Je suis entrée dans ce livre en me disant, ah tiens c'est pas mal, pas transcendant, un style bien foutu, un peu oral mais assez bien tourné pour qu'on sente le travail, une histoire et un univers qui rappelle des livres et des histoires lus et relus plein de fois.
Bref.
Je me laisse tranquillement à lire.

Et puis parfois, il y a des phrases qui font mouche. Parce qu'il a une écriture métaphorique très onirique, mais pas trop poétique. Juste ce qu'il faut d'images qui font à la fois très visuelles et très significatives.

Citation:
"Ah, Evelyn et Vivian, je vous adore toutes les deux, je vous aime pour vos tristes vies, le vide misérable que vous retrouvez en rentrant chez vous à l'aube. Vous aussi vous êtes seules, mais pas comme Arturo Bandini, qui n'est ni veau ni vache et même pas bon à donner le change. Alors buvez-le votre champagne, parce que je vous aime toutes les deux, et toi aussi Vivian, même si ta bouche a l'air d'avoir été creusée à coups d'ongles, même si les yeux de vieille enfant nagent dans le sang comme des commets écrits par un maniaque."


Et peu à peu il m'entraîne dans sa tristesse, ses petites rages, les injustices.

Et je me laisse contaminer par ses réflexions sur l'écriture, la réussite, la célébrité, la mégalomanie, la solitude, l'amour, la violence, la peur.

Bandini est frustré, tout le temps, sans arrêt. Tout autour de lui va dans le mauvais sens. Il survit en ne mangeant que des fruits qu'un épicier lui offre, ou en volant du lait qu'il n'arrive pas à boire parce que c'est du babeurre. Il se retrouve mêler à un assassinat de veau pour y découper un steak et s'enfuit.
Il tombe amoureux d'une mexicaine. Des relents racistes lui brûlent les lèvres, parce qu'il ne peut pas l'atteindre, parce qu'elle est belle et qu'il faut lui faire mal. Mais il aime. Et elle le méprise, en aime un autre.
Ses nouvelles ne se vendent pas.

Mais parfois des sursauts lui font sortir la tête de l'eau, de la mouise, de la poussière.
Une nouvelle se vend et c'est l'euphorie, l'argent, les escapades en voiture capote ouverte, le soleil qui cogne et les vagues qui s'écrasent sur les pieds tout ratatinés de se faire habituellement un refuge au fond des chaussures trouées.

Puis c'est le nouvel écroulement.

Et ainsi de suite.

Bandini tient, se bat. Sa colère le maintient dans l'énergie du désespoir.


Un bon roman. Très bon. Qui surprend. Mais qui, je crois, doit vraiment se lire d'une traite ou presque pour pouvoir être emporté dans le rythme de Fante et croire à Bandini, vivre ses histoires accroché à ses semelles poussiéreuses.
Pas aussi fulgurant et viscéral que Septentrion de Calaferte, mais dans cette veine. Peut-être que ceux qui n'aime pas le côté très excessif de Calaferte trouveront en Fante et Bandini un bon compromis.

Et puis, il faut reconnaître que dans Fante il y a une douceur dans le style d'écriture, dans les mots choisis, qui soulagent. Qui teintent de mélancolie tendre un propos parfois vicié par la douleur et la colère.
D'ailleurs l'épisode du tremblement de terre est terrible !

Citation:
"Vous êtes un inconnu, moi j'aurais pu être quelqu'un, et le chemin qui nous rapproche c'est l'amour."
Queenie
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le 7 juin 2012

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Queenie

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