracé ?

La roulette russe est un jeu qui n’existait pas durant la guerre du Viêt-Nam, mais qu’importe, le cinéma romantique de Cimino m’a toujours fait rêver et je garderai en tête les images obsédantes de ses films jusqu’aux portes du paradis. Cette scène marque, c’est un coup à l’estomac. Robert de Niro sort alors le grand jeu, avec force et virilité, et transforme son personnage inhibé pour devenir un monstre assoiffé de sang. Les balles fusent de partout, la délivrance n’aura duré que quelques secondes, mais de quelle manière… Scène centrale du film qui scelle le sort des trois copains à jamais. Et surtout, la séquence synthétise parfaitement un « avant » et un « après » : l’aperçu fulgurant de ce qu’il adviendra d’eux et le passé commun qui s’est évaporé d’un coup.

« L’après », le trauma, et la plus belle scène selon moi, celle qui résume le mieux le film : De Niro vise un daim, et le rate. Tout est dit, plus rien ne sera comme avant. Là où ils jouaient au billard, hilares, ils se retrouvent pour le dernier rendez-vous, l’enterrement d’un ami. Leurs histoires respectives sont inextricablement liées par cette douloureuse perte, et ils vivront avec, tout comme Linda (Meryl Streep) a dû vivre avec un père ivrogne et violent. Malgré tout, on fait aller, et la vie continue.
ErrolGardner
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le 21 janv. 2014

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Errol 'Gardner

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