Thomas Piketty, vous en avez surement entendu parlé ces dernières semaines. Il est partout, au Grand Journal, au Petit Journal, où on ne lui laisse même pas finir une phrase (parce que ''Vous n'ont plus vous n'aimez pas payer vos impôts, hein vous n'aimez pas, hein ? Hein ? Hein ?''), chez Taddei, il a même du passer chez Pujadas, ça ne m'étonnerait pas. Ce qui est intéressant dans son cas, c'est qu'il s'agit d'un véritable économiste universitaire, reconnu dans son domaine, et avec une liste de publications longue comme le bras (pour les amateurs, vous pouvez regarder là : http://ideas.repec.org/e/ppi17.html).

Environ 3 ans avant son pavé retentissant, ''Le capital au XXIe siècle'' (http://www.senscritique.com/livre/Le_capital_au_XXIe_siecle/10416248) et quelques mois avant les élections présidentielles, Camille Landais, Thomas Piketty, et Emmanuel Saez (on oublie trop souvent ses co-auteurs) sortent un petit précis, une proposition de révolution fiscale. Ce livre offre l'intérêt essentiel de donner un nouvel éclairage au débat habituel sur les impôts (trop ou pas assez ? Trop, bien sur!). Partant du principe que les impôts, ce sont aussi des dépenses qui profitent au plus grand nombre, le point du combien est éludé, pour se focaliser sur la question du comment. Un petit ouvrage très simple et pertinent (nullement réservé aux spécialistes), reposant sur des constats et des propositions.

Parmi les constats :

- le fonctionnement de l'impôt sur le revenu est trop compliqué (tranches marginales, niches fiscales, quotient familial), et personne n'y comprend rien. De plus, cet impôt rapporte de moins en moins ;
- l'assiette de l'impôt est percée : niches fiscales nombreuses et dont l'impact n'est jamais évalué, revenus du capital presque totalement exonérés ;
- le quotient conjugal favorise les couples les plus inégalitaires, car il surtaxe les plus faibles revenus du couple, et donc réduit les incitations au travail du conjoint défavorisé au sein de ces couples ;
- le quotient familial est injuste, car il revient à ''financer'' d'avantage les enfants des familles aisées ;
- la notion de pauvres assistés est un mythe : les plus pauvres voient plus de 40 % de leurs revenus (transferts inclus) partir en impôts.

Ces points débouche sur une situation intenable : l'impôt en France est de nature régressive pour un grand nombre de ménages, c'est à dire que les impôts représentent une part plus importante du revenu pour les plus pauvres d'entre nous, alors que les ménages les plus aisés profitent des niches fiscales et de la faible imposition des revenus du capital (voir ici, par exemple : http://www.revolution-fiscale.fr/le-systeme-actuel/des-impots-progressifs-/11-un-systeme-fiscal-faiblement-progressifou-franchement-regressif-).

Face à ces constats, quelques propositions simples:

- mettre en place un impôt sur le revenu simplifié, progressif, à la source, et individualisé ;
- le faire porter sur l'assiette de la CSG (impôt déjà existant, proportionnel, et prélevé à la source), qui a l'avantage d'être plus large que celle de l'impôt sur le revenu actuel. En particulier, même si cette assiette n'est pas parfaite, un certain nombre de revenus du capital sont pris en compte ;
- suppression des niches fiscales, toutes les niches fiscales. Seront rajoutées celles qui pourront justifier d'un impact globalement positif, ce qui n'est à ce jour le cas d'aucune d'entre elles;
- l'individualisation de l'impôt permettrait d'éviter les incitations perverses à la moindre activité du conjoint le plus défavorisé des ménages inégalitaires ;
- abolir le quotient familial, pour privilégier une politique familiale forfaitaire, qui permettrait ainsi d'éviter qu'un enfant de famille aisée rapporte plus à ses parents (et coute d'avantage à l'Etat), qu'un enfant de famille pauvre.

Pour ceux qui seraient tentés de taxer (ahah) les auteurs d'anti-riches, ceux-ci proposent de surcroit un certain nombre de taux d'imposition possibles, par niveau de revenu. Leur but est ainsi de montrer que la révolution fiscale qu'ils proposent devraient pouvoir rencontrer un consensus suffisamment fort.

À l'heure actuelle, les politiques ont bien parlé de ''rapprocher l'impôt sur le revenu de la CSG'', sans préciser exactement ce que cela veut dire. Surtout, il semble bien que cette réforme soit plus ou moins enterrée. Pourtant, à l'heure d'une défiance de plus en plus massive des français devant l'impôt, ressortir cette révolution fiscale des cartons pourrait constituer un ''choc de simplification'' et une remise à plat salvatrice.

Pour aller plus loin, voire jouer au Ministre des Finances : http://www.revolution-fiscale.fr/
Philippe_Delaco
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le 10 juin 2014

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Phil Dela

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