Code Geass : Lelouch de la Rébellion (en japonais : Kôdo Gyasu : Hangyaku no Rurûshu).


Il y a des titres qui frappent dans leur langue originale. Il y a des titres qui frappent une fois qu'ils sont traduits. Et il y a des titres qui frappent dans les deux cadres. Des titres évocateurs, qui présagent quelque chose de grand. Ou plutôt, non : je devrais dire de grandiose. Ou de grandiloquent. Mais grand ne suffirait assurément pas.


Code Geass, c'est une histoire que je ne prends ici guère la peine de vous narrer : elle est excellemment détaillée si vous prenez la peine de cliquer sur le titre quelques lignes plus haut.


Une fois n'est pas coutume, commençons plutôt par les points négatifs de CG : c'est du CLAMP - ou plutôt, une collaboration entre le studio Sunrise et CLAMP. Vous devez savoir, par honnêteté intellectuelle, que je déteste CLAMP. A mon goût, CLAMP se résume à une machine à fric créée par de petites fragilistas pour satisfaire les besoins de fan service des amateurs de yaoi. Autant vous avouer que mon a priori était grand quand j'ai commencé cette série.


Pourquoi l'avoir d'ailleurs commencée ? Ici, nulle histoire de hasard ou d'ennui au fond de mon lit. J'ai commencé à regarder Code Geass au bout de la huitième personne de mon entourage venue me dire qu’il fallait absolument que je le voie. Ma curiosité et l'envie de voir ce qui a tant frappé mes amis en suivant Code Geass m'a poussé à télécharger le premier épisode et, de fil en aiguille, j'ai fini cette série composée de 52 volets au format - traditionnel, s'il en est - de 20 minutes.


Code Geass souffre à mon sens d'une certaine manie à mélanger le genre mecha, yaoi et shônen, le tout saupoudré d'une touche de fan service, ainsi que d'une pléthore de personnages additionnels au charisme pas forcément rutilant. Ajoutez à ça une histoire dont la trame n'est pas fouillée comme elle aurait pu l'être, de nombreuses zones d'ombre subsistant à la fin de la série, et vous aurez la liste complète des défauts que je lui trouve ; des défauts, en somme, qui l'empêcheront d'être encore connu d'ici un siècle ou deux.


Et pourtant...


Et pourtant, c'est à connaître. La première chose qui frappera - et crescendo au fil des épisodes -, c'est le charisme extraordinaire et foudroyant de Lelouch, un charisme, il est vrai, largement servi par le style graphique et le sens de la mise en scène de CLAMP, sans même faire allusion à la voix originale de Lelouch dans la série japonaise, doublée par un certain Jun Fukuyama - qui sera bien connu des amateurs d'animes que vous êtes.


Lelouch est un de ces jeunes hommes comme on n'en voit presque que dans une oeuvre de fiction : 17 ans, diaboliquement intelligent et doté, par son sens aigu de la manipulation et de la psychologie, d'une sorte de don du ciel qui lui permettra en un temps record d'ériger un contre-pouvoir rebelle - l'Ordre des Chevaliers Noirs - pour contrecarrer la suprématie de l'empire qu'il déteste et à la suite duquel il a tout perdu - droit de succession au trône, mère - : le Saint Empire de Britannia, dont l'empereur n'est autre que son propre père.


Un petit coup de pouce pour cet être pas comme les autres s'ajoute à ses impressionnantes capacités intellectuelles, puisque Lelouch acquiert, dans des circonstances que vous prendrez le soin de découvrir vous-même, le Pouvoir des Rois, as known as : le Geass. Le Geass de Lelouch lui permet, d'un simple regard, de donner un unique ordre à la personne qui se trouve en face d'elle. Il s'agit du pouvoir de l'obéissance absolue. Un pouvoir qui devra lui permettre de changer sa destinée - et celle de centaines, de milliers et de millions de gens avec la sienne.


Code Geass baigne dans un univers uchroniques dans lequel l'Empire Britannia symbolise une divergence de l'histoire de notre monde réel. Le style architectural rappelle résolument de nombreuses influences - dont l'époque victorienne - qui forment un contraste frappant avec les moyens technologiques mis en scène dans cet anime, dont le point central - et scénaristique - sont ces robots appelés Knightmare Frames, pilotés par des soldats survitaminés, qui ont permis à l'Empire Britannien d'écraser le Japon, dont les tanks et autres hélicoptères ne pouvaient rivaliser, et de lui chiper son indépendance en l'an 2010 du calendrier britannien. Une domination rendue nécessaire par la présence, sur le sol japonais, d'une source d'énergie nommée Sakuradite nécessaire au bon fonctionnement de ces Knightmare garants de la suprématie militaire de Britannia. Ces robots géants et surpuissants, capables de se propulser à 120 km/h en l'espace de quelques secondes, de voler dans les airs et de détruire des buildings d'une seule rafale correctement placée de leurs armes dopées, nous, on ne les a pas... mais, comme pour contrebalancer cette avancée technologique, l'univers de Code Geass, au commencement de la série, ne possède pas l'arme nucléaire.


Laissez-vous donc enchanter par la bande son qui, loin d'être en reste, fournit une ambiance en adéquation exemplaire avec l'évolution de l'histoire et les sautes d'humeur des scénaristes : ambiance tendue, festive, épique, colérique, rien n'est laissé en reste. Et cette bande-son, parfois pourtant plate, ne fait que coller aux nécessités d'immersion du spectateur, du début à la fin.


Laissez-vous enchanter par une histoire parfois tirée par les cheveux, parfois ennuyeuse, mais jamais à court de rebondissements, de moments inoubliables pendant lesquels le spectateur oscillera entre l'adoration du héros et la haine qu'il lui vouera dans ses moments les plus orduriers. Lelouch présente la manie de traiter autrui comme un pion sur un échiquier et la plupart des réflexions qu'il mènera en solitaire sont d'une méchanceté et d'un cynisme qui dépasseront par moments les cœurs les plus endurcis de Senscritique. Vous affronterez parfois des moments d'une telle brillance que vous ne pourrez pas vous empêcher d'y repenser le soir dans votre lit douillet.


Côté graphique, c'est agréable à l'œil. C'est du CLAMP, me direz-vous : des personnages à rallonge, montés sur échasses, des visages d'éphèbes, des cheveux aux couleurs TRÈS improbables et un peu d'homosexualité masculine comme féminine habilement suggérée, ce qui n'empêche par ailleurs pas certains designs d'être particulièrement réussis - je pense notamment aux mechas même si on me souffle que ce n'est décidément pas du niveau d'un Gundam Seed ou d'un Evangelion.


L'univers n'est pas extrêmement fouillé : on en a déjà débattu, n'est-ce pas ? J'aurais voulu ne pas mettre un bémol à une histoire qui comporte, excusez du peu, des trous béants qui auraient pu tant apporter à la richesse et à la profondeur d'un univers pourtant prometteur à la base. Qu'en est-il du Culte du Geass ? Qu'en est-il des projets nourris par l'Empereur qui, partiellement dévoilés, semblent assez bancals ? Qu'en est-il de personnages comme Mao, V.V., C.C. ? Des points dont les fans auraient facilement pu être assoiffés. Mais il n'y aura rien de tout cela. Comme par contraste, beaucoup de noms et références sont admirablement bien trouvés, barbotant avec brio dans un bain de mythologie nordique habilement détournée : noms des Knightmares Frames (Lancelot Albion, Gawain, Tristan, Mordred...), systèmes et armements (Yggdrasil, Cecil, FLEYJA, Canon Hadron, V.A.R.I.S....).


Du reste, tout a été sacrifié au détriment de l'efficacité : manoeuvres militaires réalistes, discours entraînants - qu'ils soient issus de la bouche de Lelouch ou de celle de Charles vi Britannia, son propre père et pire ennemi -, débats enflammés sur la manière dont un monde peut changer, sur les rivalités sentimentales ou politiques : Code Geass est un cocktail d'émotions riche en nombre et en diversité, mais je ne peux m'empêcher de croire encore que le rendu aurait été moins fade si tout n'avait pas été donné à quelques personnages privilégiés de par leur relief.


Attendez-vous, pour conclure sur la phase critique, à un vaste contraste entre personnages fouillés, travaillés, torturés et souvent réussis (Lelouch, Suzaku, le Comte Lloyd, Laksharta) et ces autres personnages (Nunnally, Rival, Millay, Nina) dont on se demande à quoi ils servent une fois leur rôle de faire-valoir mis de côté : voix agaçantes, mimiques inutiles, aucune contribution à l'avancée de l'histoire... mais que fait Chuck Norris !?


En bref et pour conclure (et pour de vrai, cette fois), jetez-vous sur Code Geass si vous n'avez rien d'autre à vous mettre sur la dent. La fin vous restera sur l'estomac et vous serez fiers d'avoir ajouté cet indispensable à votre vidéothèque. Et vous me ferez le plaisir de vous y immerger en version japonaise sous-titrée dans la mesure où je puis vous assurer que la version française ne vaut pas un âne mort.


"All Hail Britannia ! All Hail Lelouch !"

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le 16 janv. 2011

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