Breaking Bad
8.6
Breaking Bad

Série AMC (2008)

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S'attaquer à la critique d'un film que l'on vient de faire, à chaud, est un tout autre exercice que celui d'avoir attendu 5 saisons avant de pouvoir se prononcer. Et en plus, il va clairement falloir les justifier, ces dix étoiles.

Déjà, je ne suis pas très série. J'en regarde, évidemment, un certain nombre, mais comparé à l'inventaire de beaucoup, autant dire que c'est minime. Et surtout très sélectif, m'arrêtant souvent au pilote même si en poussant un peu, ça devient très intéressant. Breaking bad fait, qui plus est, partie de celles que j'ai poussées un peu plus après ne pas avoir accroché, et ce par nostalgie envers Bryan Cranston, et surtout, le fait de me demander ce qu'il faisait là.

Celui que l'on avait pas vu depuis Malcolm in the middle (allez, faites vos malins en citant une oeuvre qu'il a fait entre et qui vous a marqué, et que vous avez surement vue après son regain de popularité !) a réussi à trouver le scénario qui allait lui faire jouer le rôle de sa vie. Parce que malgré le fait qu'on l'ait vu depuis sur des rôles tout aussi bien interprétés (on pense à Argo, Drive...) ou d'autres choses moins marquantes (Total recall...), Walter White, ça va lui coller à la peau.

Il faut alors repartir sur le concept de la série : un petit professeur de chimie de rien du tout, père modèle, va apprendre du jour au lendemain qu'il va mourir d'un cancer, et littéralement "péter un câble" (après tout, peu sont ceux qui resteraient calme face à ce genre de nouvelles). Il va utiliser ses connaissances scientifiques pour créer une drogue tellement pure qu'elle va lui apporter un gain financier qu'il n'imaginait pas. Appât du gain, arrogance et fierté qui interviennent, goût du pouvoir, tout cela va lui monter à la tête au jour où il apprend que son cancer s'est résorbé. A partir de là, tout va le dépasser, il va à la fois tenter de survivre mais devenir peu à peu quelqu'un d'inhumain, un génie du crime ignoble qui va malgré tout protéger les siens.

L'avantage de la progression de ce personnage, c'est qu'on a eu le temps de s'attacher à lui. D'abord père de famille qui essaie de faire survivre les siens en tentant de leur apporter suffisamment d'argent pour après sa mort, il va prendre goût à ce rôle de bandit, à ce jeu de chat et souris avec son beau-frère, travaillant aux Stups, à ce pouvoir qui augmente peu à peu. On sent un côté humain, qui est dépassé par ce qui lui arrive, se dit qu'il peut arrêter à tout moment, que tout est encore sous contrôle. Et au final, on adore Walter White, et on le déteste à la fois. Pour un rôle aussi complexe, passant par tous les stades d'émotions, il était quasi-inimaginable de se dire "c'est pour Bryan Cranston". Pourtant, on aura rarement vu un talent d'interprétation aussi pûr, aussi prononcé, tout est joué à la perfection, et l'acteur a atteint un côté "sans limite" qui on espère lui apportera nombres d'excellents rôles par la suite (Si Anthony Hopkins lui a envoyé une lettre de félicitations, c'est qu'on ne lui a pas inventé son magnifique talent).

Mais dire que Breaking Bad ne tient qu'à la performance de Bryan Cranston, ce serait ignorer le reste du casting, qui n'est clairement pas dédaignable. Bon, il n'est pas rare de voir de nos jours des castings de série excellents, cela fait maintenant un bon moment que ce milieu a gagné une qualité vraiment honorable, et on ne s'en plaint pas. Mais celui de Breaking bad a du être cornélien, et on ne remerciera jamais assez les responsables de casting de nous avoir offert Aaron paul, Anna Gunn ou le fantastique Dean Norris. Les personnages plus secondaires sont tous aussi très travaillés et interprétés à merveilles.

Maintenant, il faut aussi offrir une note d'honneur aux scénaristes, qui ont travaillé d'arrache-pied sans jamais fléchir une seule fois. Il n'y a pas un seul épisode de cette série qui n'est pas sa place. Là où certaines saisons flanchent, où l'on sent que certains épisodes pourraient être regroupés et ne pas nous faire perdre notre temps (prenons l'horrible saison 2 de Lost en exemple), il n'y a rien de cela dans Breaking Bad. Le milieu des séries a eu la bonne idée de réduire le nombre d'épisodes par saisons à celui que les scénaristes jugent nécessaires (au lieu de l'habituel 24) depuis quelques années, et c'est bénéfique dans beaucoup de fictions. Si donc ces 5 saisons ont été "modifiées" au fur et à mesure des tournages, on sait qu'elles ont été pensées au préalable, et qu'il était hors de question, depuis le début, d'aller plus loin. On sent donc qu'il y avait une liberté, une marge de manoeuvre, qu'on offert les producteurs, et qu'aucune pression n'a été faite pour rajouter du contenu et le lester de sa qualité.

L'ascension continuelle de la violence du propos, de la perte d'emprise des personnages, tout tient en haleine sans gros artifices, juste le fruit d'une scénarisation excellente qu'on aimerait voir plus souvent. Breaking Bad est donc une leçon de travail d'acteurs, de scénarisation et dialogues, et de mise en scène, elle aussi impeccable. Je crois rarement avoir écrit quelque chose d'aussi élogieux, même sur les fictions que j'ai pu adorer comme celle-ci. L'impression qu'il n'y a aucune ombre au tableau persiste, et je conclurai en disant que rarement il m'a été donné de voir un travail aussi minutieux sur un projet à longue durée (j'entends par là, autre qu'un film). Merci à cette fabuleuse équipe, à ces acteurs qu'on suivra de près, et, avant tout, à Vince Gilligan, qui est juste un génie.
ThierryDepinsun
10
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le 22 févr. 2014

Critique lue 575 fois

ThierryDepinsun

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