Toutes proportions gardées, Rayman Legends est à Origins ce que Mario Galaxy 2 était à Galaxy 1 : une tentative de casser le moule, sans dénaturer le charme, d’un premier épisode au succès critique et ludique indéniable. Origins avait surpris et enchanté par son habillage haut de gamme (sa 2D comme dessinée main) mais restait très classique dans son gameplay et ses mécaniques de progression, héritées des Mario 2D canoniques. Pour cette suite, on sent que les équipes de Michel Ancel ont cherché à varier les plaisirs et surtout à ouvrir considérablement leur jeu. Les niveaux ne sont plus découpés en sections indépendantes et fermées mais tiennent d’un seul bloc, profitant de davantage de verticalité et d’un level design plus recherché et soigné. Une ouverture que l’on remarque jusque dans la structure globale du jeu : Legends oublie la cohérence d’un univers pour offrir au joueur une boîte de chocolats, comme autant de bonbons aux habillages et aux plaisirs variés.
Cette volonté de dessiner des tableaux plutôt qu’un grand ensemble destine Legends davantage au multijoueur qu’au solo. A plusieurs, on piochera au hasard un niveau mexicain, un autre aux accents bondiens pour terminer par le simplissime mais hilarant Kung Foot. Et si on joue sur Wii U, on fera tourner le Gamepad pour profiter d’une des meilleures expériences de gameplay asymétrique (les niveaux pensés autour de Murphy) offerte par la console depuis Nintendo Land.
Seul, la construction élastique de Legends montre ses limites. Paradoxalement plus varié mais moins surprenant qu’Origins, dont la beauté frappait le joueur de surprise et constituait une indéniable qualité, Legends brille toujours mais ne peut plus uniquement se reposer sur son habillage. On sera moins enclin à pardonner son gameplay pas toujours très franc du collier, un peu lâche, loin des ténors du genre comme DKCR ou Super Meat Boy. La difficulté, une des bonnes surprises du premier, a été grandement revue à la baisse, rapprochant Legends d’un Mario 2D plus que d’un Donkey Kong, offrant du challenge sur quelques niveaux seulement, en second run (les niveaux envahis et le dernier monde, qui recycle paresseusement les niveaux musicaux, les striant d’effets superflus).
Piocher dans la boîte aux chocolats de Legends pourra même faire naître chez le joueur un sentiment de lassitude surtout quand ce second opus remplace les coffràpattes par des niveaux musicaux aussi peu intéressants à jouer que fun à regarder et ressert, on se demande bien pourquoi, une quarantaine de niveaux d’Origins à peine retouchés et comptant pour plus d’un tiers des 700 ptizètres à trouver.
Il restera quand même l’excellent mode Challenges, notamment les impériaux niveaux de Murphy qui prouvent que skill et tactile riment parfaitement, pour prolonger une durée de vie conséquente si on se met en tête de délivrer tout ce petit monde. On appréciera les épreuves hebdomadaires et quotidiennes ainsi qu’une intégration parfaite et stimulante (pour la compétition) des leaderboards.
Agréable mais pas toujours indispensable, magnifique mais visuellement moins surprenant qu’Origins (la claque était déjà donnée), Legends souffle le chaud et le froid. Brillant en multi, parfois indigeste en solo, il se savoure à petites doses. A trop éclater son jeu, Ubi Montpellier ne vise plus la chapelle Sixtine mais une sympathique expo de tableaux. On s’y promène sans déplaisir mais sans rien voir d’impérissable.