Entrer dans l’univers de Georges-Olivier Châteaureynaud, c’est pousser une porte qui n’est visible qu’aux yeux des attentifs, et pénétrer un domaine dont on s’éprend très vite, onirique et mystérieux, où les démons intérieurs et les fantômes viennent vous tarauder, un monde imprégné de l’étrangeté réelle ou rêvée de l’existence, où sont si bien rendus la nostalgie des temps disparus, l’amour des objets anciens et des lieux qu’on a habité.

Dans ce recueil de dix nouvelles (toutes de belles découvertes) paru en 1989, et réédité en 2005 par Zulma, mes coups de cœur furent pour la nouvelle éponyme, «Le Jardin dans l’île», car Georges-Olivier Châteaureynaud a un don pour évoquer le charme envoûtant des femmes que l’on croise parfois, ici une artiste peintre qui vit isolée sur une ile ; et puis «L’inhabitable» dont le héros «maudit», poursuivi par des expériences malheureuses de logements impossibles, pense avoir enfin trouvé la maison de ses rêves et, euphorique, signe la location et emménage sans même la visiter ; et enfin et surtout «Le courtier Delaunay», témoignage du talent de l’auteur pour raconter une histoire construite essentiellement sur tout ce qui n’y est pas dit. Dans cette nouvelle, un antiquaire, intrigué par l’habileté de son courtier à dénicher les objets les plus improbables désirés par ses clients, n’a de cesse que de découvrir son secret.

«Sans me vanter, j’ai connu des moments difficiles. Si j’en faisais le compte, les bas, dans ma vie de locataire, l’emporteraient de beaucoup sur les hauts. Ainsi, j’ai habité quelque temps dans les flammes. Allons, j’exagère ! Il ne s’agissait que de flammèches, mais c’était tout de même agaçant. À toute heure du jour ou de la nuit, des débuts d’incendie éclataient chez moi, spontanément, ici ou là, derrière un tableau, au fond d’une penderie, sous une chaise, dans la panière à linge… Mes affaires n’étaient nulle part à l’abri. Combien de fois me suis-je retrouvé sans un sou, combien de fois ai-je du faire refaire mes papiers d’identité, parce que mon portefeuille s’était consumé avec mon pardessus, pendant mon sommeil ? A l’instant de m’habiller, je trouvais mon pantalon brûlé jusqu’aux genoux, mes chemises à demi calcinées, mes souliers racornis et cloqués, mes gants en cendres au fond du tiroir où je les serrais. Ma vie était un enfer en miniature ; je sentais perpétuellement le roussi, j’étais roussi moi-même !» (L’inhabitable)

Sous la plume de Georges-Olivier Châteaureynaud, chaque nouvelle est un nouveau rêve alors pourquoi s’arrêter de rêver ?
MarianneL
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le 16 janv. 2014

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