Six pieds sous terre
8.1
Six pieds sous terre

Série HBO (2001)

Pourquoi Six Feet Under est une des meilleurs séries qu'il m’ait jamais été donné de voir ? Premièrement cette série ne suis pas de héros à proprement parler. Ni super-pouvoirs à la Heroes ou Buffy, ni super-espions à la 24, Alias ou MI-5, ni mafieux à la Sopranos ou dealers à la Breaking Bad, ni survivants sur une ile mystérieuse à la Lost, ni seigneurs d'un univers médiévalo-fantastique à la GoT. Ce ne sont même pas des héros du quotidiens (flics, médecins, etc.). Ce ne sont que des personnes ordinaires dans un monde ordinaire. On sort des schémas des séries qu'on connait tous.

Quel peut donc être l'intérêt de suivre des gens "normaux" dans un monde hyper-réaliste ? C'est là tout le tour de force d'Alan Ball créateur de la série et,au passage, scénariste du magnifique American Beauty (on retrouve une filiation entre les deux oeuvres par l'humour qui s'insère dans le drame du quotidien et la critique de la société mais ca reste tout de même 2 œuvres très différentes). Alan Ball a relevé un défi incroyable (et de quelle manière !) en parvenant à intéresser les téléspectateurs à une série dont la seule originalité du pitch est de tourner autour du métier des pompes funèbres. Franchement ce n'est pas très glamour. Personne n'a rêvé enfant de diriger un tel établissement. Mais ce choix impose le thème premier de cette série : la mort (chaque épisode débute sur la mort d'une personne de manière souvent imprévisible et parfois drôle). Et ce thème comme son pendant direct la vie et tout les autres thèmes abordés (famille, solitude, folie, homosexualité, adolescence, drogue, couple, adultère, etc.) sont toujours abordés intelligemment, souvent avec un peu d'humour (humour noir, corrosif et cynique principalement) et selon plusieurs points de vue. Il n'y a donc jamais de jugement de valeur. Le téléspectateur est instruit selon plusieurs perspectives des idées développées sans jamais qu'on lui impose un point de vue "meilleur" ou "plus valable". Bref le téléspectateur est considéré comme un être pensant et capable de réfléchir par lui-même et pas comme un être passif à qui on impose un système de valeur (chose malheureusement très courante dans beaucoup de séries et de films made in US).

La narration multiplie donc les points de vue : de la famille Fisher que l'on suit, des personnages secondaires, des personnes endeuillées et souvent le point de vue du mort à travers des dialogues rêvés/imaginés par les "héros". Autre outil narratif : le père de la famille (qui meurt au début du 1er épisode et réunis ainsi la famille) apparait énormément au travers de flash-back ou de dialogues imaginés par les membres de sa famille dans un rôle de Charon (passeur des morts vers les enfers dans la mythologie grecque) pince-sans-rire assez jubilatoire. Il permet ainsi de mieux saisir les débats intérieurs qui animent les personnages. Il y a également beaucoup de scènes rêvées ou fantasmées par les personnages principaux, et l'une des grandes forces de ces scènes c'est qu'on ne comprends qu'elles ne sont que des rêves/fantasmes qu'une fois terminées. A chaque scène un peu choquante on est donc pris dans le suspens de savoir si elles sont rêves ou réalité.

Ensuite (et c'est intimement lié avec la variété des thèmes et la profondeur avec laquelle ils sont étudiés) la psychologie des personnages est probablement la plus étoffée que j'ai jamais vu dans une série. Si tous semble à première vue des stéréotypes de la société occidentale puritaine, dès le premier épisode, le téléspectateur sait que ces stéréotypes vont exploser et évoluer constamment. Les discours qu'ils tiennent ne seront jamais redondants et égratignent petit à petit le vernis de notre société basée sur l'apparence et pleine de non-dits. "Surtout ne choquons pas, ne faisons pas de vague, soyons polis, écrasons nous." cette chape de convenance au-dessus de la demeure des Fisher va progressivement se fissurer et c'est à la fois passionnant et jouissif.

Enfin rien que pour l'épisode final qui est le meilleur que j'ai jamais vu (et je crois que la plupart des sériephiles ne me démentiront pas), il faut avoir vu cette série.

Créée

le 9 août 2014

Critique lue 528 fois

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ghyom

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