Lolita
7.9
Lolita

livre de Vladimir Nabokov (1955)

Chef d'oeuvre littéraire recherche personnage principal qui ne provoque pas le dégoût...

Humbert Humbert est un intellectuel.
Humbert Humbert est un poète.
Humbert Humbert est un grand romantique.


Mouais, en fait, Humbert Humbert est surtout un sacré dégueulasse !


Paumé entre l'Europe et les Etats-Unis des années 40, il traine ses basques entre des jobs de tuteur et des séjours en hôpitaux psychiatriques. Un mariage raté, une absence d'intérêt pour quoi que ce soit, et surtout une obsession le hantent. Voyez-vous, H.H. ne s'est jamais remis de la mort de son amour d'enfance, Annabel, et s'est mis en tête de la retrouver. Ou en tout cas de trouver celle qui pourra la remplacer. Rien d'autre ne saurait avoir de goût, toute autre entreprise au mieux l'ennuie et au pire le déprime. Le problème étant que lui devient un homme, tandis que l'objet de sa recherche conserve la forme d'une jeune fille de 12-13 ans... Il s'étiole ainsi, vivant une vie malheureuse, jusqu'au jour où il rencontre Lolita, la fille de sa logeuse, 12 ans. Elle devient le centre de tous ses rêves, et il fomente un plan pour la rendre sienne...


Soyons clair : le personnage est répulsif. Sûrement le plus dérangeant qu'il m'ait été donné de côtoyer dans un roman. Il a développé un système, une définition pour parler de jeunes filles plus vraiment enfants, mais pas encore adultes : les nymphettes. Il est malade, au sens le plus clair du terme, un véritable psychopathe. Engagé dans une poursuite qui s'apparenterait bien plus à la traque compulsive et maladive, la bave aux lèvres, d'une baleine blanche qu'à la reminiscence innocente d'un gâteau de son enfance, Humbert est un être proprement immonde.


Et Lolita dans l'histoire ? Manipule-t-elle Humbert, ou est-elle sous son joug tout du long ? Sans dévoiler de points d'intrigue, Lolita est presque accessoire. Cela pourrait être n'importe quelle autre enfant pour Humbert, tant qu'elle possède ce 'halo' si important pour lui. Elle n'est principalement décrite qu'en rapport avec le protagoniste, sa personnalité n'a d'importance que dans son rapport avec le 'héros'.


Lolita a fait scandale et fait toujours scandale dans une certaine mesure, vu par beaucoup comme une apologie de la pédophilie. Le plus dérangeant est selon moi l'esprit scientifique avec lequel le personnage (et donc l'auteur) a défini le concept de "nymphette." Un certain âge, un certain "je ne sais quoi" : Humbert peut au premier coup d'oeil définir si une petite fille est une nymphette ou non. Il a développé avec les années des points de référence, des repères, des critères objectifs... C'est un monstre qui sait exactement ce qu'il fait, qui sait que ses penchants sont plus que honteux.
M'est venu à l'esprit lors de cette lecture une comparaison avec le film "Léon" :


Dans ce dernier, le protagoniste prend sous son aile une jeune fille ayant environ le même âge que Lolita, et développe des sentiments mi-paternels, mi-amoureux à son égard. Mais à aucun moment il ne désire, ni même ne comprend ces sentiments. Il est perdu, est presque un enfant lui-même, dépassé par des émotions qu'il ne maîtrise pas du tout. En revanche, Humbert réfléchit, calcule, et planifie. Il est clinique dans ses observations et ses choix. Et là où l'on ressent une profonde tristesse pour Léon, on ne peut qu'être profondément dégoûté par Humbert.


Alors pourquoi lire Lolita ? Et surtout, pourquoi cette note de 8/10 ?


Ouverture du roman :



Lolita, light of my life, fire of my loins. My sin, my soul. Lo-lee-ta: the tip of the tongue taking a trip of three steps down the palate to tap, at three, on the teeth. Lo. Lee. Ta.



Nabokov écrit merveilleusement bien. C'est évocateur, poétique, travaillé... La force des mots est parfaitement retranscrite, aussi bien dans les dialogues, éclaboussés d'un humour acerbe et juste, que dans la description de l'Amérique des années 1940, de motel en diner. Le tout saupoudré de jeux de mots et de sorties poétiques récurrents. Le style est vraiment plus qu'agréable, il commande une seconde lecture de certains passages pour en apprécier les subtilités. Et surtout, il donne une raison de continuer à lire le récit de cet odieux personnage. Un véritable plaisir de lecture !


Reste que, lors de cette lecture printanière, après quelques regards de travers lorsque j'allais lire en public, dans un parc par exemple, je faisais bien attention de poser le livre bien horizontalement, couverture sur les genoux...
Vais peut-être m'acheter un kindle, en fait, si je décide un jour de lire Mein Kampf...

VincentCourson
8
Écrit par

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le 29 juin 2016

Critique lue 330 fois

Vincent Courson

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