[Critique valant pour l'ensemble de la chute d'Hypérion, les 2 tomes poche donc]

Hypérion avait une construction brillante. Par les histoires de chacun des pèlerins du Gritche était dessiné un univers cohérent et complexe, fait de multiples fils et entités qui avançaient chacun patiemment leurs pièces sur un grand échiquier galactique, poursuivant des buts plus ou moins occultes. En cela, Hypérion était une oeuvre d'exposition.

On comprend dès lors le changement de pied de la Chute d'Hypérion. La narration est segmentée en deux, entre d'une part le (nouveau) cybride de John Keats, propulsé narrateur, et d'autre part les pèlerins des tombeaux du temps.

Comme le titre l'indique, ce tome ne sera pas d'exposition mais de résolution: la chute suppose la rupture de l'équilibre cosmique patiemment décrit dans le premier volet. On était donc en droit d'attendre la résolution et l'explication de tous les fils patiemment tissés dans Hypérion.

Le pari n'est qu'à moitié atteint. Certes, le tome se résout d'une façon brutale mais grandiose; certes, les thématiques déjà abordées dans Hypérion sont traitées avec brio, même si elles ne sont pas radicalement nouvelles en science-fiction. Mais on a l'impression que Simmons s'est un peu perdu dans son propre univers.

Contrairement à la promesse de la quatrième de couverture, ni le rôle exact du gritche (ni surtout sa "mort") ni celui des pèlerins n'est totalement expliqué et justifié. Les histoires sont en vérité tellement entremêlées qu'il est difficile de distinguer ce qui relève de l'astuce scénaristique (il est très opportun que tel personnage se retrouve ici à tel moment) et du véritable propos du livre.

L'histoire des Intelligences Ultimes, par exemple, est redoutablement intéressant, de même que le concept esquissé de voyage (ou plutôt de glissement) dans le temps, mais les deux sont trop peu développés et l'aura de mystère qui flotte autour des concepts laisse finalement place à une franche migraine.

Autre point plus annexe que je critiquerai: les références fréquentes à la poésie ou la mythologie de notre époque. On sent bien que l'auteur est un grand fan de John Keats, par exemple, mais la présence de ce poète en particulier est totalement injustifiée. De même que les références incessantes au judaïsme à travers le personnage de Sol Weintraub ou, dans une moindre mesure, à la mythologie olympienne.

Peut-être est-il arrivé à Dan Simmons ce qui arrive à trop de scénaristes de séries télé: à force d'ouvrir trop de pistes, il devient impossible de toutes les conclure de manière complètement satisfaisantes. Le cycle d'Hypérion reste un grand cycle de science-fiction, mais aurait gagné à se disperser un peu moins pour creuser les problématiques qui sont à son coeur. Le rapport de l'Homme à la technique (avec les IA et les distrans) et à la nature (avec les extros) sont ainsi à mon sens les thématiques les plus intéressantes, mais elles restent noyées dans une grande masse foisonnante.
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le 9 juin 2014

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