Cover Fritz Lang - Commentaires

Fritz Lang - Commentaires

Dans le panthéon cinéphilique, Fritz Lang est une gloire qui ne se dévalue pas. Son analyse chirurgicale des passions humaines, la complexité de ses préoccupations sur la morale et la justice, le mal et la culpabilité, le destin et la liberté, la pérennité et la rigueur de son système thématique et ...

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29 films

créee il y a presque 12 ans · modifiée il y a environ 1 an

Les Trois Lumières
7.5

Les Trois Lumières (1921)

Der müde Tod

1 h 34 min. Sortie : 14 juillet 1922 (France). Muet, Drame, Fantastique

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

À la sortie du film, l’expressionnisme connaît son plein essor, et Lang s’inscrit naturellement dans ce courant par le combat sur la toile de l’ombre et de la lumière, la stridence des clairs-obscurs et des contre-jours, l’abrupt des arêtes lumineuses, la glissement des ténèbres à la pénombre, le vacillement des flammes et des torches, toute la recréation d’un univers de cauchemar et de nuit. L’omnipotence de la Mort lasse d’accomplir son triste labeur, le désespoir de la femme qui cherche à ramener son amant à la vie sont prétexte à l’évocation de mondes exotiques (Venise médiévale, Orient des "Mille et une nuits", Chine de pacotille). Le symbolisme se met au service d’un propos résolument fataliste, qui reflète moins l’âme tourmentée d’une époque qu’il ne puise aux sources picturales du romantisme allemand.

Le Docteur Mabuse
7.9

Le Docteur Mabuse (1922)

Dr. Mabuse, der Spieler

4 h 57 min. Sortie : 13 juin 1924 (France). Drame, Policier, Muet

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Fin 1921, Berlin est la capitale d’un pays ravagé par l’inflation, la spéculation et le crime. Échevelé, trépidant, se perdant dans un labyrinthe à claires-voies comme dans la tradition du serial, le film s’ouvre sur le vol d’un contrat commercial qui déstabilise la haute finance, et désigne d’emblée un mal qui concentre tous les traits décadents d’une époque. Mabuse est un supercriminel organisant scientifiquement le désordre à son profit, et dont les machinations sophistiquées fonctionnent comme autant de miroirs de la volonté de puissance démiurgique à l’œuvre derrière la caméra. Force ambivalente, indispensable pour maîtriser le chaos, dangereuse pour autrui comme pour celui qui l’exerce : on peut dire que Lang mettant en scène Mabuse refoule le Mabuse qu’il contient.

Les Nibelungen
8.1

Les Nibelungen (1924)

Die Nibelungen

4 h 53 min. Sortie : 14 février 1924 (Allemagne). Drame, Aventure, Muet

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Parce qu’il passe d’une logique narrative éparse à un étroit resserrement des nœuds dramatiques, cet imposant diptyque, librement inspiré de "L’Anneau du Liebelung", retrouve le souffle du récit épique, une mise en scène de la déréliction qui évoque le modèle des Atrides et rejoint les cycles arthuriens ou shakespeariens. En quatre heures multipliant défis techniques et décors verticaux, grandes masses savantes et trucages optiques, inventions formelles et morceaux de bravoure, Lang laisse apparaître certains de ses grands thèmes, cachés dans le chaos de la légende (la communauté infinie des fautes et des malédictions, la relativité des valeurs morales et des coefficiens de sympathie), en même temps qu’il réussit à exprimer la quintessence d’une Allemagne du ressentiment et la haine recuite.

Metropolis
8.1

Metropolis (1927)

2 h 25 min. Sortie : 6 février 1927 (France). Muet, Drame, Science-fiction

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Comme pour tous les grands films d’anticipation, c’est dans la vie contemporaine, au cœur même du système social, que Lang puise son inspiration visionnaire. Le mal moderne et son antidote sont métaphorisés en une déclinaison futuriste du mythe de Babel annonçant et dénonçant à la fois les structures et les contradictions de l’univers concentrationnaire, une utopie grandiose que l’on peut considérer comme un hymne ou un défi à l’idéologie totalitaire. La morale finale, avec cette idée de médiation entre le cerveau et les mains, est moins chrétienne que politique : c’est le développement de la cité occidentale que l’artiste interroge ici, en tâchant de conjurer la peur naturelle de l’Apocalypse qu’elle engendre. Aujourd’hui encore, le film fascine par sa démesure, son grouillement, sa maîtrise des formes.

Les Espions
7.4

Les Espions (1928)

Spione

2 h 58 min. Sortie : 22 mars 1928 (Allemagne). Policier, Muet

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Inventant un échafaudage plus complexe et vertigineux encore que dans "Le Docteur Mabuse", Lang approfondit sa description d’un monde à l’organisation secrète, souterraine, théâtre d’une lutte sans merci entre des êtres qui se manipulent, se dupent, élaborent des plans machiavéliques en exploitant les pièges des apparences et la dualité des sentiments. On est balloté d’un twist à un autre, fasciné par l’architecture inextricable d’un récit débridé, scotché devant la profusion des plans visionnaires, saisi par la lucidité coupante du propos : si le professeur japonais, défait par une vénéneuse tentatrice, se fait hara-kiri après avoir compris sa faillibilité, c’est sur scène que le méchant, démiurge de sa propre image, transforme le spectacle de sa mort en un grandiose baisser de rideau.

La Femme sur la Lune
7.2

La Femme sur la Lune (1929)

Frau im Mond

2 h 36 min. Sortie : 15 octobre 1929 (Allemagne). Comédie, Drame, Romance

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Comme s’il voulait lui apporter, dans le genre de la science-fiction, une vision complémentaire, le cinéaste substitue à la charge métaphorique de son "Metropolis" la légèreté d’un récit dont les multiples péripéties ne sont parasitées par aucun discours. La fraîcheur radieuse qui s’épanouit ici est proche des expéditions lunaires de Jules Verne ou d’Hergé, et rendue plus belle encore par le souci de véracité scientifique, la crédibilité des effets spéciaux, l’ampleur des décors, la poésie naïve des situations. Décollage spectaculaire au crépuscule, voyage périlleux où se succèdent extrême pression et apesanteur, disparition angoissée du disque terrestre… On vit tout cela avec l’enthousiasme d’une première fois, en savourant deux heures quarante pleines de suspense fourni et d’aventures trépidantes.

M le maudit
8.1

M le maudit (1931)

M - Eine Stadt sucht einen Mörder

1 h 57 min. Sortie : 8 avril 1932 (France). Policier, Drame, Thriller

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

"Les assassins sont parmi nous" : le titre initial de ce grand classique explicite de façon impitoyable les intentions de son auteur, qui analyse sans aménité la maladie d’un pays mûr pour la dictature. Rarement cinéaste aura su illustrer avec une telle évidence l’arrogance et la monstruosité aliénante de la pieuvre sociale, des structures officielles ou souterraines accablant l’individu et cherchant des victimes expiatoires alors que le mal réside en chaque être. Moins marqué d’expressionnisme que les opus précédents, "M" demeure une époustouflante leçon de mise en scène, conçu comme une mise en concordance de tous ses paramètres esthétiques et narratifs, chaque détail fonctionnant comme la ligne de force d’un champ magnétique et enserrant le protagoniste dans un piège de lignes, d’angles, de cercles qui figurent le labyrinthe implacable du destin.

Le Testament du docteur Mabuse
7.7

Le Testament du docteur Mabuse (1933)

Das Testament des Dr. Mabuse

2 h 02 min. Sortie : 21 avril 1933 (France). Policier, Fantastique

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

En filigrane dans "M le Maudit", la dénonciation du régime nazi s’exprime ici avec une subversion cinglante. Lang fait de son héros mégalomane, volonté de puissance tournée vers la destruction, une allégorie non seulement métaphysique mais clairement idéologique, lui faisant citer des phrases entières du programme national-socialiste. À l’instar de sa glaçante déclaration d’intentions, le programme du manipulateur fou et catatonique agit comme une politique de la terreur : cette fois le mal n’est plus incarné, il est un esprit qui peut pénétrer tous les êtres, prendre tous les visages. Au-delà de ces considérations, le film est un trépidant thriller policier et fantastique, plus proche de la bande dessinée qu’aucun autre, et dont le suspense se développe en une construction plastique très élaborée.

Furie
8

Furie (1936)

Fury

1 h 32 min. Sortie : 16 octobre 1936 (France). Policier, Drame, Thriller

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 9/10.

Annotation :

Premier titre de l’exil américain, et l’un des sommets de toute sa carrière. Lang pose une question simple : l’homme est-il vraiment civilisé ? Pour y répondre, il illustre en actes la loi de Lynch et fait du récit d’une erreur judiciaire l’analyse d’un enchaînement paroxystique, l’implacable étude d’une hystérisation sociale, d’une sauvagerie collective. Le trouble violent suscité par le film tient de la problématisation qu’il applique aux notions de loi et de justice, de vengeance et de culpabilité. Mis en scène avec une rigueur absolue, monté de façon extrêmement vive façon coups de cisaille dans la gueule, faisant sens à chaque plan, le réquisitoire contre une certaine Amérique atteint ici le cœur du génie langien, en ce qu’il souligne la relativité de toute morale dans sa confrontation avec la logique pulsionnelle.

J'ai le droit de vivre
7.5

J'ai le droit de vivre (1937)

You Only Live Once

1 h 26 min. Sortie : 28 mai 1937 (France). Drame, Policier, Romance

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Tel un prolongement du précédent opus, ce film moins apocalyptique investit le cadre d’une romance quasi bucolique (il s’agit d’une des rares histoires d’amour filmées par le réalisateur) pour mieux stigmatiser, par effet de contraste, l’implacable logique de culpabilité à laquelle est voué un homme innocent lorsque la société le condamne de manière impulsive, gangrenée par le préjugé et l’instinct de vengeance, n’offrant aucune réinsertion aux repris de justice. À la douceur presque mièvre des scènes romantiques succède un sentiment tragique : sur les routes américaines, le couple retombe dans un état de nature auquel la collectivité et ses principes ne peuvent que mettre fin. La critique est sans appel, s’exerçant sur un plan presque métaphysique, mais l’œuvre manque de vigueur et de souffle.

Le Retour de Frank James
6.3

Le Retour de Frank James (1940)

The Return of Frank James

1 h 32 min. Sortie : 17 mars 1948 (France). Policier, Historique, Western

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

Comme son titre l’indique, le premier western de l’auteur traite du mouvement, du transport, du réseau diffus des rumeurs et des informations : journaux, affiches, rivalités des organes de presse, guerre des scoops (menée par une jeune Gene Tierney en simili-suffragette), batterie de supports croisant leur efficacité respective comme on croise le fer, s’affrontant sur le terrain de l’influence et du droit, faisant mine de mesurer leur poids à l’aune de la vérité. En témoigne la scène caractéristique qui voit les frères Ford rejouer la mort de James sur les planches en se faisant passer pour des héros. Approche intéressante, mais qui ne comble pas le déficit d’engagement et de rigueur dont souffre hélas le film, ni le flou moral laissé par la quête vengeresse du héros, jamais interrogée ni remise en question.

Chasse à l'homme
7.2

Chasse à l'homme (1941)

Man Hunt

1 h 45 min. Sortie : 15 juin 1949 (France). Drame, Thriller, Comédie dramatique

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Il suffit d’une introduction qui joue sur le fantasme et le paradoxe même du cinéma pour voir se profiler l’ombre d’une parfaite uchronie. Méprisant la vraisemblance, Lang se régale d’un récit à rebondissements multiples et chevauche la logique chaotique d’une histoire d’espionnage, de fuite et de poursuite où s’accumulent périls et embûches, où valsent agents sadiques et perfides au service de l’Axe et complices aussi humbles que précieux (le gamin matelot, la prostituée cockney). Mené à toute berzingue, le thriller organise des oppositions franches entre les positions morales, prend clairement parti contre la politique hitlérienne, enrichit son suspense d’une interrogation sur les valeurs du choix, de l’intégrité et de l’engagement à l’aune des heures graves et troublées. Captivant.
Top 10 Année 1941 :
https://urlz.fr/kefo

Les bourreaux meurent aussi
7.5

Les bourreaux meurent aussi (1943)

Hangmen Also Die

2 h 14 min. Sortie : 27 août 1947 (France). Drame, Thriller

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Cas de conscience, suspense cornélien pour des personnages écartelés entre les liens qui les unissent et leur intégrité éthique, et propagande antinazie plus vigoureuse que jamais. Avec le concours de Bertolt Brecht (marqué par des fortes divergences idéologiques), Lang illustre la perversion qu’entraînent guerre et terrorisme, les contradictions et dilemmes d’une résistance acculée à la trahison avant qu’elle ne trouve une porte de sortie : celle de la solidarité collective. Si le peuple l’emporte temporairement, ce n’est pas par un soulèvement moral mais par une machination toute langienne, car chacun s’entend à désigner comme coupable le notable collaborant notoirement avec l’ennemi. Un "Furie" inversé donc, les habitants de la ville se liguant dans un faux témoignage pour la bonne cause.

Espions sur la Tamise
7.1

Espions sur la Tamise (1944)

Ministry of Fear

1 h 26 min. Sortie : 7 juillet 1948 (France). Film noir

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Le film d’espionnage, auquel Lang a régulièrement goûté, est le genre par excellence où déployer une thématique obsessionnelle des explications, des démonstrations, de la vérité qui s’impose et trouve une figure expressive majeure sur la surface de l’écran, dans le jeu de la lumière et de l’obscurité. Croire ou ne pas croire aux différents éléments de l’intrigue, telle est la règle du jeu. Avec ces questions en tête, le cinéaste s’octroie la liberté de développer une histoire invraisemblable, bardée de carences jusqu’à la garde, et dynamise une fuite en avant par laquelle il plonge son héros dans une série de pièges et de périls continus. Aucune déraison explicative, aucun souci de réalisme, juste l’ontologie d’un monde à réviser où rien n’est ce qu’il semble et où tout est soumis aux tromperies des apparences.

La Femme au portrait
7.4

La Femme au portrait (1944)

The Woman in the Window

1 h 40 min. Sortie : 28 août 1947 (France). Thriller, Drame, Film noir

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Petite leçon de maîtrise et de manipulation. L’excellent Edward G. Robinson y est un professeur de psychologie saisi par le démon de midi, embarqué dans un engrenage fatal qui nous perd dans un réseau de péripéties, de conjonctures et d’hypothèses et nous pousse à nous interroger sur la nature même de ce que nous voyons. Le coup de théâtre final accentue ainsi le trouble d’un spectateur saisi par l’enchevêtrement des faits, et permet au cinéaste de commenter malicieusement le tour de force de sa mise en scène. Car si Lang impose une vision peu amène de la vie, perçue comme une machination cauchemardesque, s’il brode sur son sujet fétiche de la culpabilité, il orchestre surtout un récit dont la structure et les enchaînements figurent brillamment la logique du rêve.
Top 10 Année 1944 :
https://urlz.fr/kefT

La Rue rouge
7.3

La Rue rouge (1945)

Scarlet Street

1 h 42 min. Sortie : 29 janvier 1947 (France). Drame, Thriller, Film noir

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

En remakant "La Chienne" de Renoir dans le Greenwich Village des années 40, le réalisateur s’intéresse au cheminement du crime dans l’esprit d’un honnête homme, souligne la fragilité de l’innocence, et prend un malin plaisir à filmer le lent travail de l’aveuglement amoureux sur la conscience et la liberté individuelles. Un looser vieillissant tombe raide dingue d’une oie coquette qui le plume (Joan Bennett a l’éclat fascinant d’une femme perdue), elle-même manipulée par le gandin dont elle est éprise : tableau de duperie généralisé, empreint d’une noire cruauté, dont Lang tire un drame passionnel où la morsure de la culpabilité se charge de châtier ce que les coups du destin ont laissé impuni. Maîtrise impeccable, propos amer et sans illusion : doublé gagnant pour un film dont l’ironie tient dicte la morale.

Le Secret derrière la porte
7

Le Secret derrière la porte (1947)

Secret Beyond the Door

1 h 39 min. Sortie : 13 août 1948 (France). Drame, Policier, Thriller

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

C’est l’époque où beaucoup de grands réalisateurs se sont piqués de psychanalyse et y vont chacun de leur petit condensé illustré (deux ans plus tôt, Hitchcock enquêtait chez le Dr Edwardes). Il est facile, ici comme ailleurs, de trouver peu vraisemblables les recours symboliques employés. Mais le suspense possède un attrait vénéneux car son schématisme est compensé par l’inventivité baroque d’une mise en scène qui le tire vers le conte de fées pour adultes – grande maison inquiétante aux chambres hantées de souvenirs, lampes torches dans la nuit, jardin mangé par la brume. En outre, s’il autopsie le désarroi d’un couple effrayé par le sexe qui devrait l’unir, Lang offre de nouvelles perspectives à son thème fétiche de la pulsion criminelle dont le meurtrier est la première victime.
Top 10 Année 1947 :
https://urlz.fr/kegb

House by the River
7.2

House by the River (1950)

1 h 25 min. Sortie : 24 avril 2019 (France). Drame, Policier, Thriller

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Contrairement à Hitchcock, chez qui le double prend en charge la tentation ténébreuse et les pulsions meurtrières de l’innocent, Lang considère que chaque être humain porte le crime en lui. Démonstration en actes avec cet étrange film policier, nimbé d’ombres gothiques et d’éléments expressionnistes, tourné en chien et loup à la lueur des bougies et des lampes à pétrole, et qui développe une réflexion trouble sur la création, la mort, le mensonge et le fantasme. Écrivain raté présentant l’immaturité charmeuse d’un ado attardé, le protagoniste y embrasse avec délectation une pente maléfique et s’y laisse happer par les gouffres les plus noirs de sa conscience, dont le fleuve limoneux, charriant inlassablement ce qu’il dissimule de peurs, de saleté et de décadence morale, constitue le symbole transparent.

L'Ange des maudits
7.1

L'Ange des maudits (1952)

Rancho Notorious

1 h 29 min. Sortie : 11 mars 1953 (France). Drame, Western

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Incipit purement langien : dans une petite ville de l’Ouest, deux amoureux se séparent ; à peine le fiancé est-il parti que la fille est violée et tuée. Dès lors se met en branle une mécanique inéluctable de la vengeance qui finira par broyer les personnages principaux. Filmé tambour battant, comme une chanson de geste à la nostalgie lancinante qu’une ballade commente de façon assez brechtienne, cet excellent western approche la vérité complexe de son héroïne (une femme fatale à la tête d’une société de desperados) par une série de flash-backs kaléidoscopiques. Peu à peu, le double jeu du protagoniste se fond dans une esthétique volontiers baroque et artificielle, dont la surréalité garantit le pouvoir de fascination. Preuve supplémentaire de l’aisance de l’auteur à investir les genres les plus codés.

Le démon s'éveille la nuit
6.6

Le démon s'éveille la nuit (1952)

Clash by Night

1 h 45 min. Sortie : 23 novembre 1952 (France). Drame

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Vertiges, contradictions et ambigüités des sentiments : parfois l’amour n’est pas une sinécure, l’époux tendre et dévoué est l’homme que l’on trahit, et l’alcoolique torturé, miroir des angoisses désenchantées de l’héroïne, celui dont elle s’éprend malgré elle. À mi-chemin du néoréalisme et du drame passionnel tel qu’il fleurit en France dans les années 30, Lang analyse les déchirements d’êtres gagnés par des tentations irréalisables, des libertés illusoires, de chimériques désirs. Chacun suscite notre compréhension et notre empathie, chacun souffre du mal qu’il se fait à lui-même et qu’il a conscience de faire aux autres, et le frêle espoir final n’éclaire que d’une lueur contrastée ce tableau aussi beau que subtil de l’éternelle insatisfaction humaine. Avec en prime une Marilyn toute fraîche et mimi.
Top 10 Année 1952 :
http://lc.cx/ZUDv

La Femme au gardénia
6.6

La Femme au gardénia (1953)

The Blue Gardenia

1 h 25 min. Sortie : 12 mars 1954 (France). Film noir, Drame, Thriller

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

L’exercice qui consiste à relier tout film mineur à l’œuvre d’un grand auteur étant un péché mignon (une facilité ?) assez répandu, rien n’empêche de l’appliquer à cet opus fort modeste. On y retrouve en effet le double geste qui caractérise son créateur. D’une part la description aigüe d’une société transie par une sorte de matérialisme halluciné, où ce sont les états corporels qui seuls motivent les actions. D’autre part le portrait de la prégnance d’un imaginaire collectif (presse, cinéma) qui vampirise à ce point la conscience individuelle et la sphère de l’intimité qu’un individu innocent peut se persuader qu’il est coupable d’un meurtre. Manière d’estimer qu’en dépit de ses scories, il constitue une étape intéressante dans l’épurement que Lang, sa carrière durant, a poursuivi de ses motifs et obsessions.

Règlement de comptes
7.6

Règlement de comptes (1953)

The Big Heat

1 h 29 min. Sortie : 8 décembre 1953 (France). Film noir

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Réversibilité du crime et de la morale, de la justice et de sa transgression, dans un univers de corruption généralisée où l’innocence (particulièrement celle du jeune couple, sur lequel s’acharne le destin) est vouée à mourir ou à disparaître. L’inspiration de l’auteur est ici franchement sombre, déclinant les motifs du film noir sur le mode le plus désabusé qui soit. Le polar est tendu d’un bout à l’autre, chaque scène apportant son lot de violence verbale ou physique, et comme contaminé par une haine et une soif de vengeance que le cinéaste décrit avec une amertume âpre et désenchantée. Le mal est comme une fatalité balayant les archétypes idylliques, son assomption atteint le héros lui-même qui en vient à utiliser les méthodes qu’il réprouve pour nettoyer la ville : nul n’est à l’abri du pire.

Désirs humains
6.6

Désirs humains (1954)

Human Desire

1 h 31 min. Sortie : 8 juillet 1955 (France). Film noir, Romance, Drame

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Pour la deuxième fois de sa carrière après "La Rue Rouge", Lang adapte un roman que Renoir avait déjà porté à l’écran. Mais contrairement à ce dernier, qui fonde son écriture sur le jeu subtil du hasard et de la nécessité, la présence des détails les plus anodins ne peut chez lui jamais se justifier à travers des causes fortuites. D’où la puissance dramatique et le caractère inéluctable d’une étude de caractères dont les personnages présentent tous les symptômes de l’autodestruction, du conditionnement atavique, du désir social de propriété. Pathétique, cruel, vaguement sulfureux, mené avec une rigueur sans défaut, le film se refuse à tout jugement péremptoire pour mieux affirmer l’ambivalence d’une humanité victime de son aliénation – à l’image de Gloria Grahame, good bad girl des plus complexes.
Top 10 Année 1954 :
http://lc.cx/Zwkz

Les Contrebandiers de Moonfleet
7.3

Les Contrebandiers de Moonfleet (1955)

Moonfleet

1 h 24 min. Sortie : 16 mars 1960 (France). Aventure

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Un grand classique du film d’aventures à la Stevenson, renié par son auteur alors qu’il impose l’expression achevée d’une conception éthique et critique du monde. La maîtrise de Lang prend ici la forme d’une épure méticuleuse qui favorise un onirisme étrange, romantique, vaguement atone et inquiétant, conforme à la naïveté d’un enfant jetant son dévolu sur une figure paternelle et héroïque. La composition des plans, la stylisation des décors, des éclairages, du montage… tout se met au service d’un récit complexe sur la quête de sincérité et de vérité dans un univers régi par l’illusion, la cupidité et l’hypocrisie. Dans un décor de lande qui paraît circulaire, chacun est ramené à Moonfleet, jusqu’à ce qu’il ait apaisé ses désirs, révélé ses intentions, ou trouvé la mort. Très beau film, d’une grande hauteur morale.

La Cinquième Victime
7.1

La Cinquième Victime (1956)

While the City Sleeps

1 h 40 min. Sortie : 30 août 1956 (France). Policier, Drame, Film noir

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Lang renoue avec l’ambiguïté et abolit définitivement les frontières entre le bien et le mal. Si les retournements font tourner les situations à l’inverse des désirs ou des gestes qui l’ont provoqué, la mise en scène gomme l’arbitraire au profit d’une contemplation architecturale. Avec une bonne dose de cynisme cinglant, car cette analyse d’une société où l’information circule sans contrôle, pour le seul profit de ses agents, nous montre des personnages corrompus agissant uniquement par intérêt, se livrant à une compétition sans limites, une guerre qui entrecroise les initiatives de chacun, et où tous les coups sont permis pour gagner la course au pouvoir. L’action progresse avec un sens remarquable de l’économie, le propos est sec et implacable, le suspense nourri d’une franche ironie : excellent.

L'Invraisemblable Vérité
7.4

L'Invraisemblable Vérité (1956)

Beyond a Reasonable Doubt

1 h 20 min. Sortie : 31 juillet 1957 (France). Policier, Drame, Film noir

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Limpide et clair dans son exécution, ramassé dans une durée courte qui lui permet de tendre au maximum ses enjeux diaboliques, ce thriller aux dilemmes et à la forme purement langiens est une mécanique de précision assez perverse qui se resserre autour du spectateur tel un nœud coulant. Le réquisitoire explicite contre la peine de mort s’élargit en un éclatement des perspectives morales jouant avec les convictions du spectateur, jusqu’à un twist final qui inverse le principe des films judiciaires des années trente et reconfigure complètement tout ce que l’on avait cru voir et comprendre depuis le début. C’est captivant, brillant, mais peut-être un peu trop démonstratif dans son développement, trop prisonnier de ses intentions. En conflit avec la RKO, Lang achève ici sa carrière américaine.

Le Tigre du Bengale
6.5

Le Tigre du Bengale (1959)

Der Tiger von Eschnapur

1 h 41 min. Sortie : 22 juillet 1959 (France). Aventure, Romance

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Assassiné par la critique à sa sortie, ce diptyque est aujourd’hui estimé par bien des exégètes comme un chef-d’œuvre testamentaire. Une troisième opinion sensée peut trouver sa place entre ces deux pôles. D’une totale inactualité, débarrassé de tout contexte social, le récit n’est plus que la conscience mécanique de la volonté des personnages. Les aventures sont celles d’êtres mus par leurs passions, qui s’agitent entre la surface des palais enchanteurs et le sous-sol des temples secrets et des catacombes labyrinthiques où s’entassent les réprouvés. Son goût pour la géométrie des lignes et des volumes, Lang en corrige la froideur par son intérêt pour la matière, la profusion des régimes narratifs, la variété des tons employés, tous vecteurs d’une pensée élaborée, mais dont la rigidité conceptuelle peut ennuyer.

Le Tombeau hindou
6.7

Le Tombeau hindou (1959)

Das Indische Grabmal

1 h 42 min. Sortie : 7 août 1959 (France). Aventure, Romance

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

Cf ci-dessus.

Le Diabolique Docteur Mabuse
6.8

Le Diabolique Docteur Mabuse (1960)

Die 1000 Augen des Dr. Mabuse

1 h 43 min. Sortie : 20 juin 1961 (France). Policier, Thriller

Film de Fritz Lang

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Ultime coda de la filmographie langienne, le retour du fameux génie du mal dépeint une Allemagne prompte à oublier le nazisme et une société moderne saisie par le démon de la technologie – les mille yeux du maléfique docteur sont ceux de la vidéosurveillance, donc de la télévision. Il serait tentant de protester devant le rocambolesque ludique de ce scénario à multiples rebondissements et la sécheresse d’un style épuré qui atteint ici les rives de l’abstraction théorique. Mais, pour datée qu’en soit la réalisation, il est éclairant d’apprécier le film comme la mise en scène d’une mise en scène exercée par des menteurs. Sous le regard glacé du cinéaste, un miroir sans tain, un collier, une voiture radio, une panoplie de grimage et mille traits du romanesque banal se transforment en médium de l’onirisme.

Thaddeus

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