Zero Therorem est un film de science-fiction britannico-roumano-français sorti le 2 septembre 2013 en Italie à l'occasion de la Mostra de Venise, le 14 mars 2014 au Royaume-Uni et enfin durant l'été de la même année en France. Réalisé par Terry Gilliam, auteur de Las Vegas Parano, L'armée des 12 singes, Les Aventures du baron de Münchhausen et j'en passe, son scénario n'est pourtant pas du fait de l'ancien Monthy Python. C'est en effet un illustre inconnu répondant au nom de Pat Rushin qui en est à l'origine, ayant transposé l'une de ses nouvelles, The Call, en scénario.


Dans un futur proche, Londres est devenue une cité gadget où le virtuel semble avoir pris le pas sur le réel. Ses habitants, des individus pour le moins insouciants, semblent tous – ou presque – se complaire dans une profusion artificielle sans se soucier de donner un sens à leur existence. Pas besoin puisque la société Mancom s'en charge pour eux ! En effet, celle-ci essaye tant que faire se peut de prouver que « le monde tel qu'il est ne devrait pas exister et le monde tel qu'il devrait être n'existe pas » (cf. Nietzsche). Aussi, elle ne tarde pas à assigner un de ses meilleurs éléments à domicile afin de démontrer le théorème qui donne son titre au film, à l'abri des regards indiscrets. C'est ainsi que Qohen Leth, informaticien agoraphobe interprété par Christoph Waltz, entame un périple au bout duquel se trouve peut-être la réponse à la grande question sur la vie, l'univers et le reste. Tout du long, il sera visité par des alliés : le superviseur Joby (David Thewlis), la call-girl Bainsley (Mélanie Thierry) et le fils surdoué du grand patron.


Largement décrié, Zero Theorem a rencontré un public en attente d'une suite à Brazil et L'Armée des 12 Singes. Sauf que le concerné n'a jamais, au grand jamais, eu pour vocation de conclure une quelconque trilogie d'anticipation et ce quoi que l'on puisse lire, voir, ou entendre sur Internet. Même la presse spécialisée y est allée de son commentaire sur le sujet, profitant de l'occasion pour déplorer une qualité d'écriture en deçà de celle de ses soi-disant prédécesseurs et fourrer dans le même panier des décors, costumes et accessoires un peu cheaps à l'instar des effets spéciaux, sans tenir compte à aucun moment des problèmes de production et du budget relativement réduit pour de la science-fiction.


Fort heureusement, une poignée de cinéphiles éclairés ont fait fi de sa réputation catastrophique et trouvé en lui d'indéniables qualités. Par exemple, on peut porter à son crédit une brochette d'acteurs absolument fantastique, Christoph Waltz ayant fait l'effort de jouer sans système pileux et Mélanie Thierry en anglais.
Quant à la réalisation, elle n'est pas non plus en reste, offrant parfois de belles fulgurances, notamment au niveau du format de l’œuvre : tournée en 16:9 avec le plus grand angle possible, elle a subit un vignettage visant à proposer une expérience uniforme, identique d'un écran à un autre, et, de ce fait, immerger plus efficacement le spectateur. Mais cela donne tellement de cachet au métrage qu'en ressort une admirable volonté de rendre un univers typiquement rétro-futuriste attrayant et, par conséquent, crédible, sans forcément avoir recourt à du numérique superflu.


De surcroît, l'univers apparaît crédible sous ses allures plastiques car obéît aux règles de la contre-utopie ; cette entité monolithique de fiction n'est à pas confondre avec la dystopie puisque représente une société en apparence idéale mais qui, en réalité, fait miroiter à ses acteurs un bonheur inatteignable pour mieux les asservir. C'est pour cela qu'à l'exception de Qohen, tous les habitants de Londres sont heureux. Le fait d'être exploité ne les dérange guère tout simplement parce qu'ils l'ignorent, faisant ainsi l'objet d'une ironie dramatique assez corrosive. Alors certes, la vérité apparaît à certains d'entre eux comme Bainsley ou Joby qui finissent le film au fond du trou mais c'est indirectement la faute à Qohen qui les a entraîné dans sa chute.
Aussi, pour induire cette idée d'oppression insidieuse, non seulement l'univers est fourmillant de détails ambivalents – tel qu'une œuvre d'art composée de panneaux d’interdiction détournés et exposée fièrement au beau milieu d'un jardin public, ce qui prouve bien qu'en réfutant les dogmes oppressifs d'un régime archaïque le peuple croit dur comme fer s'être émancipé – mais en plus, il est vecteur des thèmes universels développés par l'intrigue : les faux-semblants, le destin, l’aliénation technologique.


En conclusion, Zero Theorem est une production à la fois couillue et intelligente qui mérite une attention particulière, d'autant qu'elle demeure relativement accessible. Le tout venant n'a donc aucune excuse pour ne pas la visionner – ou lui laisser une deuxième chance armé de toutes les idées émises précédemment si cela a déjà été fait.


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le 14 févr. 2016

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