Saison 1:


De prime abord, la série m'a un peu décontenancé. Il faut commencer par dire que je ne savais rien de cette série. Je ne connaissais rien de ses degrés d'humour, de réalisme, d'horreur. Difficile de savoir alors sur quel pied danser.


Très vite, on se rend bien compte évidemment que le ton est plutôt sérieux. Certes, quelques dialogues bien sentis laissent apparaître un certain humour froid par moments, mais la plupart du temps, la série campe dans le champ du fantastique, voire de l'horrifique avec le plus grand sérieux. Certaines scènes sont bien flippantes d'ailleurs ! Pour aller vite, on est plus du côté de Lovecraft que de la famille Adams.


Assise sur une écriture sûre, assez fouillée, la série n'est pas avare en thèmes profonds, grâce notamment à ces personnages principaux. Les deux pieds bien ancrés dans la mythologie fantastique du XIXe siècle, entre vampires, lycanthropes, tables tournantes, satanisme et positivisme dérapant, elle brasse large même.


Pourtant, malgré cette générosité a priori foutraque, le récit se tient relativement bien. Un petit miracle en soi que l'on doit à la bonne écriture scénaristique, mais pas seulement. Je crois que le plus impressionnant de cette série est à trouver dans la performance de la distribution. Il y en a deux ou trois qui font un travail colossal.


Hors de question pour moi d'aborder cet aspect sans commencer par celle qui, de ses petits bras musclés, soutient tout le poids de la série à elle seule. Personnage axial, incontournable, elle est l'étoile autour de laquelle tous les autres se satellisent. Eva Green est incroyable. N'ayons pas peur des mots. Son rôle exige des écarts extravagants, passant de la jeune fille jalouse à la démoniaque insatiable. Médium habité par des esprits maléfiques, elle se transforme en furie hyper sexuée. L'actrice se déforme le visage, gesticule, se contorsionne, grimace. Des jolis yeux s'enflamment en gros yeux ronds à la Barbara Steele. Eva Green devient vraiment effrayante : ça marche! Il y a un truc qui s'allume et vous prend au bide. Je suppose que la série s'appuyant sur ce personnage exubérant peut se révéler rebutante si jamais vous ne mordez pas à l'hameçon greenien. Pour ceux comme moi qui acceptent ce jeu grand-guignolesque, alors le spectacle est au rendez-vous, la tension vous gagne et vous vous cramponnez à votre canapé, vous voulez savoir où tout cela mène. La comédienne fait montre de tout son talent en ne jouant pas seulement sur ces tonalités démoniaques. Elle peut jouer la jeune femme encore adolescente, pimpante et un peu puérile, ou bien la femme moderne, en pleine possession de sa sensualité. Le va-et-vient entre les personnalités qu'elle endosse est proche du grand écart parfois et pourtant, elle parvient à donner du liant à son jeu, et ainsi à le rendre tout à fait crédible. Peu d'actrices sont capables de faire ce qu'elle fait dans cette série, je vous le répète, elle fait une forte impression. Jusqu'à maintenant, Eva Green représentait pour moi une jeune actrice très belle, assez douée pour tirer la quintessence des mystères qui émanent de sa personnalité. Aujourd'hui, à cela s'ajoute une vraie palette de jeu, beaucoup plus complexe et riche. Eva Green est une comédienne très talentueuse. Ya d'la caisse!


Autour d'elle, les hommes ne sont pas mauvais. Je ne connaissais pas Harry Treadaway, mais son jeu m'a intrigué. Je le trouve très juste. Peut-être pas aussi varié que celui d'Eva Green, son personnage est moins exigeant sur cette saison.


Au contraire, Timothy Dalton incarne un homme mûr confronté à ses contradictions et de violents regrets. Aussi l'acteur shakespearien trouve-t-il ici matière à développer cet amour du jeu qui se lit, qui se partage. Je ne le connais pas suffisamment pour en faire des tartines. À vrai dire, je ne me rappelle que de son James Bond, très intériorisé, grave, qui me laisse plutôt froid. Avec ce rôle, j'ai l'impression de vraiment voir un comédien dans toute sa splendeur.


Concernant Josh Hartnett, je suis encore indécis. Plutôt monolithique dans cette première saison, son rôle se résume à un américain (gros muscles, gâchette facile) un peu trop simpliste à mon goût (le gros dur au cœur tendre qui cache un terrible mais évident secret). Je ne sais pas pourquoi, mais son regard de chien battu m'assoupit. À voir si cela déraille dans la saison suivante ?


Pour cette première saison, Rory Kinnear joue lui aussi sur une ou deux tonalités : la violence ou la détresse née de l'exclusion. A la fin, on peut espérer pour la suite des événements que son personnage s'étoffe. On a bon espoir en tout cas.


Celui qui m'a le plus surpris est sans doute Alex Price. Il a un rôle très compliqué a priori : celui d'une créature de Frankenstein qui découvre la vie petit à petit, comme un gamin émerveillé ou effrayé selon le monde qui l'entoure. Il est très juste, touchant.


C'est bel et bien une série anglaise : ils sont foutus de nous sortir d'on ne sait où des acteurs formidables mais pour des rôles secondaires. Alors, question essentielle : on rempile? Oui-da ! Je suis bien évidemment partant pour une deuxième saison.


http://alligatographe.blogspot.fr/2015/11/penny-dreadful-season-1-green-dalton.html




Saison 2:


J'avais été plutôt conquis par la première saison. Je le suis davantage avec la deuxième.


La saison 1 avait énormément -peut-être trop aux dires de certains- été axée sur la médiumnité de miss Ives (Eva Green) l'emmenant jusqu'aux rives de la folie. La comédienne en a irrité plus d'un à force de roulements d'yeux et de spectaculaires gesticulations. Personnellement, je la trouvais au contraire formidable, effrayante et donc impressionnante, ce qui était l'objectif crucial. Sur cette saison 2, son jeu extraverti est largement moins sollicité. Il est vrai que les autres personnages sont un peu plus sur le devant de la scène, du moins est-ce un sentiment fort que j'ai aujourd'hui. Lors de la saison précédente, miss Ives était au cœur de la série. Tout reposait sur elle. Cette année, elle est toujours centrale, mais les autres prennent véritablement plus de place. L'espace se partage enfin.


L'évolution d'Ethan Chandler (Josh Hartnett) par exemple s'étoffe considérablement, notamment grâce au fait qu'on sait désormais quelle est son identité secrète. De même, l'arrivée de Lily (Billie Piper) dans l'échiquier du dr Frankenstein (Harry Treadaway) développe du coup les enjeux à la fois sur le docteur et sur sa première créature, Mr Clare (Rory Kinnear). Ce dernier rencontrant miss Ives et trouvant un nouvel emploi au musée des horreurs fouille sa personnalité, enrichit sa potentielle sociabilité avec un bonheur varié. Dans sa recherche d'humanité, la souffrance suscitée par son sentiment d'exclusion est décuplée, mais plus affinée également. La nuance apparaît enfin de plus en plus fondamentale dans l'évolution de ce personnage, passionnant à côtoyer dans cette série, alors qu'il était un peu trop saoulant l'année précédente, trop monolithique. Sa fureur continue avait un goût de litanie un poil pesante. Quant au Dr Frankenstein, sa découverte de l'amour et de ses affres offre à l'acteur de nouveaux horizons de jeu.


Et puis, on a droit à la participation accrue et juteuse de deux personnages anecdotiques lors de la première saison : Ferdinand Lyle (Simon Russell Beale) et la sorcière Madame Kali (Helen McCrory). Le premier apporte un côté humoristique, décalé et pathétique à la fois, rafraîchissant en tout cas. Magnifique conteur, esthète, pince sans rire. Le raffinement et la délicatesse du personnage se marient avec bonheur avec le sentiment de culpabilité que sa duplicité engendre en lui. Belle plus-value que l’apport de ce personnage, grâce au talent de Simon Russell Beale!


De même, Helen McCrory donne de l’incarnation aux forces du mal. Dans la première saison, le démon était avant tout spirituel, tentant de posséder miss Ives. Dans cette 2e saison, il est enfin incarné, littéralement, par cette sorcière et ses compagnes. Il y a du corps, de la matière. Et le personnage n’est pas du tout un bête monstre sanguinaire ex nihilo. Au contraire, son office maléfique s’appuie sur une soif de jeunesse, éperdue et très humaine pour le coup, cette angoisse face à la vieillesse, cette peur de mourir qui la torture.


Avec une fin de saison très ouverte, ce n’est pas à proprement parler du cliffhanger qui nous titille, mais l’envie de reviens-y n’en demeure pas moins intense. Vivement la 3e saison !


http://alligatographe.blogspot.fr/2016/05/penny-dreadfull-season-2-green-hartnett.html




Saison 3:


Même s’il semble clore la saison avec une certaine logique, le final est un brin décevant et symbolise quelque peu l’incohérence du récit que la série ne manque pas d’avoir par moments. Je ne veux pas me lancer dans des explications plus poussées qui spoileraient l’intrigue de cette ultime saison. Il n'empêche, parfois les personnages s’ingénient à se créer des problèmes là où il n’y en a pas et à trouver des solutions bien compliquées.


Malgré tout cela, j’ai beaucoup aimé, une nouvelle fois, la promenade dans ce Londres gothique et steampunk. Parce que la démesure, le baroque de cette saison 3 sont toujours aussi jouissifs. Resplendissante saison qu’un voyage dans l’ouest américain n’est pas parvenu à ternir.


Certains épisodes sont d’une excellente tenue. Leur écriture réserve aux comédiens de très belles occasions de briller. Par exemple, l’épisode à l’asile avec un duo Eva Green / Rory Kinnear, il est tout bonnement somptueux. Les deux comédiens assurent une très grande performance commune, soutenus par un très beau texte.


De même que Brian Cox contrôle son laïus à la perfection face à Josh Hartnett, le frisson est garanti. Sa diction, sa maîtrise du discours, dans le tempo comme dans le jeu, sont succulents. Grand moment. Du point de vue du jeu proprement dit, on a droit à quelques sacrés numéros cette saison!


Il n’y a guère que le duo Reeve Carney / Billie Piper qui m’a une nouvelle fois un peu déçu. Carney n’arrive toujours pas à incarner avec brio un Dorian Gray à la fois inquiétant et sûr de lui. Mais Billie Piper est sans doute la plus décevante. Dans la diction, elle est douée. Malheureusement, elle fout en l’air ce travail en forçant toujours son jeu. Elle abuse des grimaces, elle rajoute sans cesse des effets de manche, des gestes “grandiloquents”. Du coup, son jeu prend l’eau de toute part. Jamais on ne peut croire à sa suffragette pasionaria d’opérette ; jamais elle n’arrive à créer une émotion forte pour son personnage beaucoup trop mélodramatique.


Cela n’altère pourtant en rien mon enthousiasme pour une série qui contient son lot de très belles scènes. La profondeur de certaines réflexions ou la poésie que ne manquent pas de susciter de nombreuses scènes sont les deux cadeaux magnifiques qu’il convient de ne pas se refuser. Entre introspection métaphysique ou simple réflexion philosophique, la série se révèle en effet plutôt enrichissante.


De même son apparence volontiers gothique et très romantique (au sens artistique premier du terme) fait songer à certaines caractéristiques du steampunk. De cet étrange amalgame émane un charme auquel je me laisse prendre avec délice. Aussi suis-je un brin triste de voir cette aventure se terminer si vite.


Captures et trombi

Alligator
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le 27 nov. 2015

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