« J'ai été cordialement invité à faire partie du réalisme viscéral. Évidemment, j'ai accepté. Il n'y a pas eu de cérémonie d'initiation. C'est mieux comme ça. »

Dans la première partie de ce livre « Mexicains perdus à Mexico (1975) », Juan Garcia Madero, étudiant en droit contre son gré et poète dans l'âme, est invité à faire partie du mouvement des poètes réal-viscéralistes, dont on ne sait pas vraiment en quoi il consiste.
Il nous raconte sa rencontre avec les membres de ce mouvement poétique obscur, sa découverte des femmes, du sexe, dans un récit sous forme de journal plutôt déconcertant, dans lequel le narrateur comme le lecteur semblent un peu perdus. L'action s'accélère dans les dernières pages de cette partie avec le sauvetage d'une prostituée, Lupe, des griffes de son maquereau et sa fuite de Mexico avec le narrateur et les deux figures du mouvement du réalisme viscéral, Arturo Belano et Ulises Lima.

Dans la deuxième partie « Les détectives sauvages (1976-1996) », des témoins racontent des épisodes de leur propre vie, lorsqu'elle a croisé celles de Arturo Belano, double littéraire de Roberto Bolaño, ou de Ulises Lima, ainsi que de Cesarea Tinajero, poétesse inconnue fondatrice du mouvement réal-viscéraliste. Inracontables récits qui s'enchâssent et se recroisent, innombrables chapitres très drôles, tragi-comiques ou dramatiques, parmi lesquels ce duel à l'épée entre Belano et un critique littéraire sur une plage espagnole, la disparition de Ulises Lima lors d'un voyage de poètes au Nicaragua, la rencontre avec l'arrière petite-fille de Trotski ou bien celle entre un journaliste et Belano dans le chaos du Libéria.

« ... et non pas elle, jamais elle, l'idiote, la stupide, l'innocente, celle qui est arrivée trop tard, celle qui s'intéresse à la littérature sans s'imaginer les enfers qui se cachent derrières les pages pourries ou immaculées, celle qui aime les fleurs sans savoir que dans le fond des vases vivent des monstres, celle qui se promène dans la Foire du livre et me traîne, celle qui sourit aux photographes qui me visent ...»

Un texte extraordinaire, écrit comme au fil des pensées ou des visions de tous ces témoins, prouesse littéraire qui ne laisse rien paraître des efforts de l'auteur pour le sculpter et retranscrire ainsi le flottement des vies, l'incertitude, les chemins non tracés, l'angoisse, l'absurdité et l'imposture de la vie, à moins que ce ne soit celle de la littérature.

Dans la dernière partie « Les déserts de Sonora (1976) », Madero à nouveau narrateur raconte comment Belano, Lima, Lupe et lui-même sillonnent les routes de l'état de Sonora à la recherche des traces de Cesarea Tinajero.

« Nous avons tous peur de faire naufrage ».
Les détectives sauvages est un grand livre dans lequel on peut facilement se noyer.
MarianneL
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le 13 mars 2012

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MarianneL

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