Le Livre d'Hénoch

"Lorsque les enfants des hommes se furent multipliés dans ces jours, il arriva que des filles leur naquirent élégantes et belles.
Et quand les anges, les enfants des cieux, les eurent vues, ils en devinrent amoureux ; et ils se dirent les uns aux autres : choisissons-nous des femmes de la race des hommes, et ayons des enfants avec elles.
Et ils se choisirent chacun une femme, et ils s'en approchèrent, et ils cohabitèrent avec elles ; et ils leur enseignèrent la sorcellerie, les enchantements, et les propriétés des racines et des arbres.
Et ces femmes conçurent et elles enfantèrent des géants…"

Alors, ma critique portera exclusivement sur la saison 3, les deux premières saisons étant sympathiques, mais n'atteignant pas selon moi le niveau de la 3ème saison que je conseille très fortement, si ce n'est en hurlant.

Alors déjà, des personnages féminins, beaucoup de personnages féminins (oui!) qui entretiennent entre elles des relations riches et complexes qui ne tournent pas autour d'un ou plusieurs personnages masculins. Bechdel Test remporté haut la main. MERCI !

Ensuite, un univers de sorcelleries tout à fait captivant, la Louisiane, le vaudou, Salem, new age wicca on nous a fait la totale, il y en aura pour tous les goûts. Les enjeux politiques des USA sont effleurés, racisme et ségrégation raciale, esclavage et Ku Klux Klan, multinationales néo-libérales tentaculaires incarnant un pouvoir masculin injuste et mortifère qui s'oppose à la violence indomptée de ces sorcières déchaînées incarnant une Nature d'une puissance terrorisante.
Un ballet gracieux de mort et de renaissance qui nous donne à voir une métaphore du cycle de la vie, incarné par l'affrontement entre principe féminin et masculin s'enlaçant tantôt avec amour, tantôt avec une haine féroce.

Un focus intéressant sur les enjeux de la filiation.
Les relations père-fils scellées par le meurtre et l'apprentissage de la froideur affective et de la cruauté exercés sur les femmes apparaissent comme une critique de la domination masculine. La filiation mère-fille construite sur une rivalité dévorante et un rejet très ambivalent de la "remplaçante" donne quant à elle à voir les effets délétères de cette même domination sur la relation qu'entretiennent les femmes avec leurs filles. On ne se rattrapera pas avec les relations mère fils qui célèbrent l'inceste maternel et donnent à voir des mères monstrueuses, telles des mygales emprisonnant leurs fils dans leur toile en attendant de les dévorer s'ils leur prenait l'envie de s'échapper. Il ne manquera que la relation père-fille, qui ne sera elle, jamais abordée.

Pour conclure une série résolument féministe et intelligente. Les femmes sont des personnages complexes avec une vraie profondeur et des rôles qui leur permettent de démontrer une palette d'émotions et de sentiments sans commune mesure avec ce dont nous gratifient d'habitude les séries télés dont les personnages féminins sont généralement forcément jeunes, forcément belles et forcément amoureuses du héros... Cette petite saison apparaît comme un négatif de la représentation habituelle des genres, et rien que pour cela elle mériterait d'être vue !

Mais en plus, elle est drôle, elle est esthétiquement très réussie, et malgré une certaine noirceur, il y a quelques ilots de douceur et d'amour. Amours filial, sentimental et amical qui rendent cette petite série très émouvante. Enfin, elle célèbre tout de même la solidarité féminine comme prélude à un renouveau plein d'espoir, libéré de la domination masculine...