The Knick
7.7
The Knick

Série Cinemax (2014)

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Grey’s Anatomy steampunk, ou l’Amérique en train de se construire, en biais

Steven Soderbergh ne cesse de nous étonner. Il est, avec quelques autres, un des derniers innovateurs du cinéma. Au moment même où il annonce (après Liberace) vouloir renoncer à un cinéma qui ne permettrait plus de faire des films ambitieux, le cinéaste et producteur protéiforme* se tourne vers la télé, dernier refuge de l’audace, où personnages adultes et propos intelligents peuvent cohabiter. À croire qu’il lit CineFast !


Steven Soderbergh s’est donc lancé en 2013 dans l’aventure The Knick, grâce à Cinemax (une filiale de HBO), terrain fictionnel permettant d’étendre totalement ses ailes.


The Knick c’est ça. Ce Grey’s Anatomy steampunk part d’une idée toute bête : de la musique électro (signée Cliff Martinez**) pour illustrer un film d’époque. Une façon d’éviter les écueils d’une reconstitution aux petits oignons (ce qu’est The Knick par ailleurs). Ensuite la violence du propos, et la description sans fard de l’Amérique en train de se construire, avec ses immigrants. New York, 1900.


Steven Soderbergh a une certaine façon de regarder cela en biais, comme il l’a fait dans le reste de son œuvre. S’approprier un genre populaire (ici la série médicale) et le travailler sérieusement, socialement, politiquement. Ici, les progrès de la médecine, à pas de géant, mais aussi au forceps, ne sont qu’un prétexte pour attaquer les thématiques qui hantent l’opus soderberghien (en gros : sexe, mensonge, corruption). Avec une quatrième couche au millefeuille : le racisme, incarné par le parcours d’un médecin noir recruté par une famille progressiste, au milieu de l’establishment blanc.


Pour cela il faut un casting énorme, sans grande star, pour incarner cette galerie de personnages tous aussi passionnants les uns que les autres (le grand patron megalo (Clive Owen), la jeune infirmière carriériste (étonnante Eve Hewson***), les jeunes coqs prodiges (André Holland, Eric Johnson, Michael Angarano) et la sublime Cornelia, dame patronnesse de l’hôpital, l’héritière Robertson (Juliet Rylance)…


Le premier coup de génie du réalisateur, c’est à la fois d’avoir soigné la reconstitution (on se demande pendant tout le film où tout cela est tourné, tant on a le sentiment d’être physiquement dans le New York du début du siècle, sans la béquille habituelle de la 3D) et d’avoir filmé ça dans son jus, comme un reportage, caméra à l’épaule, sans éclairage supplémentaire.


C’est d’ailleurs Soderbergh qui tient la caméra, et le travail des éclairages est tout à fait extraordinaire. Prendre la caméra à l’épaule, ça permet de gagner beaucoup de temps et d’argent (pas de mise en place compliquée) ; mais ça permet surtout de mettre le budget ailleurs : dans un plan séquence incroyable (le bal, saison 2) ou dans un décor coûteux (la fête foraine).


Ce mélange d’esthétique est de naturalisme n’est pas à la portée de tous.



  • Il suffit de jeter un œil – à rebours – à son incroyable filmographie : le film social caché dans un film de Chippendales (Magic Mike), les limites du porno (Girlfriend Experience), le biopic (Che, Liberace), le blockbuster détourné (Ocean’s 13, Erin Brockovich), la série ou le film politique (K Street, Traffic), le film SF élégiaque (Solaris), le film d’auteur (L’Anglais, Sexe, mensonges et vidéo)…


** Non content d’avoir été le premier batteur des Red Hot Chili Peppers, et d’avoir composé la musique des Soderbergh et des Nicolas Winding Refn, il travaille pour aussi Xavier Gianolli ou Harmony Korine…


* Message personnel à Notre Agent au Kremlin : vous aviez raison, finalement…


cinefast

ludovico
9
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le 11 juil. 2016

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