Beyond Good & Evil
7.9
Beyond Good & Evil

Jeu de Ubisoft Montpellier et Ubisoft (2003PlayStation 2)

Critique publiée sur ArtZone Chronicles.


Dans les suites les plus attendues du jeu vidéo, il y a celle de Beyond Good & Evil, la production d’Ubisoft de l’époque où il y avait encore des licences originales… Cette phrase vous était offerte par UbiTroll, EasyTroll ©. Derrière le projet, c’est Michel Ancel (créateur de Rayman, entre autres), Christophe Heral (à la musique) et la branche montpeliéraine de la firme, et il est vrai que, sans vous la révéler, la fin laisse à penser qu’il n’avait pas tout à fait fini de raconter son histoire. Dans un univers tout en cel-shading qui n’a pas tellement vieilli (et a bénéficié d’un remaster HD en 2011), vous incarnez Jade, jeune orpheline recueillie par le cochon anthropomorphe Pey’j, devenant elle-même une protectrice d’enfants privés de leurs parents par les DomZ, extraterrestres emmenant les habitants d’Hillys pour en faire on ne sait quoi. Dans ce climat de peur, les sections Alpha sont supposées protéger la population sans être trop inquiétées des moyens choisis pour exercer cette protection, dans une atmosphère d’état d’urgence permanent ancrant la crainte de l’étranger dans les esprits. L’univers créé pour y dispenser l’action est de ceux dont la simplicité entraîne la richesse et la pureté. L’écriture est faite en sorte que tout est en place et évident pendant le jeu et ce dès le début, sans avoir à expliquer des absurdités ou des incohérences, on peut se concentrer sur l’intrigue et les personnages tout en ayant conscience que tout ce qui gravite autour a bénéficié d’un gros travail de préparation et fait preuve d’une grande cohérence. Le développement ne semble pourtant pas être parti de ce désir de création d’un espace ou d’une ambiance, mais plutôt de sensations de jeu.


Dans ce monde bigarré avec une faune riche elle aussi chérie par Jade, notre héroïne écolo va vite se confronter aux envahisseurs et être contactée et recrutée par le réseau souterrain IRIS et ses personnalités comme l’espion Double H, désireux de révéler la vérité aux habitants Hillys par presse clandestine assortie de preuves : les Alphas ne seraient pas ce qu’ils prétendent mais des complices des DomZ, profitant de leur statut pour asservir et abêtir une population aveugle. Au cours de votre aventure, vous devrez à la fois explorer et combattre avec votre bâton (parfois aidée de vos compagnons dont il faudra surveiller la santé), une association classique et agrémentée de quelques phases d’infiltration ainsi que de déplacements à bord de véhicules avec leurs spécificités. En plus de ces éléments que vous trouverez tout au long de l’aventure, il y aura quelques énigmes, des courses, des fuites et des mini-jeux qui apportent un peu de variété et ne tombent jamais comme un cheveu sur la soupe. Dans votre sac, un inventaire assez minimaliste vous accompagnera dans votre quête de perles, celles-ci permettant d’améliorer votre vaisseau (passage obligatoire chez Mammago), la monnaie du jeu vous octroyant la possibilité d’acheter un peu plus de vie ou de résistance pour votre Hovercraft. Ces perles, vous les obtiendrez en suivant la progression de l’intrigue, mais aussi en photographiant les espèces présentes sur la planète et en envoyant vos clichés à un institut qui vous récompensera, archivant des informations d’animaux parfois en voie de disparition.


Si le gameplay fonctionne à merveille, on ne peut lui accorder la folie de l‘originalité. Ce qui fait la différence dans Beyond Good & Evil et lui a attiré la sympathie de joueurs à travers le monde, ce sont les thèmes abordés par le jeu et la narration qui découle d’une écriture simple mais d’une sincérité désarmante. Le fond revendicatif n’est au fond que révolte adolescente, sans grande subtilité et avec un manichéisme total. Ce qui le rend puissant, c’est le caractère assumé de ce propos simpliste, qui transforme les personnages, eux aussi excellemment caractérisés, en archétypes, faisant une force ce qui peut s’apparenter à une faiblesse. Le bien et le mal sont clairement identifiés, dans un propos universaliste qui parvient à atteindre chaque joueur, des plus jeunes (propos aisément identifiable) aux plus âgés (identification d’un système et d’un schéma archétypal). On peut tout juste reprocher, outre quelques raideurs parfois frustrantes manette en main, que les émotions ressenties ne soient pas de l’immédiate pureté qui caractérise l’écriture du reste. Il manque ce sentiment de révélation, où l’on se rend compte après coup d’avoir vécu ces sentiments à notre insu, ce renversement qui traverse quelques grands jeux. Ici on apprécie le fait que l’émotion ne soit pas surfaite, forcée ni préfabriquée, collant à la spontanéité de l’ensemble, mais il manque cette sorte d’innocence cristalline qui bouleverse dans Journey, par exemple.


Un peu comme dans les plus grandes œuvres, Beyond Good & Evil ne s’encombre pas de détails qui servent souvent à masquer la vacuité d’un discours qui n’y gagne que rarement en profondeur. Parallèle cinéma : un film qui n’a pas réussi à traiter son sujet en 90 minutes n’y arrivera que rarement en plus. Ingmar Bergman en est le parfait exemple, avec des films qui parviennent à faire le tour en peu de temps, et auxquels ils ne manquent rien. Michel Ancel et son équipe sont dans cette veine de la pureté du récit, des personnages et de la narration, le tout servi par un gameplay qui lui aussi évite les accumulations cache-misères qui n’apportent rien tout en alourdissant l’ensemble et en lui ôtant une cohérence qui nécessite de la concision. Si un deuxième opus, en développement depuis bien des années, vient finalement à sortir, espérons qu’il parviendra à garder cette essence pure qui fait défaut à tant de productions actuelles d’Ubisoft, qui ne portent aucun propos.

Créée

le 14 juin 2016

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Flavien M

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