Luxuriance de l'écriture pour de sublimes variations autour de l'inéluctable fuite des Hommes et du

Ne vous fiez pas à la 4ème de couverture, ce roman ne narre pas l’histoire de 2 amis qui reprennent un bar en Corse, il ne fait que s’en servir pour illustrer sa réflexion sur les Hommes, leurs Civilisations et le Temps, pour prouver au cours d’une formidable démonstration que ni la grande question de la condition humaine ni les réponses que les Hommes s’échinent à lui apporter n’ont changé depuis des siècles.

La luxuriance et la beauté de l’écriture de Jérôme Ferrari n’oublient jamais d’être au service d’un propos, si bien que l’auteur fascine par sa capacité à être généreux et précis à la fois. Malgré les apparences, son récit ne connaît aucune digression, chaque phrase semble pesée et apporte sa pierre à l’édifice de sa réflexion, chaque personnage est là pour une raison et apporte sa sensibilité dans laquelle celle des autres personnages va alors briller d’une nouvelle lumière.
A l’aise dans le registre châtié quand il s’agit d’exprimer de grandes idées et de beaux sentiments, comme dans le registre familier des discussions de comptoir voire carrément vulgaire lorsque ses personnages sortent de leurs gonds, l’écriture de Ferrari n’est jamais prise en défaut et se savoure sans modération, notamment lors de délicieuses descriptions qui m’ont fait pouffé de rire à de nombreuses reprises.

L’ingéniosité avec laquelle il met les propos de St Augustin au service du décryptage d’une histoire bien contemporaine – pour dénoncer la lâcheté, les faux-semblants d’une vie apparemment pleine et heureuse, les renoncements à des principes essentiels qui nous définissent devant le déclin d’un monde matériel dont on pensait qu’il était seul à leur donner du sens – lui permet d’étayer son propos intemporel tout en jouant justement sur des références bibliques, comme si on nous lisait une parabole et son explication en même temps.

Le dernier paragraphe reprenant une bonne partie du sermon sur la chute de Rome d’Augustin D’Hippone (et ingénieusement contrebalancé dans les dernières lignes du roman) vient clore magistralement cet essai sur l’Homme et le Temps, sur la douleur de voir s'effondrer l'ouvrage d'une vie, la fatalité de savoir que certaines joies n'existent que dans le cœur de ceux qui les portent et qu'elle disparaîtra avec eux, sur le temps qui condamne certaines générations à n'être que l'ombre de ce qu'elles auraient pu être.
Mais un essai qui reste optimiste en rappelant toujours le devoir de ne pas se résigner devant cette fatalité, à ne pas se décourager devant la chute de nos Empires. Tant que notre foi en eux est intacte, ils vivront en nous.
Et si Saint-Augustin a douté sur la fin alors qu'il était aux gouffres de la mort, il appartient à chacun de décider si c'était par faiblesse ou raison.

Une vraie claque pour moi.
Ouaicestpasfaux
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le 26 août 2014

Modifiée

le 26 août 2014

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Ouaicestpasfaux

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