Aujourd'hui, nous partons à la découverte d'une mini série originale et au format pour le moins inhabituel. Une série d'anthologie qui va vous faire sortir (c'est peu de le dire) des sentiers battus que nous avons tous l'habitude d'arpenter à la télévision. Pour rappel, une série d'"anthologie" est une série dont chaque épisode constitue une histoire à part entière. Il n'y a pas de personnages récurrents et la trame des histoires suit un thème bien spécifique. Seul le narrateur ou la voix du narrateur sont des éléments récurrents de la construction d'une anthologie (ex. : "les contes de la Crypte", "Au-delà du réel", ou plus récemment "True detective").
"Black mirror" est donc une série d'anthologie britannique créée par Charlie Brooker et diffusée depuis le 4 décembre 2011 sur Channel 4. Oui, vous avez remarqué : la série a déjà 3 ans. Il se trouve que sa diffusion en France n'a débuté qu'il y a trois jours (sur France 4). Et c'est une chance car le travail de Charlie Brooker mérite que l'on s'y attarde.
Alors, je vous entends d'ici : "mais c'est qui, Charlie machin??"
Charlie Brooker, 43 ans, est un journaliste, scénariste et animateur britannique. Son style d'humour acide et irrévérencieux est caractérisé par l'intervention d'éléments surréalistes et d'un pessimisme satirique prononcé. Il écrit aussi pour le journal "the Guardian", et présente quelques émissions britanniques telles que "Screenwipe" (et consœurs). Il est également (ça vous parlera certainement plus) le créateur de la série "Dead set", une mini-série datant de 2008, composée de 5 épisodes au cours desquels des participants à Loft Story, en plein tournage, découvrent qu'hors des murs de l'émission, une horde de zombies est en train de ravager l'humanité.
Vous l'avez compris en lisant le pitch de "Black mirror" : on reste à peu de choses près dans le même thème puisque Brooker tente, d'une façon agressive et diablement assumée, de nous faire prendre conscience de notre dépendance à la technologie, et plus spécifiquement à l'image et aux écrans.
A ce jour, il existe deux saisons composées chacune de trois épisodes totalement indépendants l'un de l'autre, mais tenant tout de même le même propos dénonciateur. En ce qui me concerne, je n'ai visionné que les deux premiers épisodes de la première saison, mais à l'heure qu'il est, je dois dire que c'est une vraie gifle. Le premier épisode, traduit en français "l'hymne national", entame le propos de Brooker de façon édifiante :
L'Angleterre est en crise. Quelqu'un a enlevé la Princesse Susannah (personnalité royale comparable à Kate Middleton). Quelqu'un de très avisé qui a déjà diffusé la vidéo de la captive sur Youtube, ainsi que sur tous les réseaux sociaux de la planète. Pour rendre la jeune femme indemne, le ravisseur n'a qu'une seule exigence : que le Premier Ministre, Mickael Callow, ait un rapport sexuel consommé et complet avec... un porc, en direct de toutes les chaînes de télé britanniques. Tandis que l'opinion publique se mobilise à la vitesse de l'éclair, le cabinet du Ministre est apathique... Sujet on ne peut plus d'actualité. L'impact que les médias modernes peuvent avoir sur le moindre événement. La façon dont ces derniers manipulent la masse. Les conclusions dramatiques qu'ils peuvent engendrer...
Le second épisode "15 Millions de Mérites", est beaucoup plus fou et débridé. Mais aussi évocateur, sinon plus. Dans un futur indéterminé, au milieu de sa chambre aux allures de cellule, Bing passe son temps à pédaler sur un vélo d'appartement pour accumuler des crédits. S'il en réunit 15 millions, il gagne l'accès à la salle du casting d'une émission, ce qui lui permettra peut-être d'échapper à sa condition. Un jour, avec une jeune femme qui rêve de devenir chanteuse, il découvre ce qui se passe de l'autre côté du miroir : une société qui consomme les individus, les formate et les pousse à sacrifier leur intégrité sur l'autel de la célébrité grâce à une technologie de plus en plus sophistiquée...
Durant une heure, Brooker nous torture avec ce que l'on peut considérer comme une véritable hyperbole de notre société moderne, complètement déjantée et anxiogène, qui a le mérite de cogner là où ça fait mal. Bien qu'aucun comédien célèbre ne prenne part au casting, les acteurs en scène fournissent un travail de qualité, juste et équilibré, qui renforce la crédibilité du propos tenu ici.
Je n'en dirai pas plus, mais croyez-moi lorsque je vous dis que "Black mirror" est une mine d'or, au potentiel incroyable, et dont le ton aussi acerbe que savoureux ne pourra que combler cette part de nous-mêmes qui aimeraient rejeter un système médiatique corrompu. A regarder d'urgence!
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