«Les soldats de la mer» sont les traces de la construction d’un empire - La fédération -, chroniques anciennes longtemps interdites, maintenant devenues un objet d’étude pour les historiens, un véritable trésor sur lequel, heureux lecteur, vous aurez une chance inouïe de tomber si vous réussissez à vous procurer cet ouvrage (heureusement disponible dans les très bonnes librairies).

On suit dix-sept histoires, destins individuels ou d’un groupe de soldats devenus légendaires, au fur et à mesure de l’extension de La Fédération au prix en général de conflits militaires, en suivant l’avancée des troupes de dragons, grenadiers, fusiliers, chevau-légers …

Les consonances des noms, les tenues des soldats, nous suggèrent l’Europe de l’époque des conquêtes napoléoniennes, mais quand la nuit se lève, deux lunes éclairent le ciel, fantômes et vampires surgissent de l’ombre, le silence se rebelle, la magie noire devient réalité, et la chronique militaire devient conte fantastique.

D’une très grande habileté, la révélation du dernier récit vient cimenter l’ensemble de livre magnifique, qui porte en lui l’héritage de Borges, Buzzati, Perutz et de tous les grands du romantisme noir.
Je ne veux pas ici commenter les dix-sept récits (et je vous invite pour cela à lire la très belle chronique de Nébal : http://nebalestuncon.over-blog.com/article-les-soldats-de-la-mer-d-yves-et-ada-remy-56913078.html) mais dire que, dans ce chef d’œuvre, certains récits vous transportent tellement loin qu’il faudrait changer de langage, et sans doute de monde, pour pouvoir en parler avec des mots justes (et en particulier pour moi : "Enfants perdus, perdus", et "Chut ! Mon lieutenant").

En refermant « Les soldats de la mer », j’ai rêvé que j’étais une enfant ; devant la fenêtre de ma chambre éclairée par deux lunes, Yves et Ada Rémy venaient au pied de mon lit me conter des histoires, pour me faire peur et pour me faire rêver.

«Comme la sente s’enfonçait indéfiniment dans ce triste décor aux arbres nus et rongés sous le froid dédain des lunes blanches, un étrange malaise s’empara de Darcy.
-Mon capitaine, finit-il par dire, nous nous serons égarés. Cette forêt marécageuse, ces troncs d’arbre pétrifiés et noirs, ce silence… Est-ce bien là la forêt d’Habbam ?
Silenter haussa les épaules ; une indéfinissable contrainte fixait sa main droite sur la crosse de son pistolet.»
(Enfants perdus, perdus)
MarianneL
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le 19 mai 2013

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MarianneL

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