- Madame Bovary, c'est moi !
La bouche tremblante, les yeux hagards, ma professeur de français de 1ère avait réveillé la classe en psalmodiant la célèbre phrase de Flaubert. Classique parmi les classiques, monument national, l'ouvrage suscite une telle attente chez le lecteur que c'est avec une certaine appréhension que je l'abordai.
Sur la forme, Madame Bovary ne faillit pas à sa réputation. Le style de Flaubert est effectivement une partition surtravaillée, fluide, riche d'un lexique hors-norme. La qualité des descriptions psychologiques saisit le lecteur. Nous sommes confrontés à des personnages du quotidien, pour lesquels nous éprouvons tour à tour de l'attachement et du mépris. Emma ne laisse pas indifférent, emportée malgré elle dans la valse de ses émotions. Tout d'abord naïve, puis déçue, attachante dans ses atermoiements, énervante ensuite par ses enfantillages, tout à coup sensuelle, désinvolte, toujours rêveuse égarée dans ses illusions. L'enracinement maniaque de l'œuvre dans son époque parachève le réalisme dans lequel s'inscrit le livre.
La fin sanctionne une vie pleine de brumes éthérées enchaînée à une matérialité refoulée. Ce qui renvoie de façon anachronique à une vision absurde de notre condition terrestre, Flaubert agitant comme des marionnettes qui se conspuent Dieu et la science, sans nous accorder la moindre sortie enviable. Les rêves inachevés sont légions, Emma et ses petits arrangements ne sont pas si éloignés des nôtres. Désespérant ? Certainement, comme un jour de pluie en Normandie.
Le seul hic était dû mon édition Livre de Poche. Les notes de bas de page abondent telles des chiures de mouches, pour généralement indiquer que Monsieur Flaubert avait rayé tel passage, rétabli tel autre ou s'était attardé sur tel mot. Des distracteurs pénibles, voilà tout.