Certains hommes sont cruels. Mon ancien prof de théâtre l'était. Et l'est toujours. Cet immonde salopard nous a imposé de regarder son adaptation d'En attendant Godot alors que nous avions tout juste onze ou douze ans.

Alors pote d'une des actrices (lycéennes), je suis venue lui faire part de mon scepticisme par un magistral : "votre pièce... j'ai RIEN compris !" Réponse : "Alors t'as tout compris."

Ouais, non. Ok, l'absurde est un genre très particulier qui de part son nom est absurde et loufoque, mais de là à dire que ce n'est qu'un échevelas de scènes sans queue ni tête et sans rien derrière à comprendre ou interpréter...

Heureusement, une prof salvatrice de culture générale, bien des années plus tard, a su me recadrer et me faire (re)découvrir Samuel Beckett que j'avais délaissé, écoeurée. Bénie soit-elle.

Trop longue intro coup de gueule contre les profs de théâtre que j'ai eus l'infortune de croiser (je ne prétends pas généraliser !!), qui semblent se délecter voire se branler de satisfaction de foutre un public non adapté à leurs pièces (des collégiens sur du Beckett, non mais franchement !), donc, en gros, de prendre les gens pour des cons.

Bon. Et En attendant Godot, alors ?

On l'attend tous, Godot. Et on s'emmerde ce faisant. Cela se ressent dans la pièce. Les scènes s'enchaînent sans logique, longues, lourdes, poussives. Y en a un qui galère pour enelever ses putains de chassures, et l'autre qui pose tout un tas de questions. Par peur de s'emmerder, je présume. S'emmerder en attendant Godot.

Face à une vie dont le sens leur échappe désormais complètement (les idéologies s'effondrent, les salopards s'enchaînent aux plus hautes fonctions du pouvoir, la religion n'est plus le reflet salvateur qu'elle affirmait être, etc.), ils sont obligés de se fixer des objectifs, des quêtes pour ne plus y penser, pour ne pas se rappeler le non-sens, l'absurde de leur vie.

La quête, pour eux, c'est d'attendre Godot. La mienne, d'apprendre à dessiner. La vôtre, qu'en sais-je, c'est votre affaire.

Mais Godot ne vient pas. Demain, peut-être. Ou après-demain. Viendra-t-il jamais ? Et s'il vient, n'aura-t-on pas envie d'attendre quelqu'un d'autre au pied d'un arbre ? Pour ne pas s'ennuyer à nouveau ? Pour ne pas se confronter à une vie vide de sens ?
Karrie
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les lectures forcées et finalement adorées

Créée

le 13 mai 2011

Critique lue 3.4K fois

31 j'aime

8 commentaires

Karrie

Écrit par

Critique lue 3.4K fois

31
8

D'autres avis sur En attendant Godot

En attendant Godot
Rawi
8

t

J'ai lu cette pièce il y a quelques année et il ne m'en est resté que des noms bizarres comme Estragon, Pozzo... et quelques images d'un décor désertique ou quasi. J'ai vu cette pièce hier soir et...

Par

le 11 oct. 2013

49 j'aime

6

En attendant Godot
Karrie
8

Critique de En attendant Godot par Karrie

Certains hommes sont cruels. Mon ancien prof de théâtre l'était. Et l'est toujours. Cet immonde salopard nous a imposé de regarder son adaptation d'En attendant Godot alors que nous avions tout juste...

le 13 mai 2011

31 j'aime

8

En attendant Godot
amarie
8

Critique de En attendant Godot par amarie

4 - merci à mrs chan pour cette suggestion En attendant Godot est une pièce étonnante, déstabilisante, amusante et pathétique. Ce mélange de sentiments est du au faite que l'on ne sait pas. On ne...

le 11 mai 2014

18 j'aime

3

Du même critique

Cinquante Nuances de Grey
Karrie
2

J'ai besoin de brainbleach, bébé.

Critique garantie NSFW, et prolongée. Oh boy. Quand même, y a un souci au niveau de l’égalité des sexes dont il FAUT parler, aujourd'hui : si ces messieurs n’ont pas le droit de lire Playboy en...

le 14 nov. 2012

164 j'aime

17

The Big Bang Theory
Karrie
8

Être ou ne pas être geek... en fait on s'en fout.

Qu'on se le dise : TBBT, ça s'explique avant tout par l'explosion de la tendance "geek=chic". Ca reprend en masse les clichés sur les geeks pro en science, en informatique, fan de Star Wars, Star...

le 21 nov. 2011

161 j'aime

56

Fallout: New Vegas
Karrie
9

Fallout 3 a enfin vu le jour

"War. War never changes." La phrase d'intro non plus. Je t'aime, Pearlman. Après le relativement moyen Fallout 3, j'étais sur les chapeaux de roue avec New Vegas. Le retour sur la côte Ouest et le...

le 3 janv. 2011

149 j'aime

86