Charlie,
Je t’ai connu comme un être simple, un arriéré mental dit-on. En notre monde trop de gens ont une malheureuse propension à s’en prendre à plus faible et toi tu étais constamment la cible de moqueries. Pourtant cela ne te préoccupait pas. Après tout tu demandais juste à ne plus être seul, à être aimé et à avoir des amis. Je suppose que c’est pour cela que tu souhaitais tant devenir intelligent.
Je n’aimais pas voir les autres s’en prendre à toi et je t’ai défendu à maintes reprises. Touché par ta candeur et ta gentillesse, je suis devenu ton ami même si je dois avouer qu’au plus profond de moi-même, j’éprouvais de la pitié et que cela flattait mon ego de te savoir moins savant que moi.
Puis sans que je ne comprenne pourquoi, tu as changé, ton esprit s’est élevé. Ta soif de connaissances fut intarissable. Toi qui auparavant déchiffrais les textes les plus élémentaires avec difficulté, tu t’es mis à étudier des matières auxquelles je ne comprends que peu de chose : génétique, biochimie, physique quantique. Tu t’es également mis à apprendre à parler allemand, russe, japonais et dieu sait quoi d’autre.
Tu es devenu un personnage important, consulté par les plus grandes sommités scientifiques. Au firmament de ton intelligence tu ne pouvais plus communiquer avec quiconque. Ton esprit était tellement brillant : nous étions plomb, tu étais éther. Malgré cela tu t’es à nouveau senti seul. Toi qui autrefois te sentais emmuré par ta bêtise, tu l’étais encore mais cette fois-ci par ton intelligence.
Et puis aussi soudainement que tu es devenu un génie, tu redeviens tel que je t’ai connu. Je n’ose imaginer à quel point il doit t’être difficile de perdre toutes tes connaissances, ton intelligence s’effeuillant tel un arbre à l’arrivée d’un infini automne. Le processus semble irréversible, néanmoins, s’il te plait, je te prie de te souvenir d’une chose : Je suis ton ami.