Il est évident qu'en 1 000 pages, on trouve parfois quelques conneries. Je ne vais pas remettre en cause le système économique qu'il aborde (surtout dans une simple critique), je vais plutôt mettre en avant quelques éléments absurdes ou amusants (Oui c'est facile parce que j'ai un recul de plus de 60 ans alors que lui ne l'avait pas, et alors ?)

Sur la motivation au travail, Mises dit : « Le seul moyen d'amener un homme à travailler plus et mieux est de lui offrir une récompense plus forte. Il est vain de l'appâter avec la joie du travail. » On sait depuis que c'est tout à fait faux. L'argent n'est pas le meilleur moteur pour motiver quelqu'un. A voir sur le sujet : http://www.ted.com/talks/lang/fr/dan_pink_on_motivation.html

Concernant la demande de travail : « La liberté de l'homme en régime capitaliste est un effet de la concurrence. Le travailleur ne dépend pas du bon plaisir d'un employeur. Si son employeur le renvoie, il en trouve un autre17 . Le consommateur n'est pas à la merci du marchand. » Votre patron vous agace ? Démissionnez pour en trouver un autre ! :thumbup:

Concernant la soi-disant élite financière qui domine le monde : « Des démagogues caricaturent cet état de choses de la façon la plus grossière. Ils nous disent que ces associations de financiers et d'industriels sont les vrais gouvernants de leur pays, et que tout l'appareil de ce qu'ils appellent le régime « ploutodémocratique » est dominé par eux. Une simple énumération des lois promulguées dans les dernières décennies suffit à réduire à néant de telles légendes. » Oh oui, tiens, énumérons toutes les lois qui ont été votées pour réguler le milieu financier (ou pas, précisément).

Sur les inégalités : « L'égalité des chances n'est un facteur présent ni dans les assauts de boxe ni dans les concours de beauté, ni dans un quelconque domaine de compétition, qu'il soit biologique ou social. L'immense majorité des gens sont, par la structure physiologique de leur corps, dénués de toute chance d'obtenir les honneurs d'un champion ou d'une reine de beauté. Un très petit nombre de personnes peuvent concourir sur le marché du travail des chanteurs d'opéra ou d'étoiles de cinéma. La situation la plus favorable pour concourir dans le champ des découvertes scientifiques est celle fournie aux professeurs d'université.  » La nature a fait en sorte que nous naissons inégaux, c'est donc normal que cela se retrouve dans la structure sociétale. Et celui qui ose dire que les inégalités en apparence biologiques sont en réalité le fruit des influences sociales ira au goulag !

Sur les pulsions : l'humain peut « dominer tant ses désirs sexuels que son vouloir-vivre ». C'est pour ça que les agressions sexuelles n'existent pas dans notre monde, tout individu étant pleinement capable de se maîtriser entièrement.

Sur la publicité (elle est longue mais c'est l'une des meilleures) : "La publicité commerciale doit encombrer la vue, clamer son message sans retenue. C'est son but que d'attirer l'attention des gens à l'esprit lent, d'éveiller les désirs latents, de persuader aux gens de remplacer par du nouveau les routines traditionnelles auxquelles on tient par inertie. Afin d'être efficace, la publicité doit s'ajuster à la mentalité des gens qu'elle courtise ; elle doit se plier à leurs goûts et parler leur langage. Si la publicité est criarde, tapageuse, vulgaire, si elle jette de la poudre aux yeux, c'est que le public ne réagit pas à des suggestions polies. C'est le mauvais goût du public qui force les annonceurs à faire des campagnes de publicité de mauvais goût. L'art de la publicité est devenu une branche de la psychologie appliquée, une discipline sueur de la pédagogie. Comme tout ce qui tend à plaire aux masses, la publicité répugne aux gens de tact. Cette répugnance influe sur la façon de juger la pratique publicitaire. La réclame et toutes les méthodes de la promotion commerciale sont condamnées comme l'une des plus choquantes excroissances de la concurrence illimitée. Cela devrait être interdit. Les consommateurs devraient être instruits par des experts impartiaux ; les écoles, la presse « non partisane », et les coopératives devraient remplir cette fonction." Et en plus le bougre se permet de conclure par : "Limiter le droit des hommes d'affaires à recourir à la publicité pour faire connaître leur produit serait restreindre la liberté des consommateurs, de dépenser leur revenu selon leurs besoins et désirs propres." Elle est pas mal hein ? Et genre, les individus (qui ne sont réduits qu'à leur qualité de consommateur), n'ont par contre aucun droit à souhaiter être libre de toute pollution visuelle ou sonore. Parce que oui, la liberté ça marche dans un sens mais pas dans l'autre.

Faut savoir aussi que sur plusieurs centaines de pages (tout au long du bouquin en fait), Mises nous montre en long et en large que les marxistes et socialistes sont vraiment des salauds qui font de la propagande, qui mentent et qui n'ont aucune morale. A cause d'eux - c'est dégueulasse ! - les gentilles personnes qui veulent un marché non entravé sont lésées et opprimées. Je caricature mais c'est vraiment ça. Surtout à la fin (j'ai failli mettre un 5 à cause de la fin), il dit que les professeurs d'université sont tous des enculés d'interventionniste qui endoctrinent les pauvres étudiants tous chamboulés. Être aussi horrible est moralement punissable, donc il faudrait les empêcher d'enseigner et de publier des revues universitaires. Là par contre je caricature pas, il dit réellement ça.

Finalement, est-ce que je conseille de lire ce bouquin ? Pas tellement. Il est tout à fait obsolète sur bien des points et hormis les règles économiques qui peuvent être utiles, le reste peut être trouvé en mieux, en plus complet et en plus actuel ailleurs. D'autant plus qu'il y a une version allégée de ce pavé.

Pour finir, voilà ce que dit Mises sur notre monde actuel :

« Nous pouvons tenter d'imaginer la situation au sein d'un monde où tous les facteurs matériels de production seraient si complètement utilisés qu'il n'y aurait aucune occasion d'employer tous les hommes, ou de les employer dans la mesure où ils sont disposés à travailler. Dans un tel monde, il y a abondance de main-d'oeuvre ; augmenter les effectifs au travail ne peut augmenter si peu que ce soit la production totale. Si nous supposons que tous les hommes ont la même capacité et la même application au travail, et si nous écartons du tableau l'indésirabilité du travail, dans un tel monde le travail ne serait pas un bien économique. Si ce monde était une république socialiste, un accroissement des chiffres de population serait considéré comme un accroissement du nombre de consommateurs oisifs. Si c'était une société de marchés, les taux de salaires payés seraient insuffisants pour ne pas mourir de faim. Les personnes à la recherche d'un emploi seraient prêtes à travailler pour n'importe quelle rémunération, si basse qu'elle soit, même insuffisante pour assurer leur survie. Elles seraient heureuses de retarder un moment la mort par inanition.  »

Pas mal, mmh ?
Naoki38
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le 2 mars 2014

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