Après un épisode inaugural qui avait établi le cahier des charges de l'adaptation de comics au cinéma et un excellent deuxième opus accentuant les relations psychologiques des mutants de Stan Lee, on peut dire que la saga X-Men partait sur d'excellentes bases. Seulement, Bryan Singer, initiateur de ce départ triomphal, est ensuite parti réaliser le reboot christique de Superman, et la Fox n'a rien trouvé de mieux que de bousiller l'une de ses franchises les plus lucratives. X-Men 3, réalisé par le tâcheron Brett Ratner, outre le fait de transformer ses personnages en grands guignols, détruisait tout l'intérêt sociologique poussé par Singer. Le spin-off Wolverine quant à lui était une bouse cosmique incommensurable, d'une laideur et d'une bêtise rarement vu dans l'univers Marvel. Autant dire que l'annonce d'un nouvel X-Men laissa de marbre les geeks comme les spectateurs, malgré l'arrivée sur la franchise de Matthew Vaughn de l'excellent Kick-Ass. Mais dès les premières images, le miracle se produit et X-Men retrouve enfin sa superbe et même plus.
Avant que les mutants n'aient révélé leur existence au monde, et avant que Charles Xavier et Erik Lehnsherr ne deviennent le Professeur X et Magneto, ils n'étaient encore que deux jeunes hommes découvrant leurs pouvoirs pour la première fois. Avant de devenir les pires ennemis, ils étaient encore amis, et travaillaient avec d'autres mutants pour empêcher la destruction du monde, l'Armageddon. Au cours de cette opération, le conflit naissant entre les deux hommes s'accentua, et la guerre éternelle entre la Confrérie de Magneto et les X-Men du Professeur X éclata...
Retour(s) aux sources
Vaughn a indubitablement compris l'essence même de la saga, à savoir dépeindre la psychologie de personnages tourmentés par leur différence, rejetés par une société conservatrice et effrayée par l'autre et qui renvoie évidemment à des causes actuelles. Car en somme, les mutants ne sont que qu'une extension fantastique d'un racisme latent qui touche tous les clivages. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Bryan Singer, réalisateur ouvertement homosexuel, a si bien su transposer de vrais questions de société au sein d'une production hollywoodienne. Aujourd'hui producteur de ce nouveau X-Men, la paire formée avec Matthew Vaughn se veut garante du profond héritage laissé par Stan Lee et approché par les deux premiers films.
La psychologie des mutants est au cœur même du projet, notamment la relation entre Magnéto et le Professeur Xavier, incarnés par Michael Fassbender et James McAvoy tout deux en état de grâce. Le jeune Erik est un jeune garçon arraché à sa mère lors de la Shoah (preuve de respect à l'œuvre de Singer, l'introduction est la photocopie au plan près de celle du premier film), Xavier un étudiant en sciences dragueur, tout deux rattrapés par la Guerre Froide. La grande force du film est de mêler la Grande Histoire avec la fiction. Le combat entre l'Est et l'Ouest devient le déclencheur de la rivalité des deux protagonistes, amis éloignés par une conception différente de la place du mutant dans la société. Les autres personnages ne sont pas en reste et ont tous une séquence dédiée. Le jeune Mystique incarne l'indécision entre fierté de ce pouvoir hors-normes et souffrance due à cette différence. Toutefois, c'est bien le face à face Xavier/Magnéto qui prend le pas sur le reste, sans toutefois déséquilibrer la narration, notamment axé sur le futur méchant maître de l'acier, dont l'histoire est bouleversante. Le film se permet des fulgurances de violence sèche, bien moins graphiques que Kick-Ass, film commercial oblige, mais non moins spectaculaires.
Un élève doué
Tout cela ne serait rien sans une mise en scène qui met en valeur l'histoire. Et malgré une préparation et un tournage réalisés en urgence (un an séparent le clap de départ et la sortie du film), là encore le réalisateur met le doigt dans le mille. Elégante et raffinée, mais également vive et énergique dans les scènes d'action, Vaughn trouve toujours l'angle juste pour magnifier ses héros, sans toutefois les idolâtrer plus que de raison. Le mutant reste un homme avec des pouvoirs, jamais une figure mythologique mise sur un pied d'estale ou un pantin super-héroïque bon à se battre comme les bad guys. Pour parfaire le tout, le réalisateur a opté pour une reconstitution des années 60 assez bluffante dans la direction artistique. Seul la photographie pêche parfois grandement et l'image est bien souvent inégale. Mais c'est un point de détail pour un film aussi généreux, intelligent et maitrisé. Production design soigné, effets spéciaux au top et réalisation maitrisée, le film possède tout pour rentrer au rang des meilleures adaptations de comics jamais faites, au même titre que The Dark Knight ou Hellboy 2.
"Mutant proud"
X-Men est enfin de retour. Aux oubliettes les sous-produits commerciaux qui mettaient sous le tapis psychologie pour proposer des scènes d'action bourrines aux adolescents attardés. Aux orties les derniers Marvel, chiants comme la mort servant tous d'introductions au fantasmé The Avengers (la réunion des super-héros Iron Man, Thor et Captain America qui devra être géniale au bas mot pour justifier tant de navets). X-Men First Class propose sous une mise en scène et de l'action bien dosée et énergique un propos profond et tellement d'actualité. Un film d'auteur qui pose des questions, bien plus qu'une œuvre prétendument intellectuelle et réellement prétentieuse. Un cinéma populaire de qualité bien rare.