House of Cards
7.6
House of Cards

Série Netflix (2013)

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Je ne connais pas bien du tout cette série, j’ai juste vu 6 ou 7 épisodes de la saison 4, et avant de la terminer, j’ai eu envie d’écrire quelque chose dessus. Evidemment, je ne peux pas juger toute la série puisque je n’ai pas vu les 3 premières saisons – qu’on m’a raconté en gros –, d'ailleurs je ne mets une note que parce que je suis obligé ; cette critique est juste une réflexion sur une série qui me paraît tristement révélatrice du monde d’aujourd’hui.
On a donc notre ami Frank Underwood, politicien sans vergogne, incarné par Kevin Spacey – l’acteur star des films de petits malins surestimés –, qui ne recule devant rien pour satisfaire sa soif de pouvoir. L’astuce de la série, c’est de le faire s’adresser au spectateur dans des apartés où il nous donne des leçons de darwinisme social – « le monde est une jungle, et je veux être le plus fort ». Je crois que je ne spoile personne en disant que Frank deviendra président des Etats-Unis.
Par-delà ses qualités – à mon avis relatives, tout du moins dans la saison 4 – je trouve cette série dégueulasse. Frank Underwood n’a rien d’humain : il n’a aucune faiblesse, aucun état d’âme, son seul objectif est le pouvoir et il met tout en œuvre pour l’obtenir et le conserver. Sa femme Claire est presque encore plus froide que lui. Quant aux autres, ils sont soit soumis à Frank, soit trop lâches pour s’opposer à lui. Le monde d’House of Cards est donc binaire, avec d’un côté ceux qui n’ont aucune morale – et aucune peur non plus, donc rien d’humain –, et ceux qui n’ont pas le courage de mettre en œuvre leur morale. Les rares personnages qui combinent sens moral et courage se font tous écraser par les Underwood, trop forts pour eux, trop forts pour tout le monde d’ailleurs.
Frank Underwood est un psychopathe, comme en raffolent les séries TV d’aujourd’hui, et certains films – Seven et Millénium, par exemple, pour parler d’un certain David Fincher, qui est intimement lié à House of Cards. Cette fascination post-kubrickienne pour les psychopathes – mais les fous chez Kubrick étaient beaucoup plus intéressants – n’a rien à voir avec M le maudit, où il s’agissait de rapprocher le fou des humains « normaux », et de montrer qu’il n’y avait pas tant de différences que cela. Le psychopathe d’aujourd’hui n’a lui plus rien d’humain. Que des hommes comme ceux-là existent dans la réalité n’est plus une question : le psychopathe fincherien n’est qu’un fantasme, un homme-robot qui n’a pas du tout pour visée d’interroger l’humanité – ce que faisait Kubrick – mais juste de se faire plaisir en imaginant ce que pourraient être les pires hommes du monde. Ne cherchez pas la pensée là-dessous.
House of Cards va plus loin que d’habitude car Frank Underwood deviendra président des Etats-Unis. A une époque où la défiance envers les hommes politiques atteint des sommets – en Europe comme aux Etats-Unis, où un certain Donald Trump vise la présidence –, je trouve particulièrement indécent de montrer un « homme » tel qu’Underwood au pouvoir. Que les choses soient claires, je ne dis pas qu’il est interdit de mettre au jour les magouilles des politiciens, et je dis encore moins que les politiciens sont des saints qui ne font qu’œuvrer humblement pour le bien général ; je ne suis pas naïf. Mais je pense que la position désabusée d’une série comme House of Cards – en gros : soit lâches soit pourris, et les pourris, au moins, ont ce qu’il faut dans le pantalon pour nous gouverner – est au moins aussi bête et nauséabonde que la position du naïf. Et je dois dire qu’elle m’inquiète beaucoup. Rappelons qu’en plus, comme si ça ne suffisait pas, Underwood est démocrate…
Tel un super-héros qui ne penserait plus qu’à sa gueule, Underwood réussit tout mais ne fait jamais le bien. L’homme du XXIème siècle qui regarde House of Cards ne veut plus voir ses congénères, il ne veut plus voir de failles, de doutes, de sentiments ; dorénavant, il ne veut plus voir que des animaux, ou des automates. Il fantasme un surhomme débarrassé de toute morale qui ne verrait plus que la fin, et qu’importe les moyens. Et il se dit qu’il est faible d’encore un peu penser à son prochain, qui n’en vaut sûrement pas la peine.
David Fincher a du talent, mais voir quelques épisodes d’House of Cards m’a rappelé qu’il est capable du pire, en témoignent les infâmes scènes de viol dans Millénium. Si j’ai pu être ébloui par le brio de son dernier film, Gone Girl, il n’en reste pas moins que sa femme fugueuse n’était pas plus humaine ou réelle que Frank Underwood. Le monde de David Fincher est un monde geek, toujours adolescent, où tout est ou blanc ou noir – et surtout noir –, où la naïveté du conte de fée a laissé place à la pire perversité. Si seulement cette perversité pouvait être jouissive ! Mais non, il faut être sérieux ; alors on fait tirer la tronche aux acteurs, on filme en nuances de gris, et on fait lentement glisser la caméra dans des bureaux vides et spacieux… Je me demande combien de temps encore la bêtise pourra se faire passer pour l’intelligence avant que l’on ne se rende compte de la supercherie.


P.S. : Je viens de finir la saison 4. Pfff... Tout ce qui pourrait être bien est court-circuité par la volonté de départ de montrer un couple maléfique qui gouverne : ils ne peuvent jamais perdre sinon la série s'arrêterait, donc ils réussissent toujours, au mépris total de la vraisemblance. C'est très très frustrant. Je pense que je vais m'arrêter là.

Neumeister
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le 11 juin 2016

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Neumeister

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