15 livres pas trop connus mais qui claquent
Il y a des livres qui marquent, d'autres qui déçoivent, d'autres qui plaisent mais qu'on oublie. Certains sont encensés par les critiques, étudiés dans les classes, mais nous ennuient mortellement. Et il y a des livres, croisés par hasard, qui rendent l'expérience de lecture complètement ...
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créee il y a 10 mois · modifiée il y a 10 mois
Et quelquefois j'ai comme une grande idée (1964)
Sometimes a Great Notion
Sortie : septembre 2013 (France). Roman
livre de Ken Kesey
Annotation :
Attention, un livre magistral dans la construction narrative mais il faut être un peu entraîné et persévérant pour apprécié ce chef d'oeuvre - car là, on parle de chef d'oeuvre. L'histoire est toute bête, un enfant protégée par sa mère, élevé à la ville, retourne dans sa famille, des bûcherons de l'Oregon, où les relations sont pour le moins rugueuses. Une galerie de portraits haute en couleurs, des intrigues entremêlées, mais surtout un style époustouflant. Ken Kesey est l'auteur de "Vol au-dessus d'un nid de coucou", ce qui n'est pas rien. Publié chez Monsieur Toussaint Louverture, on appréciera la qualité d'impression et le confort de lecture.
Au-dessous du volcan (1947)
Under the Volcano
Sortie : 1949 (France). Roman
livre de Malcolm Lowry
Annotation :
Je sais ce que vous allez me dire: ce livre est ultra connu. C'est vrai. Mais il est plus connu que lu, et c'est dommage. Il faut le lire, et j'irai même jusqu'à dire qu'il faut le relire. Tout se passe en une seule journée, jalonnée certes de flashbacks, et on est dans l'esprit embrumé du protagoniste, le vice-consul d'Oaxaca, au Mexique, essayant de discerner la réalité du délire alcoolique. Une histoire désespérée, un amour malheureux, un homme en pleine déchéance. Le récit d'une chute annoncée. A lire avec un mezcal ou deux.
Classé sans suite
Sortie : 5 janvier 2012 (France). Roman
livre de Patrik Ourednik
Annotation :
Les amateurs de polar s'y retrouveront, ceux qui n'aiment pas les polars l'aimeront aussi. La structure narrative est surprenante - déroutante parfois - mais tout est parfaitement agencé. Un livre que je qualifierai volontiers de roman oulipien tant tout dans cette histoire n'est qu'un jeu. C'est brillant. Les autres livres de Patrik Ourednik sont très bons également, et je recommande particulièrement "Europeana, une brève histoire du 20e siècle" et "Instant propice, 1855". Mais, ne nous égarons pas. "Classé sans suite" est un roman policier plein de dérision, avec un style enlevé, distrayant et agaçant par moment. A découvrir fissa pour ceux qui ne l'ont pas encore lu.
Comme neige
Sortie : 31 janvier 2016 (France). Roman
livre de Colombe Boncenne
Annotation :
J'ignore si ce livre a rencontré du succès, peut-être a-t-il son fan club quelque part, mais pour moi, c'est un livre extraordinaire. Bien sûr il y a l'ombre de Jorge Luis Borges, partout, et justement c'est prodigieux d'avoir réussi si bien à enfiler les charentaises du grand écrivain et de composer ce morceau de littérature jubilatoire et extrêmement maîtrisé. Tout part de la découverte fortuite d'un roman inconnu d'un auteur que le protagoniste vénère. Il l'achète dans une maison de la presse à Crux la Ville, le dévore dans la nuit, et en parle à une amie éditrice. Hélas, le livre disparaît. Il n'a aucune preuve de ce qu'il avance. Et tout s'emballe... C'est intelligent, référencé, et bien emmené: parfait pour un petit week-end en Charente. Petite anecdote, j'ai lu ce livre à sa sortie et quelques mois plus tard, j'ai déménagé à Poitiers. J'habitais non loin d'une rue Boncenne, et passais près de la ville de Brux pour me rendre à Angoulême. J'ai assisté à une présentation de spiritisme hugolien par Colombe Boncenne à Guéret quelques années plus tard et je n'ai pas osé lui dire tout le bien que j'avais pensé de son livre. Pourtant à Guéret, il n'y avait pas foule.
Le Neveu de Wittgenstein (1982)
Wittgensteins Neffe
Sortie : 1985 (France). Roman
livre de Thomas Bernhard
Annotation :
Présente-t-on Thomas Bernhard? Cet auteur autrichien - qui détestait l'Autriche - a écrit de nombreux romans, souvent autobiographiques. Le plus connu est "Oui". Récemment, les discours qu'il a prononcés lors des prix qu'il recevait pour ses oeuvres ont été édités dans un recueil intitulé "Mes prix littéraires" qui a connu un grand succès. Mais "Le neveu de Wittgenstein" mérite toute notre attention car il y a là-dedans tout le style de Bernhard, son acuité et son sens de la formule, mais aussi l'amitié qu'il porte à Paul Wittgenstein dont il voit la santé décliner. Bernhard qui est malade des poumons et Paul Wittgenstein qui est trimballé dans les hôpitaux psychiatriques forment un duo touchant de génies incompris par leur société. C'est beau, c'est grave et c'est prenant. Un texte fort sur l'amitié.
Le Dégoût (1997)
El Asco. Thomas Bernhard en San Salvador
Sortie : 2003 (France). Roman
livre de Horacio Castellanos Moya
Annotation :
Le sous-titre de ce livre est "Thomas Bernhard en San Salvador", et c'est exactement ça. Horacio Castellanos Moya, auteur salvadorien, a été obligé de s'exiler après la parution de ce livre. Il n'est pas tendre avec son pays et dans le style enlevé emprunté à Bernhard, ça fait des dégâts. Mais cela lui permet d'en dire beaucoup sur la société salvadorienne, en un long monologue qui est un cri de douleur plus que de dégoût, la douleur de voir son pays s'effondrer dans la corruption et la guerre civile. Un récit bref, rythmé, impitoyable.
Septentrion
Sortie : 1963 (France). Roman
livre de Louis Calaferte
Annotation :
J'ai découvert ce livre à 18 ans. Ce fut un uppercut. L'incipit vous prend et vous retourne le cerveau d'entrée de jeu. Les phrases sont acerbes, acérées, violentes. Il s'agit d'un roman autobiographique au style fou, une écriture en jets, qui garde toute sa puissance, qui est toujours sur le fil, flirtant avec la pornographie par moment, il faut bien le dire. Ce livre a été interdit lors de sa sortie et il aura fallu attendre vingt ans pour qu'il ressorte. Le temps pour que la société digère la révolution sexuelle, l'évolution des moeurs, et le style tout-puissant de Calaferte. Un style sans concession, brut. Septentrion raconte l'histoire d'un jeune homme qui se bat pour sa survie. Alors oui, c'est souvent rude à lire, c'est une véritable expérience, mais c'est ce qu'on veut dans cette liste, pas vrai?
La Faim (1890)
Sult
Sortie : 1890 (Norvège). Roman
livre de Knut Hamsun
Annotation :
C'est Calaferte qui m'a fait connaître Knut Hamsun. Prix Nobel de littérature norvégien en 1920, sa collaboration avec le régime nazi de Quisling a définitivement terni son oeuvre. Pourtant "La faim" mérite d'être lu. Le style est proche des auteurs russes (n'ayant pas peur de le comparer à Dostoievski, allez) mais avec une folie supplémentaire. L'histoire d'un homme qui vit dans la misère en travaillant comme un forçat pour des journaux est raconté dans un style saisissant. Et toujours avec le ventre qui sonne creux. Ce livre donne faim. Prévoyez un peu de chocolat pour tenir le choc.
Le Cul de Judas (1979)
Os cus de Judas
Sortie : septembre 2006 (France). Roman
livre de António Lobo Antunes
Annotation :
Là encore, il s'agit d'un auteur à la renommée internationale et "Le cul de Judas" est peut-être un de ses titres les plus fameux. Et pourtant, il n'est pas assez connu à mon goût aussi je l'intègre dans cette liste. C'est un monologue particulier, d'un médecin militaire portugais qui raconte la guerre en Angola, la dernière guerre d'indépendance en Afrique sous l'ère du dictateur Salazar. Le récit est désespéré mais avec une verve époustouflante. Il nous tient de la première phrase à la dernière. C'est rythmé, jubilatoire et d'une noirceur totale - ou presque. Quelques lumières apparaissent çà et là. Un très grand livre.
Les Passagers anglais (2000)
English Passengers
Sortie : 1 mai 2002 (France). Roman
livre de Matthew Kneale
Annotation :
Ce livre est remarquable à plus d'un titre. Tout d'abord, c'est un livre d'aventure, une épopée un peu délirante guidée par un révérend illuminé, persuadé que le jardin d'Eden se trouve en Tasmanie. Ensuite, il y a une critique de l'époque coloniale britannique et du sort qui a été fait aux aborigènes en Australie et en Tasmanie plus particulièrement. Enfin, le style est enlevé, très drôle par moment et très touchant à d'autres. Plusieurs narrateurs s'enchaînent chapitre après chapitre et donnent à voir sous différentes facettes cette histoire un peu folle et pourtant totalement crédible au 19e siècle.
Les "Passagers anglais" a reçu plusieurs prix outre-Manche, avec raison. Pour les amoureux de la littérature britannique, c'est un chef d'oeuvre.
L'Homme qui savait la langue des serpents (2007)
Mees, kes teadis ussisõnu
Sortie : 1 août 2013 (France). Roman
livre de Andrus Kivirähk
Annotation :
Un livre estonien, brillantissime. On est dans un monde à part, où la magie fait partie de la réalité des habitants. Histoire hallucinée d'un monde qui disparaît, dans un tourbillon d'aventures folles avec un style extrêmement vivant. On ne s'ennuie jamais tout au long des 470 passages. Dans un moyen-âge fantasmé, le protagoniste grandit et se rend compte que tout ce qui l'a façonné disparaît progressivement au profit de la modernité. C'est drôle, cruel, et désespéré. Un grand livre qui a reçu de nombreux prix, à juste titre.
Grabinoulor (1921)
Sortie : 1921 (France).
livre de Pierre Albert-Birot
Annotation :
Un peu de poésie dans un monde de brutes... Ce très long poème en prose de Pierre Albert-Birot est connu de quelques amateurs de poésie mais le grand public n'a pas encore été séduit par Grabinoulor. C'est un tort. Grabinoulor est plein de fantaisies, plein d'aventures improbables, truculent comme Pantagruel, frais et naïf comme Candide, mais avec le verbe haut. La lecture se mérite parfois car, tout au long des six livres de Grabinoulor, il n'y a aucun signe de ponctuation, ce qui peut dérouter les moins aguerris. Cependant, le texte se comprend aisément. Pierre Albert-Birot n'a pas fait école, n'a appartenu à aucun courant, il a tracé son sillon tout seul et son oeuvre est réellement originale. Avis aux curieux!
Djibouti
Sortie : 20 août 2015 (France).
livre de Pierre Deram
Annotation :
Petit livre d'une dernière nuit d'un militaire français à Djibouti. Tout y est dit de l'ambiance militaire, quasi coloniale, dans cette ville africaine sur la mer Rouge. Les femmes, les bordels, les hommes, l'alcool, la bagarre, la noirceur des âmes, l'innocence perdue, et la chaleur qui écrase tout. Le récit est maîtrisé, tendu. J'ai beaucoup aimé l'ambiance que l'auteur a su créer, à su rendre, de ces hommes égarés dans des pays où ils n'ont rien à faire mais qui se comportent comme s'ils étaient chez eux. Témoignage critique d'une époque contemporaine qu'on croyait appartenir au passé. Et avec du style, mesdames et messieurs.
Amazonie, ventre de l'Amérique
Relation de la première descente de l’Amazone
Voyage, Récit
livre de Gaspar de Carvajal
Annotation :
On change de registre avec ce récit d'un prêtre, Gaspar de Carvajal, qui raconte la descente de l'Amazone au milieu du 16e siècle. Il avait suivi un des frères de Pizzaro, les conquistadors sanguinaires du Pérou. Il s'agit d'un récit qui mêle aventure, description ethnographique sommaire des civilisations croisées le long du fleuve, et délire mystique. Le style est extrêmement lourd, truffé de "à la gloire de Dieu", mais le témoignage est fort. On voit qu'il y a deux mondes qui se croisent et qui ne peuvent pas se concilier: les Européens fanatiques (Dieu et l'or sont leur seul credo, c'est effrayant) et des populations indigènes qui ne comprennent rien à ce qui se passent et qui essaient de se protéger. Ce n'est pas bien long et ça mérite le détour. En outre, c'est édité chez Jérôme Millon, une maison de très grande qualité (tout leur catalogue est génial).
La mastication des morts
Sortie : 1 juillet 1999 (France). Théâtre
livre de Patrick Kermann
Annotation :
Alors oui, c'est du théâtre, mais ça se lit bien. Et c'est jubilatoire, irrévérencieux et bougrement intelligent. On ne lit pas beaucoup de théâtre, et on n'y va beaucoup non plus, ce qui est bien dommage. En tout cas, cette pièce de Patrick Kermann est originale. Il fait parler les morts dans le cimetière d'un village. Et ils en ont des choses à dire, ces morts! Le récit, au départ complètement éclaté, est en réalité un puzzle, et à la fin, nous avons toute l'histoire. Brillant et drôle. Certes, ça se mérite un peu au début mais on n'est pas déçu du résultat.