Catherine
7.5
Catherine

Jeu de Atlus (2011PlayStation 3)

Trentenaire dont on ignore l’activité tant ce n’est pas ce qui nous intéresse, Vincent Brooks vie une relation en demi-teinte avec Katherine, une jeune femme obnubilée par son boulot et réglée comme une montre suisse quand il s’agit de parler enfant et mariage. Le jeune homme ne semble pas du tout prêt à passer le cap et boit, comme un adolescent, sa petite bière avec les copains chaque soir et vit dans une chambre microscopique et bordélique de pseudo-étudiant. Lors d’une soirée fortement arrosée, il fait la rencontre de Catherine, une jeune fille aguicheuse à souhait, perpétuellement en tenue légère. Le matin, il se surprend à la retrouver à ses côtés. C’est ainsi que débute une semaine cauchemardesque.

Chaque nuit, Vincent fait un de ces rêves qui laisse nécessairement des poches en dessous des yeux dès le matin venu. Englué dans une sorte de malédiction, notre gaillard se retrouve chaque nuit à croiser moult personnes transformées en autant de moutons vindicatifs et frustrés, cravate et chapeau de différentes formes pour toutes traces de leur humanité vacillante. Ainsi Atlus commet, en usant des talents du fameux Studio 4°C pour les phases animées, cette incroyable expérience vidéoludique en nous trompant, heureusement, sur des apparentes intentions érotico-malsaines qui n’auraient pas surpris de par sa provenance – les Japonais sont un peu vicelares, il faut le dire ! – mais plus par sa localisation d’excellente qualité (anglais sous-titré dans un français très propre par les Allemands bien sérieux de chez Deep Silver). Ainsi, le rose bonbon de la devanture du jeu cache en réalité une narration forte intrigante et plutôt sérieuse, venant piocher dans le polar et les troubles sociaux.

Le jeu paraîtra bancal pour certains puisqu'il est symétriquement divisé en deux parties distinctes. Il y a d’abord ces phases diurnes, teintées d’une ambiance jazzy très sympatique, où Vincent, en jouant sur les deux tableaux, s’embourbe progressivement dans des quiproquos et des mensonges. L’inactivité du joueur, lors de ces passages, avec sa mise en scène plutôt statique quoi qu’implicante, pourra déjà cliver les joueurs. Le soir, dans un petit bar, il fait part de ses angoisses avec ses compagnons. Le joueur a alors la possibilité de l’emmener aux toilettes – histoire de lire, si l’envie lui prend, les mails affriolants, entre autres, de Catherine - de lui faire changer la musique au juke-box mais surtout, et c’est un des points forts : discuter avec tous les personnages (que l’on retrouvera peu à peu en forme de mouton dans les songes du héros). Si la discussion paraît anodine, à terme, cela permet de les sauver de leurs propres difficultés. Une borne d’arcade vient proposer de jouer, sur fond du conte allemand Rapunzel (Raiponce), une grosse centaine de niveaux facultatifs, similaires au cœur ludique du soft.

Lors des séquences nocturnes, supportées par des versions assez personnelles de quelques mélodies classiques portées en partie sur la musique biblique, Vincent est confronté à une escalade d’une infinité de blocs qu’il peut déplacer – presque – à l’envi. Il comprend rapidement que l’ascension de ces tours interminables lui permettra de trouver la félicité et la liberté salutaire. À chaque zone intermédiaire, une question lui est posée dans un confessionnal, comme s’il était grandement coupable éthiquement parlant. Ainsi Catherine, en réalité, ce n’est que ça : des niveaux qui se ressemblent... mais qui ne font que se ressembler. Les exigences augmentent, les blocs prenant de nombreuses particularités physiques (glacés, explosifs, fragilisés). Le tout réclame clairement des aptitudes cognitives chez le joueur et surtout une patience tibétaine... Car la courbe de progression est plutôt rêche, exigeante, parfois frustrante mais, paradoxalement, ces phases de grimpettes sont terriblement excitantes et addictives. Ainsi, le burlesque côtoie le tragique. Son oreiller sous le bras, Vincent, en caleçon, gesticule de façon exagérée comme le faisait à son époque le malheureux Arthur du tout aussi exigeant Ghosts’n Goblins de Capcom en 1985. À chaque nuit, son stage. Chaque stage étant divisé en plusieurs tours, soit une construction particulièrement classique et faisant naturellement penser aux jeux des années quatre-vingt, se clôt à chaque fois sur un niveau plus ardu où le pauvre Vincent se fait poursuivre par de nébuleuses et obscures entités, parfois sous la forme d’un bébé, parfois sous la forme d’une femme décharnée en tenue de mariée... Vous l’aurez bien compris, tout cela est une mise en scène pure et simple pour nous faire part de la prise de responsabilité dans un couple.

Sous ses allures de jeu artificiel dont les plus médisants diront que le scénario pourrait sonner creux, Catherine propose un challenge de taille, avec un grand nombre de niveaux (avec une difficulté vraiment progressive), plusieurs à-côtés non négligeables et surtout plus de huit fins différentes (en fonction des réponses du confessionnal et du comportement général de Vincent). S’il est une certitude que le nouveau jeu d’Atlus n’est malheureusement pas un jeu au succès rutilant, il représente une expérience vidéoludique que seuls les vrais gamers dégusteront à sa juste valeur.
Gaeru83
8
Écrit par

Créée

le 7 sept. 2012

Modifiée

le 7 sept. 2012

Critique lue 501 fois

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Gaël Barzin

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