Années 1910 : les livres

Top des tops : les incontournables de la décennie. La littérature a droit aussi à son palmarès !

Début de siècle :
http://www.senscritique.com/liste/Debut_de_siecle_les_livres/417937
Années 1920 :
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Années 1930 ...

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30 livres

créee il y a environ 11 ans · modifiée il y a 2 mois

Versant sud
7.7
1.

Versant sud (1916)

Am Südhang

Sortie : août 1993 (France). Roman

livre de Eduard von Keyserling

bilouaustria a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Du côté de chez Swann
8
2.

Du côté de chez Swann (1913)

À la recherche du temps perdu / 1

Sortie : 14 novembre 1913. Roman

livre de Marcel Proust

bilouaustria a mis 9/10.

Clair-obscur
7.9
3.

Clair-obscur (1916)

Meian

Sortie : 1989 (France). Roman

livre de Natsume Sōseki

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

On a rapidement l'impression d'avoir un classique entre les mains, et le livre a été comparé avec nos "Liaisons dangereuses", non sans raisons. Sôseki, on le sent, se délecte dans cette montagne de méchanceté, et, jouant avec de minuscules cailloux, provoque à volonté des avalanches. Il y a une science de la conséquence comme chez Lang, un plan en entraîne un autre, ici une phrase, un mot conduit inévitablement à sa suite aussi sûrement qu'une action. Le moteur n'est pas la force des choses ou le destin mais la malveillance et les intérêts. Et bien sûr la langue qui nous mène, le choix des mots, ceux qui sont tus, nos lapsus. Pour magnifier ce procédé, Sôseki travaille comme à la loupe, grossit les détails à l'extrême, rend l'ordinaire dramatique, le banal tragique. Aussi "Clair-obscur" est un puzzle haletant aux 188 micro chapitres dans lesquels il ne se passe pas grand chose. Un grand livre presque arrêté dans le temps. Avec un personnage, Kobayashi, tout droit sorti d'un roman de Dostoïevski. En revanche, et c'est regrettable devant la force d'un tel roman, la traduction n'est pas tout à fait à la hauteur. Et bon à savoir : Sosêki est mort en écrivant ce roman, donc la fin est, si on peut parler ainsi, pour le moins abrupte. Frustrant.

Rashōmon
7.8
4.

Rashōmon (1914)

et autres contes

Sortie : 2003 (France). Recueil de nouvelles

livre de Ryûnosuke Akutagawa

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Le lecteur de ces quatre nouvelles n'a jamais qu'un pied sur terre. Le deuxième est déjà en enfer, dans un enfer digne de Bosch et de ses visions les plus étranges et violentes. La peinture n'est pas étrangère à l'affaire puisqu'elle est au centre du texte le plus long du recueil, "Figures infernales", petite merveille ciselée et glaçante, qui se conclue, comme toutes ces fables ici, sous forme de morale. Les premier et troisième textes constituent, une fois assemblés ("Rashômon" + "Dans le fourré") la charpente du célèbre film d'Akira Kurosawa. En particulier "Dans le fourré" qui retrace l'enquête vue sous différentes perspectives. Akutagawa dessine des personnages humains, avec grand soin, pour mieux ensuite les perdre dans ce monde sans pitié qui est le nôtre. Il y a comme un raffinement dans cette cruauté typiquement japonaise, un perversion toujours sophistiquée qui a sûrement inspiré des auteurs comme Kawabata ou avant lui Edogawa.

Winesburg, Ohio
7.7
5.

Winesburg, Ohio (1919)

A Group of Tales of Ohio Small-Town Life

Sortie : 1919 (États-Unis). Recueil de nouvelles, Version originale

livre de Sherwood Anderson

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Texte majeur ayant influencé Faulkner, Carver, Updike etc. Au choix, série de petites nouvelles ou roman éclaté façon puzzle. Le style Anderson c'est un sens du détail, des vies ordinaires, beaucoup de non-dits et déjà en application la théorie de l'iceberg d'Hemingway (on ne voit que ce qui dépasse, le reste est enfoui sous les mots, le lecteur pressent tout un monde...). La beauté stupéfiante de la nature fait contraste avec la faiblesse, la tristesse aussi peut-être des habitants de cette ville imaginaire. Entre tous les personnages, George Willard, journaliste du Winesburg Eagle et trait d'union pour toutes ces vies perdues ou en passe de l'être. On comprend que Steinbeck se soit pris d'affection pour ce modèle de modestie et de précision.

Les Dimanches de Jean Dézert
7.8
6.

Les Dimanches de Jean Dézert (1914)

Sortie : 1914 (France). Roman

livre de Jean de La Ville de Mirmont

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Il y a une beauté mélancolique déchirante dans "Les dimanches de Jean Dézert". Le désert, bien entendu, de sa vie affective, de tout ce qui pourrait la pimenter. En réalité cette routine bureaucratique, ce manque d'imagination pour la vie est une forme de protection, la carapace d'un homme sans ambition. Malheureusement, dans ce qui annonce les romans d'Emmanuel Bove, notre héros (si on peut parler d'un homme si terne comme d'un héros) va se brûler en effleurant la chaleur de l'amour, du bonheur qu'il s'interdisait, en acceptant de vivre pleinement, une fois par semaine, de s'offrir un jour comme une respiration. Il y a souvent une ironie subtile chez Jean de la Ville de Mirmont qui ne vient pas de lui mais semble n'être qu'un état de fait - comme une ironie du sort indépendante de l'auteur, mais ça n'existe pas. Un tout petit roman, vif et cruel, où même les plafonds sont trop bas pour se suicider.

Demian
7.8
7.

Demian (1919)

Demian. Die Geschichte einer Jugend

Sortie : 1919. Roman

livre de Hermann Hesse

bilouaustria a mis 8/10.

Howards End
7.1
8.

Howards End (1910)

Sortie : 1950 (France). Roman

livre de E.M. Forster

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Je me disais en lisant "Howards End" qu'il méritait plus qu'un film, mais bien une série entière (sans savoir qu'il en existe une, de la BBC, depuis 2017). C'est que les rebondissements sont nombreux et inattendus, grâce à une construction remarquable et un effet de coupe (d'ellipses) brillant. Deux femmes parlent - la scène suivante on enterre une des deux. Mais la richesse du roman vient surtout de tous ces thèmes nourrissant la rivalité entre les deux familles : la rôle de la culture, le féminisme des deux soeurs Schlegel, la modernité d'une famille d'intellectuels pour le moins passifs face au conservatisme dynamique des Wilcox qui s'enrichissent par leur constante entreprise et soif d'action. Le style Forster, c'est encore ici surtout des dialogues très justes, qui laissent entendre les classes sociales, la finesse d'esprit. Forster ne cherche pas simplement à placer ses pions pour faire avancer l'intrigue, il met dans la bouche de ses personnages des idées, il prend le temps de montrer comment une société patriarcale gagnerait à s'ouvrir et à écouter plutôt que d'asséner ses vérités un peu complaisantes. Assez intelligent pour que le lecteur ne voie jamais venir le prochain coup.

Pionniers
6.9
9.

Pionniers (1913)

O pioneers !

Sortie : 1989 (France). Roman

livre de Willa Cather

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Elles sont arides, les plaines ventées du Nebraska ! Pour cette deuxième génération qui tente tant bien que mal de cultiver les terres, il faut plus que du courage : une certaine foi, l'envie de croire que les pères fondateurs avaient raison et que la chance tournera dans cette Amérique encore frustre. Willa Cather est très malconnue en France mais jouit encore d'une belle réputation aux Etats-Unis, justement comme pionnière, écrivain des grands espaces. Ses immigrés scandinaves sont encore pieux et croient aux valeurs familiales et à une certaine persévérance, valeurs qui se traduisent dans le personnage central, une jeune femme qui voit plus loin que ses frères et qui va chercher à innover (elle ose cultiver d'une nouvelle manière, elle finance son projet avec culot) ce qui bien sûr déplaît beaucoup. Climat aride, émotions tenues en sourdine, ce roman qui est aussi le premier volet d'une trilogie est encore considéré comme un texte important de la littérature américaine du début du siècle.

La Splendeur des Amberson
8.1
10.

La Splendeur des Amberson (1918)

The Magnificent Ambersons

Sortie : 1918 (États-Unis). Roman

livre de Booth Tarkington

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Roman très prenant emmené par un personnage principal arrogant et antipathique mais très romanesque : cette tête à claque de Georgie Amberson, le fils pourri gâté de sa mère. Il est le moteur du livre, celui par qui le scandale arrive comme dirait Minelli, dont la fierté est toujours en trop et vient tout compliquer. Tarkington écrit un roman captivant et intelligent et il n’est pas pour rien un des très rares écrivains à avoir gagné 2 fois le prix Pulitzer (Faulkner, Updike) entre autres pour ce Magnificent Ambersons que l’on connaît grâce à Orson Welles. Il fait le portrait d’une famille de riches sur le déclin, au milieu de changements radicaux et décrit merveilleusement les rapports de classe en province. Le bonheur était promis à 90% des personnages, mais Georgie étant Georgie, il détruit sa vie et celle des autres, sans le savoir, et attend fièrement qu’on le remercie par-dessus le marché. La leçon sera chère payée.

Le Banni
7.6
11.

Le Banni (1918)

Bannlyst

Sortie : novembre 1999 (France). Roman

livre de Selma Lagerlöf

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

C'est le pitch qui m'a attiré, ce banni qui se voit marginalisé pour avoir, dans des circonstances extrêmes, de survie, mangé de la chair humaine. On peut dire que partant de là Lagerlöf propose un roman à la Steinbeck (avant l'heure) tant dans la simplicité de la prose (elle a écrit quantité de romans jeunesse et on la sent excessivement claire et précise, pas de fioritures) que dans ses grands thèmes : le pardon, le droit à la rédemption, se racheter par ses actions etc. Ce banni est de loin l'homme le plus sage et le plus intelligent de son village, il fait en vain le bien autour de lui, il est bon et modeste, mais personne ne lui pardonnera son geste, même les plus violents, les plus ivrognes. Et lentement de naître un paradoxe, celui d'un homme qui fait tout le bien du monde autour de lui auprès de vivants mais dont ne pardonnera jamais le geste auprès d'un mort. Cette injustice nous attache profondément au banni jusqu'au dénouement. Très beau et simple, avec une morale luthérienne et la première guerre mondiale en personnage important dans la dernière partie du roman...

L'Oie sauvage
7.6
12.

L'Oie sauvage (1911)

Gan

Sortie : 1911 (Japon). Roman

livre de Mori Ōgai

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Il y a une scène mémorable avec un serpent au milieu du roman qui fait tout basculer. Ogai tient jusque là une narration subtile mais convenue et cette scène violente et sensuelle accélère tout, transforme la tension amoureuse en métaphore plus vénéneuse. L’oie sauvage du titre aura aussi sa scène, qui sera sujette à interprétations. Ogai travaille avec patience et une grande sensibilité, son écriture et son approche me font forcément penser à Sôseki (même période, même goût pour décortiquer les moindres petites pensées de ses personnages). La fin est parfaite avec une dernière page déstabilisante. Ogai est beaucoup plus moderne qu’on pourrait le penser en survolant le roman. Entre Sôseki, Akutagawa, les premiers Tanizaki et lui, la littérature japonaise de ce début de siècle est vraiment celle d’une génération exceptionnelle.

La Maison et le Monde
8.3
13.

La Maison et le Monde (1915)

Sortie : mai 2002 (France). Roman

livre de Rabindranath Tagore

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Comme "Howards End" écrit à la même époque, ce roman met en scène des personnages-idées, la modernité face à la tradition, ici en l'occurrence la passion face à la raison, tout en parvenant à construire une histoire autour de cette dichotomie, ce qui permet d'apporter une certaine profondeur et d'éviter un schéma trop caricatural. "La maison et le monde" est habilement construit, le texte se compose presque essentiellement de dialogues assez exigeants, parfois philosophiques, autour d'un triangle amoureux et sur fond de révolte politique. Le déchirement du couple est clairement le déchirement du Bengale, plongé dans des émeutes et quasiment une guerre civile. Tagore a recu le prix Nobel de littérature en 1913 donc juste avant ce roman majeur. On sent, derrière le penseur, quelques élans poétiques. Le dernier chapitre m'a surpris et donne à reconsidérer l'affrontement des deux hommes et la "morale" de Tagore.

Le Grand Meaulnes
6.6
14.

Le Grand Meaulnes (1913)

Sortie : 1913 (France). Roman

livre de Alain-Fournier

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Roman d'amour complexe plein à craquer de nostalgie. La nostalgie d'un temps révolu, d'un pays qu'on a aimé, d'une femme ou peut-être d'une vision. Augustin Meaulnes est assurément un magnifique personnage, qu'on "voit" tout de suite et auquel on s'identifie, même quand on ne comprend pas toujours les motivations. Par moment, le texte rappelle en mineur "Niels Lyhne" dans son romantisme contrarié, dans un forme de modernité aussi où l'on chasse les rêves en vain, où l'amour est une belle chimère inspirée par les livres et l'imagination. Impressionnant de voir à quel point Meaulnes laisse son empreinte sur tout le livre même quand il disparaît. Il y a quelque chose de beau et qui lui va bien à imaginer Alain-Fournier et ce livre comme une comète, un seul roman et puis s'en va.

Knulp
7
15.

Knulp (1915)

Sortie : 1915. Roman

livre de Hermann Hesse

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Figure curieuse que celle de Knulp, typiquement Hessienne dans les thèmes et le caractère mais pourtant difficile à cerner précisément : est-il un hédoniste un peu simple, une figure christique qui fait le bien autour de lui sans jamais être compris par ses contemporains, est-il un relais de la philosophie de vie de Hesse lui-même ? Knulp est quoi qu'il en soit ce personnage très début de siècle qui évoque Robert Walser, sorte de vagabond libertin furieusement indépendant d'esprit et plaçant sa liberté avant tout le reste (et en particulier le travail qui n'est après tout un style de vie comme un autre). La fable ici semble longtemps assez limpide, le charme et l'aura de Knulp en font presque un surhomme, sa gentillesse et sa sagesse un saint. Mais on ne sait au final si sa vie a fait du sens ou s'il s'est trompé tout du long, le roman se clôt sur ce que j'ai lu comme une ambiguïté ou un certain mystère (presque mystique). Parfois Hesse manque de clarté mais c'est sa force de toucher le non-dit, d'aller dans des zones rares en littératures de choses presque impossibles à exprimer. Grande sensibilité comme toujours mais pas son roman le plus essentiel (alors que Peter Camenzind semblait déjà plus riche et plus mature).

Gens de Dublin
7.3
16.

Gens de Dublin (1914)

Dubliners

Sortie : 1974 (France). Recueil de nouvelles

livre de James Joyce

bilouaustria a mis 7/10.

Madame Béate et son fils
7.3
17.

Madame Béate et son fils

Frau Beate und ihr Sohn

Sortie : 1913 (France). Roman

livre de Arthur Schnitzler

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

En retrouvant Schnitzler et ses monologues intérieurs qui sont parfois des châteaux de sable, j‘ai reconnu “Mademoiselle Else“ et ses cauchemars de perdre la face en société etc. Ici le texte se concentre sur la relation affectueuse et peut-être légèrement incestueuse entre une mère et son fils de 17 ans. Il séduit des femmes mûres, devient un homme, ce que la maman a du mal à accepter. Et puis Schnitzler d‘un coup renverse les présupposés de la première partie avant de nous offrir un épilogue qui a beaucoup fait parler à l’époque. Étrangement, cette novela assez sulfureuse a été rédigée alors que l’auteur venait de perdre sa propre mère (on se demande ce que Freud pensait de tout cela). C’est comme toujours extrêmement plaisant à lire, on est dans la tête des personnages avec leurs doutes. Schnitzler est en 1913 un auteur accompli qui maîtrise parfaitement cette forme mi-courte - une centaine de pages.
(Détails historiques : cette histoire il l‘a plusieurs fois débutée puis corrigée, réécrite, si bien qu‘il a passé près de 9 mois à y travailler entre 1909 et 1913. Les dernières pages houleuses ont même été débattues chez lui avec son cercle d’écrivains et amis dont Hugo von Hofmannstahl. Zweig lui écrit une lettre enthousiaste à la sortie du texte.)

Lettre au père
7.4
18.

Lettre au père

Brief and den Vater

Sortie : 1919 (France). Correspondance

livre de Franz Kafka

bilouaustria a mis 7/10.

Fermina Marquez
7.3
19.

Fermina Marquez

Sortie : 1911 (France). Roman

livre de Valery Larbaud

bilouaustria a mis 7/10.

Les Émeutes raciales de Chicago
20.

Les Émeutes raciales de Chicago (1919)

Juillet 1919

The Chicago Race Riots, July 1919

Sortie : 4 mai 2016 (France). Document, Culture & société

livre de Carl Sandburg

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Grand texte de gauche d'un écrivain-journaliste qui a contribué à changer les mentalités. Il est en réalité peu question directement des évènements de l'été 1919 à Chicago qui ont fait 34 morts. Sandburg dresse davantage un état des lieux, à travers le pays, sur la situation des noirs au États-Unis : logement, monde du travail, persécutions, éducation, initiatives individuelles etc. La démarcation sud-nord (la fameuse ligne Mason & Dixon) et l'exode massives des populations noires, entre autres vers Chicago, est une des clés de cette étude. Les nombreux lynchages (Mississippi, Arkansas...) poussent les familles vers le nord par sécurité d'abord, par attrait pour l'emploi ensuite. La question du prix des loyers, chutant à cause de cette arrivée massive crée aussi des tensions raciales. Tout est lié, on le sait. La main d'oeuvre noire a été quasiment multipliée par deux pendant la guerre et le monde est en plein changement aussi de ce côté là. Des syndicats (mixtes) se créent et prouvent que l'intégration à petite échelle fonctionne parfaitement. En 100 pages claires et tenues, Sandburg parvient à recentrer ces enjeux pour inspirer les générations futures. On le lit, 100 ans plus tard, avec Baltimore et Dallas en tête, et notre actualité qui résonne avec les évènements décrits.

Ethan Frome
7.5
21.

Ethan Frome (1911)

(traduction Pierre Leyris)

Sortie : 1969 (France). Roman

livre de Edith Wharton

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

L'histoire autant que la narration semblent très convenues dans "Ethan Frome" et toute la misère du monde qui accable le pauvre personnage principal en lassera certains. C'est le récit d'un amour contrarié, avec une méchante femme comme on en faisait au début du siècle, un concentré de sournoiserie suspecte (mais je ne peux qualifier Edith Wharton de misogynie...), et un pauvre bougre travailleur et bienveillant qui attend sa petite étincelle de bonheur qui lui sera refusée et refusée et encore refusée. Et pourtant, avec cette recette un peu lourde, les paysages neigeux, l'immobilité de Zeena et du monde entier qui est vraiment le motif du livre, le poids du destin et Ethan qui s'active seul pour empêcher sa vie de se figer dans la glaise pour toujours, malgré tout cela, il y a un espoir qui habite le lecteur, qui se nourrit et grandit, si bien qu'on commençait le texte un peu accablé et qu'on se surprend à avaler les derniers chapitres et les quelques pages magnifiques et inéluctables qui se referment violemment comme une porte claquée par un mauvais courant d'air. Le roman joue sur des émotions et des contrastes un peu grossiers mais qui sont indémodables, et j'ai été au final presque emporté malgré moi.

La Métamorphose
7.5
22.

La Métamorphose (1915)

Édition de Claude David

Die Verwandlung

Sortie : 1989 (France). Nouvelle

livre de Franz Kafka

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Revisiter La métamorphose 25 ans après m’a permis de confronter le texte à mes idées préconçues (ou la déformation de mes souvenir, avec le temps). Kafka a peut-être été découvert en France par Vialatte mais il n‘est pas son unique traducteur, comme je le supposais à tort. Plus intéressant, j’avais une image fantastique du texte, quelque chose de spectaculaire et torturé comme la Mouche de Cronenberg, où tout ou presque se passe au niveau du corps or Kafka fait de La métamorphose en soit une expérience traumatique, certes, mais qui est plus ordinaire que prévue et qui se limite, pour Gregor, avant tout à des contraintes matérielles : comment gagner sa vie et rapporter de l’argent à sa famille est plus important que son état de cancrelat, souvent relégué au second plan. On a la sensation que ce n’est pas l’horrible transformation qui a condamné Samsa (double de Kafka), mais plutôt qu‘il est lui-même la nuisance. Il n’y a pas eu de mauvais sort, il l’a plus ou moins mérité. Troisième point, je me souvenais vaguement d‘une fin tragique, il est évident dès le départ que ça ne finira pas bien, mais je ne me souvenais pas que Samsa mourrait des suites des blessures infligées par son père ! Quand on connaît Kafka, cela prend beaucoup de sens… (voir Le verdict ou La lettre au père). Une relecture nécessaire pour retrouver l’essence de cette nouvelle culte.

Le Retour du soldat
23.

Le Retour du soldat (1918)

The Return of the Soldier

Sortie : 1918 (Royaume-Uni). Roman

livre de Rebecca West

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Rebecca West est une autrice britannique qui est restée dans quelques mémoires (son nom est plutôt oublié en France) pour son immense livre de non-fiction Black Lamb and grey Falcon qui est un récit de voyage de près de 1200 pages en Yougoslavie en 1937. longtemps avant d’écrire son chef d’œuvre, West a écrit ce court roman, The Return of the Soldier, une histoire de soldat qui rentre amnésique de la guerre et est attendu par trois femmes : sa cousine, sa femme et une relation amoureuse qui date de plus de dix ans. Et sa mémoire est étrangement affectée de sorte qu’il ne souvient que de cette ancienne idylle et pas des quinze ans qui ont suivi. Au début, on ne le prend pas bien au sérieux, mais finalement cette « folie » est peut-être un mal pour un bien qui agit comme un révélateur… West semble démasquer le jeu des apparences de cette société très figée et crispée sur elle-même. Le soldat est bien victime mais sa mémoire sélective est une protection contre une vie qui le condamnerait. A-t-il désiré inconsciemment oublier sa femme ? Troublant, le texte de Rebecca West progresse un peu à contre sens, à mesure que les efforts pour se souvenir portent plus ou moins leurs fruits et révèlent quelques éléments sur les personnages présents.

Le Verdict
7.3
24.

Le Verdict (1913)

(traduction Jacques Outin)

Das Urteil

Recueil de nouvelles

livre de Franz Kafka

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

L'influence du père bien sûr (et l'on est ici six ans encore avant la fameuse "Lettre au père"). Mais on apprend aussi en lisant cette courte nouvelle écrite d'un jet lors d'une nuit blanche de septembre 1912 que Kafka se libère avec ce texte de l'influence littéraire de Goethe. Le tout teinté d'éléments autobiographiques laisse Kafka exsangue, notant dans son journal "la terrible fatigue et la joie" d'avoir mené le texte à terme. Il y distille un malaise subtil, grandissant, un malaise Russe (Gogol ?), jusqu'à ce que la figure du père écrase tout, que les mots du père conduisent irrémédiablement au drame. Étrange et obsédant.

Les Cahiers de Malte Laurids Brigge
7.5
25.

Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910)

Sortie : 1926 (France). Roman

livre de Rainer Maria Rilke

bilouaustria a mis 7/10.

Le Bon Soldat
6.4
26.

Le Bon Soldat (1915)

The Good Soldier

Sortie : 1986 (France). Roman

livre de Ford Madox Ford

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

La préface anglaise de l'édition Vintage est intéressante parce qu'on y apprend que le procédé et la structure de la narration utilisés par Ford Madox Ford étaient assez osés et modernes pour l'époque, si bien que le roman fut parfois mal reçu parce que mal interprété. Theodor Dreiser, considéré alors comme un maître mais de l'ancienne garde, reproche au livre sa confusion et une narration qui aurait pu être plus directe et limpide alors que c'est tout le propos de Ford ! L'histoire est volontairement racontée par un personnage un peu confus, qui se permet des oublis et des répétitions, et évoque les épisodes non pas dans le sens chronologiques mais à mesure qu'ils lui reviennent en tête. Donc le roman n'est pas parfait mais c'est voulu et en réalité c'est brillant comment FMF nous révèle certains éléments de l'intrigue très progressivement grâce à cette méthode. On a immédiatement une impression des quatre personnages en présence, mais cette impression va être de nombreuses fois mise à mal, et tout va en se complexifiant et en s'enrichissant à mesure qu'on progresse. C'est un petit tour de force et un roman qu'admirait beaucoup Henry James.

Le Journal d'un fou
7
27.

Le Journal d'un fou (1918)

suivi de La véritable histoire de Ah Q

狂人日記 (Kuángrén Rìjì)

Sortie : 1918 (Chine). Recueil de nouvelles

livre de Lu Xun

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Lu "Le journal d'un fou" chez les éditions Sillages avec d'autres textes dans le recueil. Le journal d'un fou lui-même, premier texte, traite de cannibalisme (thème chinois assez récurrent, qu'on retrouve par exemple chez Mo Yan) qui ferait office de métaphore plus ou moins claire. Le cannibalisme est d'ailleurs indirectement présent dans les deux nouvelles suivantes, et le thème a indéniablement une force majeure de fascination et d'horreur sans qu'on puisse vraiment attribuer à Lu Xun et à son écriture très réaliste et terre à terre de grandes qualités poétiques. En revanche la dernière nouvelle "Le théâtre des Dieux" m'a frappé par ses accents nostalgiques, la précision avec laquelle l'auteur saisit un moment de l'adolescence qui marquera le personnage pour toujours, de faire surgir de l'ordinaire un éclat de beauté et de mystère. Dans sa préface au "Cri" on sent aussi mieux ses intentions et sa grande sensibilité. Parfois les différences culturelles sont tellement immenses que l'accès à ce type de littérature est délicat mais Lu Xun n'est pas le plus grand poète chinois du début du siècle pour rien.

Ni ange ni bête
6.6
28.

Ni ange ni bête

Sortie : 1919 (France).

livre de André Maurois

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Comme il se jugeait sévèrement Maurois pour se roman de jeunesse ! Il a pourtant déjà tout le bagage : le sens de la formule, le talent pour donner vie à des concepts... Mais le fait que roman soit centré sur Philippe qui est un avatar de Maurois pose problème tant on sent son mépris pour ce jeune soi. Geneviève est plus lumineuse. Maurois exprime d'ailleurs dans sa préface le regret de ne pas avoir articulé davantage le roman autour de la jeune femme. La deuxième moitié plus politique n'est pas la plus passionnante mais il y a déjà une plume assez sûre pour attirer l'attention.

La Promenade
7
29.

La Promenade (1917)

Der Spaziergang

Sortie : 1987 (France). Roman

livre de Robert Walser

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

J'ai immédiatement eu le coup de foudre pour Robert Walser (l'écrivain favori de Kafka dit-on) avec "Les enfants Tanner" écrit à 20 ans quasiment d'un jet, en trois jours et sans reprendre sons souffle. Et ce qui me plaisait tellement c'est cette spontanéité dans l'écriture (attention pas de naiveté en revanche) qui donnait le sentiment d'urgence, de vérité, de simplicité et de jeunesse. En 1917, Walser est déjà aguerri et joue une autre partition : "La promenade" est presque l'exacte opposé de son premier roman : un roman absolument construit, pensé, qui fait des pirouettes à chaque phrase, qui dénonce son propre système au lecteur, et qui fait semblant de s'écrire devant nos yeux, au hasard des rencontres. L'idée est d'amener le lecteur vers de petits essais sur différents thèmes tout en donnant le sentiment de se promener - pourquoi pas. Il y a un côté tour de force un peu vain dans ce texte, on a le sentiment que bien que décevant, Walser essaye d'aller au-delà de ses livres précédents, il ne faut pas y voir un petit jeu sans conséquence, je crois que "La promenade" est un livre ambitieux. Mais le projet même ne m'inspire pas réellement, même avec sa part de réussite et ses faux-semblants.

Les Copains
7.3
30.

Les Copains (1913)

Sortie : 1913 (France). Roman

livre de Jules Romains

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Ah ça, Romains n'est pas le dernier des rigolos, on est bien d'accord. Son humour absurde plante le décor après dix lignes, grâce à des dialogues gentiment loufoques. La suite est du même tonneau (et effectivement, la bande de Copains sait boire !). Mais si l'on juge les livres à leur capacité à tenir dans le temps, à être remémorés, alors ce roman est relativement faible malgré le plaisir évident de lecture : l'aventure grand-guignolesque de cette bande de joyeux lurons s'évanouit, presque aussitôt la dernière page tournée. Sans odeur nauséabonde, Romains arrive toutefois dans ses meilleures pages à parler d'une France d'autrefois avec pudeur et sincérité.

bilouaustria

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