L'absurde qui sonne faux

Dans "Wrong", le quatrième long-métrage du fantasque Quentin Dupieux, un homme perd son chien et met en route une dynamique de l'absurde.

Et revoilà Quentin Dupieux qui, deux ans après le mystérieux "Rubber", nous livre cette fois-ci un film racontant l'histoire touchante d'un homme seul ayant perdu son chien. Quelque peu semblable au film précité, car jouant sur les mêmes cordes sensibles du spectateur (humour par l'absurde, par l'incohérent, situations cocasses n'ayant de sens que pour celui qui veut en donner), le dernier opus de Dupieux n'arrive cependant pas à égaler l'aspect tragique de son aîné.

En effet, le problème principal qui se pose au réalisateur voulant jouer sur les aspects absurdes de son scénario pour provoquer l'éveil de l'attention chez son spectateur, est souvent le temps. Celui-ci, passant, peut lasser le cinéphile averti. Dans "Wrong", la première scène, qui présente en gros plan un pompier faisant ses besoins devant ses collègues, en arrière-plan, occupés à ne rien faire alors qu'une camionette brûle à dix mètres d'eux, annonce la couleur. Puis, au terme d'une demi-heure plaisante, Dupieux ne parvient pas à se renouveler dans ses effets comiques. Si l'enchaînement des scènes se déroule sans accroc particulier, le contenu de chacune, quant à lui, reste la plupart du temps vide. Faut-il vraiment cinq bonnes minutes pour faire comprendre que la concentration d'un homme voulant communiquer par télépathie avec son chien disparu ne peut pas être perturbée par la gêne répétée et continue d'une inconnue ?

Bref, le scénario, voulant expliquer comment un homme seul et "ne demandant rien à personne" peut réagir à l'absurdité du monde qui l'entoure (et notamment de William Fintchner, peu habitués aux rôles de maniaque défiguré de la défense des animaux), finit vite par lasser le spectateur peu réceptif au comique par l'absurde répétitif. Les situations fausses, comme l'annonce le titre, bien que cocasses, finissent par être incompréhensibles.

De bons éléments sauvent néanmoins le film. Ainsi, nous pouvons parler de la bonne prestation de l'acteur de séries Jack Plotnick (déjà vu dans "Rubber"), et d'Eric Judor, autre acteur fétiche de Dupieux (première collaboration dans "Steak"), qui n'est pas si mauvais dans son rôle de jardinier profiteur malgré lui à l'anglais approximatif. On peut aussi noter la mise en scène toujours harmonieuse de Dupieux, qui sait retranscrire dans ses plans le non-sens de son scénario et les sentiments de ses personnages.

Au final, ce film d'une heure trente-quatre n'est pas franchement mauvais, mais loin d'être aussi bon que les précédents du réalisateur. Nous pouvons espérer que ce dernier ne se laissera pas aller sans effort sur la vague provoquée chez les cinéphiles par la curiosité de sa filmographie, car tout ceci risque rapidement de sonner creux, de sonner faux...