Comme entendu dans la salle 101 la préface est sujette à caution. Toujours est-il que le parallèle introduit par Moorcock entre cette "Epée brisée" et le "Seigneur des Anneaux" est frappant pour un néophyte de la fantasy.
Un seigneur Elfe remplace un nouveau né humain par une créature qu’il a créé lui-même en procréant avec une prisonnière Troll. Partant de cet événement qui tient lieu de péché originel, l’histoire nous conte la guerre entre Elfe et Troll avec leurs alliés respectifs par le prisme de la rivalité entre ces deux enfants devenus hérauts et rivaux dans chacune des armées, sans avoir conscience des liens qui les unissent vraiment.
Bien évidemment l'ambition des deux romans est différente et là où Tolkien crée autant un monde qu'une aventure, les descriptions de Poul Anderson se font succinctes sur cette Angleterre imaginaire parcourue de créatures fantastiques. Les ingrédients communs sont nombreux, artefact magique central à l'histoire, alliances anciennes entre les peuples, présence de tout le bestiaire traditionnel (orque, elfe, gobelin, troll, nain et Cie).
Un des points important qui différencie « l’Epée brisée » du « Seigneur des Anneaux » est qu'Anderson place sont récit habilement en parallèle du monde des hommes. Les passerelles entre les deux existent mais tous ne les voient pas. Cela participe à donner à une fantasy avec des ingrédients proches, un ton et un traitement qui semble plus "historique".
Résolument très adulte l'Epée brisée n'épargne ni inceste ni violence imagée. Éventrations et décapitations sont au menu là où Tolkien nous propose des guerres « propres » dans mon souvenir. De même, les personnages sont plus sombres et moins manichéens.
Malgré sa relative brièveté, on peut cependant regretter un essoufflement après le milieu du roman où les batailles un peu vaines s’enchaînent sans réel intérêt et il tarde au lecteur que le "héros" - enfin celui qui y ressemble le plus - commence enfin à réaliser la prophétie et son destin ...
Le découpage du livre en fait un véritable page-turner, Anderson règle son récit comme un horloger. Les chapitres s’enchaînent en ayant quasiment tous la même longueur, en ayant une situation de départ et de fin, on peut regretter l’absence de toute inventivité dans la construction, mais quelle redoutable efficacité.
Pas un grand livre pour cette belle épopée, mais un plaisir certain de lecture : 8/10