Sans doute l'un des films les plus noirs de l'Oeuvre de Godard, et techniquement l'un des plus intéressants. Formellement saisissant et particulièrement ambitieux et maîtrisé ce Week End reste un objet somptueux mais dont l'abord demeure parfois difficile. L'anarchisme intellectuel de JLG, tant décrié dans son chef d'oeuvre Pierrot le Fou, trouve là une inédite violence graphique et sonore... Il y aura du sang ( du rouge ), des carabiniers, de l'espièglerie et de magnifiques ruptures de ton.
On retiendra forcément la séquence monstrueuse de l'embouteillage, filmée en un interminable travelling latéral et accompagnée d'une mélopée de klaxons proprement grisante. L'usage du son évoque parfois le travail de Jacques Tati, de la même façon que la direction artistique très connotée "années 60". Amplifiés, enchevêtrés, brouillés les effets sonores de Week End le rangent davantage du côté de l'expérience que du film à thèse, préférant interroger le Cinéma plutôt que nous assener des réponses malvenues.
Comme souvent avec Godard Week End nous sort audacieusement de notre zone de confort tout en cultivant le ludisme avec une science de la mise en scène moderne et généreuse : le couple bourgeois présenté d'emblée comme peu sympathique sera confronté à de nombreux personnages polissons voire punk avant l'heure... C'est alors un plaisir d'assister à une scène de chant à capella effectuée par un Jean-Pierre Léaud en très grande forme, ou de voir des automobilistes foutre le feu à leurs biens matériels. Après Le Petit Soldat et Les Carabiniers cet indécent, provocant Week End constitue l'un des sommets engagés du facétieux Jean-Luc Godard, annonçant le vent d'est qui soufflera sa rage à l'orée des années 70. Le JLG militant et ses kino-pravda ne sont plus très loin désormais...