Saul Karoo est un écrivaillon qui connait un grand succès dans le monde du cinéma en reprenant des scénarios mal ficelés, maladroits et ayant besoin d’un bon coup de pouce : un nègre d’Hollywood. Un expert dans le domaine. Côté humain, le constat est nettement moins élogieux : en instance de divorce et père très maladroit ne parvenant pas à vivre une relation normale avec Billy, son fils adopté à la naissance. Un inadapté en relations humaines qui fume comme un pompier.
Et pour se consoler, ce quinquagénaire n’a même pas les ressources de l’enivrement : alcoolique notoire, Karoo ne ressent plus les effets de l’alcool. Quelque-soit les quantités absorbées. Toutefois, pour ne pas déstabiliser son entourage, il fait toujours exactement ce qu’on attend de lui. Il feint l’ivresse : les siens ne comprendraient pas cette soudaine sobriété.
Plein de bonnes intentions, Saul est toutefois incapable d’aller au bout de ses convictions. Par faiblesse, par lâcheté. Et lorsque Jay Cromwell, le producteur le plus puissant du pays, lui fixe un rendez-vous, Karoo qui le tient pour un requin dénué de sentiment est bien décidé à lui dire son fait. Mais une fois en face de l’homme, il se fait agneau, l’écoute et rit à ses bons mots. Le rebelle se fait ami de vingt ans et accepte de réécrire le chef-d’œuvre d’un artiste du grand écran : Arthur Houseman.
Alors qu’il visionne le film, Saul découvre dans une actrice de troisième rôle la mère biologique de son fils Billy. Il est aussitôt fasciné et n’a plus d’autre idée en tête que de rencontrer cette jeune femme avec laquelle il débute une liaison. Fidèle à sa vie de fuite, il ne dit pas à Leila qui il est réellement et quels liens les lient, Billy et elle. Il choisit de se taire… pour le moment. Il leur révélera la vérité. Plus tard. Toujours plus tard.
Et bien trop tard car Leila et Billy tombent amoureux…
D’abord, Saul Karoo m’est apparu comme un type peu sympathique. Un gars cynique, maniant l’ironie avec brio. Puis, le lecteur que je suis s’aperçoit que l’homme est un désespéré qui ne parvient pas à lier une relation normale avec quiconque. On éprouve pour lui une certaine empathie : l’homme est presque touchant. Mais je me suis lassé. Son manque de réaction, son enfermement m’irrite. Il est certain de se diriger droit dans le mur à pleine vitesse. Mais redresser la barre serait un effort trop important, aussi décide-t-il de se persuader de sa bonne action et de poursuivre son chemin. Niant la catastrophe inéluctable.
Une écriture très facile à lire, très belle, dans laquelle on s’immerge petit à petit. Mon entrée dans cette histoire fut progressive, mais jamais totale. Ou alors pas longtemps. Car la folie de Karoo qui devient manifeste dans la seconde moitié du livre. Manifeste et dérangeante pour terminer en délire mystique. Des longueurs durant lesquelles Karoo est heureux de la surprise qu’il va faire à son fils et à son amie en leur apprenant qu’ils sont mère et fils. Radieux à l’idée de reconstruire une famille unie et, ainsi, de rattraper ces années d’absence durant lesquelles il ne s’est pas occupé de son enfant. Pour une surprise, c’est évident, ça va être une surprise ! Karoo jubile, et cherche à prolonger cette joie. Et l’auteur, lui, étire les réjouissances.
Un bon moment de lecture mais entaché d’un certain malaise.